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"Ils ont été très forts" : "Le jeu de la dame", la nouvelle série sur les échecs qui fait un carton sur Netflix

La série sortie sur Netflix fin octobre a bénéficié d'un très bon accueil. En plus d'acteurs talentueux et d'un beau scénario, la série retranscrit assez justement le monde des échecs de haut niveau, nous explique l'ancienne championne de France Sophie Milliet. 

Article rédigé par Manon Botticelli
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
ANYA TAYLOR-JOY est BETH HARMON dans Le jeu de la dame sur Netflix. (CHARLIE GRAY/NETFLIX)

"Le jeu de la dame surpasse probablement toutes les séries ou les films sur les échecs que j’ai pu voir", s’exclame Sophie Milliet, sextuple championne de France de la discipline. L’objet de son enthousiasme : la mini-série pépite de l’automne sur Netflix. Le jeu de la dame (The Queen’s Gambit en anglais), adaptée d’un roman de Walter Tevis, est sortie en toute discrétion le 23 octobre dernier. Mais elle n’a pas tardé à trouver son public et à s'imposer comme un incontournable du moment.

Elle parle pourtant d’un sujet qui pourrait en intimider plus d’un : les échecs. Les raisons de ce succès ? Des acteurs épatants, un beau scénario… Et surtout une mise en scène astucieuse qui permet aux spectateurs à qui les mots "sicilienne", "roque" ou "gambit" n’évoquent pas grand chose, de suivre quand même. Le tout sans lésiner sur la qualité et le réalisme.

Beth Harmon (formidable Anya Taylor-Joy) n’a que huit ans quand elle apprend à jouer aux échecs avec le concierge de son orphelinat. Ce dernier voit très vite en elle un futur prodige. Devenue dépendante aux tranquillisants que l’institution donnait aux enfants, elle se sert des médicaments pour visualiser mentalement un échiquier et s’entraîner. En grandissant, elle intègre des tournois et se confronte au monde ultra-compétitif et masculin des échecs de haut niveau, tout en gérant ses addictions et en surmontant les drames qui vont marquer sa vie. Son but ultime : battre le numéro un mondial, le Russe Vasily Borgov.

Des parties réalistes

Pour Sophie Milliet, Le jeu de la dame a le mérite de ne pas tomber dans la caricature : "On a parfois représenté au cinéma les joueurs comme sombrant dans la folie à cause des échecsBeth Harmon a des problèmes avec la drogue et l’alcool mais c’est surtout lié à son enfance", explique-t-elle. "En plus c’est une joueuse, ce qui est plus rare. Cela offre une nouvelle approche".

La championne cite comme qualités la gestuelle "très réaliste" des acteurs sur les parties mais aussi l’atmosphère bien restituée des tournois avec "du silence et de la tension". "Ils ont été très forts !", commente la joueuse d'échecs, conquise. Pas étonnant, les créateurs de la série, Scott Franck et Allan Scott, ont été secondés par Garry Kasparov, ancien champion du monde, et Bruce Pandolfini, célèbre coach new yorkais. La plupart des parties mises en scène dans la série sont d'ailleurs inspirées de vraies parties jouées dans le passé par des pointures mondiales.

ANYA TAYLOR-JOY (Beth) et TOMAS BRODIE-SANGSTER (Benny) dans Le jeu de la dame sur Netflix.  (2020 Netflix, Inc)

Bien sûr, tout n’est pas réaliste, souligne la championne Sophie Milliet. Beth enfant bat tout le monde très vite. Dans la réalité, "cela demande beaucoup d’entraînement". Autre incongruité relevée par la joueuse : la protagoniste prend des tranquillisants avant ses parties. "Il n’y a aucune chance de bien jouer dans ces conditions-là. "

Les grands joueurs ont une préparation physique rigoureuse et une bonne hygiène de vie pour que le cerveau soit au maximum.

Sophie Milliet, sextuple championne féminine de France d'échecs

à franceinfo

Du suspense et de l’émotion

"Cela m’étonne que cela ait eu autant de succès auprès des non-joueurs car il y a des scènes très pointues", estime Sophie Milliet. Malgré la technicité de certains passages, la série reste très abordable pour les néophytes, notamment grâce à l’expressivité et au jeu impeccable de l’actrice principale : il suffit d’un coup d’œil paniqué d’Anya Taylor-Joy pour comprendre que son roi est en péril. Les commentateurs radios présents pour chaque grande compétition servent aussi de guides aux spectateurs lors des parties cruciales, bourrées de suspense.

En parallèle des scènes d’échecs, l’histoire personnelle de Beth apporte de l’émotion et transporte le spectateur. Le jeu de la dame est avant tout l’histoire d’une petite fille qui garde du départ de son père et du suicide de sa mère un sentiment d’abandon. Cette cicatrice sera notamment à l’origine des dépendances dont elle devra se débattre. 

ANYA TAYLOR-JOY (BETH HARMON) dans Le jeu de la dame. (Phil Bray/ Netflix)

Ajoutons à cela un discours féministe toujours d’actualité dans un milieu des échecs encore très masculin. "Cela évolue dans le bon sens, analyse Sophie Milliet, mais ce n’est pas rare que dans un tournoi open, on ne trouve encore que 5% de femmes". En 2018, la Fédération française d’échecs comptait 20% de licenciées féminines.

Une chose est sûre, la série pourrait pousser des curieux devant l’échiquier. Surtout qu’il est toujours possible de s’exercer en ligne malgré le confinement. "C’est un monde un peu fermé", estime la championne d'échecs. "Cette série pourrait permettre à pas mal de gens qui avaient des a priori de s’y intéresser."

La fiche

Genre : Drame
Par : Scott Frank, Allan Scott
Acteurs : Anya Taylor-Joy, Russell Dennis Lewis, Sophie McShera
Pays : Etats-Unis
Durée : 7 x 60min
Sortie : 23 octobre 2020
Chaîne : Netflix, VOD

Synopsis : En pleine Guerre froide, le parcours de huit à vingt-deux ans d'une jeune orpheline prodige des échecs, Beth Harmon. Tout en luttant contre une addiction, elle va tout mettre en place pour devenir la plus grande joueuse d’échecs du monde.

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