Dominique Rocheteau : "Le football est avant tout collectif, c'est dommage d'avoir tendance à individualiser ce sport"
Quand on évoque le nom de Dominique Rocheteau, ce ne sont que des souvenirs positifs qui nous reviennent. Il est resté ce footballeur international français, "l'ange vert" associé à l'AS Saint-Étienne, puis passé au Paris Saint-Germain (PSG) et au Toulouse Football Club. Il a aussi été président du comité d'éthique de la Fédération française de football entre 2002 et 2012 et directeur sportif du club de Saint-Étienne, qui lui a permis d'être champion de France en 1974, 1975 et 1976. Il vient de publier une autobiographie, Foot sentimental, aux éditions du Cherche-Midi.
franceinfo : Vous avez atteint la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions et, en 1980, vous avez été champion de France. Vous êtes à ce jour le sixième meilleur buteur du PSG. C'est amusant parce qu'on ne le sait pas forcément.
Dominique Rocheteau : Oui, c'est vrai. Moi, c'est l'image de Saint-Étienne, l'image de "l'ange vert" qui me colle à la peau, alors que j'ai quand même passé sept ans au PSG. Quand je l'ai quitté, je ne savais absolument pas que j'avais marqué 100 buts parce que c'était différent à l'époque. On ne jouait pas pour les statistiques. Et c'est ce que je reproche un peu maintenant. Les joueurs, les médias aussi mettent l'accent sur les statistiques, sur le nombre de buts marqués, sur le palmarès et pour moi, le football, c'est avant tout collectif. Là, on a tendance à individualiser ce sport. C'est dommage.
Vous dites une chose très importante, c'est qu'avant d'être joueur, votre famille vous a enseigné le fait que vous étiez d'abord des supporters.
J'ai joué au football pour des raisons ludiques. Pour moi, c’était un jeu. C'est pour ça que j'ai toujours mis l'accent sur le jeu et que j'ai toujours aimé les équipes qui pratiquaient un beau jeu, le jeu collectif. Il y avait un petit côté idéologique aussi, c'est pour cela que j'ai appelé mon livre Foot sentimental. Il y a aussi l'esprit du jeu. Je n'aime pas trop comparer, mais on voit la différence entre le rugby et le football. Je suis supporter de La Rochelle, car c'est ma région, et quand j'ai le choix entre un match de La Rochelle et un match de football professionnel, je choisis souvent le rugby parce que j'aime bien l'état d'esprit qu'il y a dans ce sport. Je pense qu'ils ont bien évolué.
"Dans le rugby, il y a des règles qui protègent l'esprit du sport et c'est pour ça que je tire un peu la sonnette d'alarme par rapport au football parce que c'est toujours plus d'argent, toujours plus… Et ça casse des choses, ça casse l'esprit de ce sport."
Dominique Rocheteauà franceinfo
Il y a des matchs qui ont plus compté que d'autres pour vous, notamment la demi-finale disputée à Séville contre la République fédérale d’Allemagne, qui est restée gravée dans votre mémoire. Pourquoi ?
Gravée dans la mémoire des joueurs et des supporters, parce que c'était un match assez épique, assez fabuleux. On est passés par tous les sentiments. L'euphorie quand on menait 3-1, un peu de peur, de l'appréhension quand l'Allemagne est revenue à 3-3 et puis, après un stress énorme, quand il y a eu la séance de tirs au but. Je pense que là, on avait la plus belle équipe de ma génération. On nous appelait un peu le Brésil européen... Mais on était peut-être une équipe un peu trop romantique, pas assez réaliste. On jouait, on jouait, on menait 3-1 et on a continué à jouer, il aurait peut-être fallu être plus réalistes.
Vous parlez d'Aimé Jacquet et de la Coupe du monde de 1998, mais aussi de celle de 2018, menée cette fois-ci par Didier Deschamps. Et vous mettez au cœur de cet ouvrage l'importance des meneurs. Vous dites que Didier Deschamps, justement, a su s'inscrire dans cette longévité.
C'est vrai que Didier Deschamps a été à bonne école avec Aimé Jacquet, que j'ai connu tout jeune. C'est lui qui m'a beaucoup apporté, avec un discours plein d'humilité, cette passion. C'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup.
"Didier Deschamps s'inscrit dans la continuité d'Aimé Jacquet."
Dominique Rocheteauà franceinfo
Vous parlez d'une chose dans cet ouvrage, c'est l'importance de porter le maillot de l'équipe de France. Vous rappelez-vous de la première fois où vous l'avez enfilé ?
Oui, à ma première sélection avec Ștefan Kovács. On était deux jeunes joueurs. Il était roumain et pour lui, l'équipe de France, le coq, c'était très important. Ils nous avaient fait embrasser le coq avant le match dans les vestiaires devant tous les joueurs. C'est un petit geste qui m'a marqué.
L'Euro 1984 reste votre plus beau moment ou pas ?
Non, justement ! C'est le plus beau moment pour toute l'équipe, pour les joueurs. On était champions d'Europe, j'étais hypercontent. Mais moi, quelque part, j'étais un peu triste.
"Je suis complètement passé à côté de l’Euro 1984. Je n'ai pas joué à tous les matchs, je n'ai pas joué la finale, j'ai vu ça du banc de touche et ce n'était pas pareil."
Dominique Rocheteauà franceinfo
Je ne devrais pas dire ça parce que c'est avant tout collectif, mais pendant toutes les Coupes du monde, c'est vrai que j'ai joué. Ce qui comptait, c'était aussi de jouer. On est toujours un petit peu déçu d'être remplaçant. Bien sûr, on supporte l'équipe, nos coéquipiers, mais ce n'est pas la même chose.
Quelle place a occupé et aura occupé le football dans votre vie ?
Le football, c'est toute ma vie, bien sûr ! Mais pas que... Heureusement d'ailleurs ! J'avais fait une pub dans laquelle je disais : "Il n'y a pas que le football dans la vie" et c'est vrai, il n'y a pas que le football dans la vie.
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