Ça s'est passé un 27 juin 1984 : La France est championne d'Europe pour la première fois !
Ce soir-là, Lionel Chamoulaud et moi, avions décidé d’aller sur les Champs-Elysées pour voir... Et on a vu. Des milliers de supporters français en folie, des voitures qui klaxonnaient, une ambiance de fête incroyable que nous ne retrouverions que quatorze ans plus tard, pour la première Coupe du Monde remportée par les Bleus en 1998...
Le douloureux souvenir de Séville 1982
Il faut dire que cette génération était exceptionnelle, emmenée par Michel Platini et dirigée par Michel Hidalgo qui vient de s’éteindre le 26 mars dernier, à 87 ans. Une génération meurtrie par son échec en demi-finale de Coupe du Monde, deux ans plus tôt, à Séville, contre l’Allemagne du maudit Harald Schumacher...
Cet Euro 84 sera l’acte de résilience de l’Equipe de France, car Platini, Giresse, Battiston, Amoros, Bossis, Genghini, Tigana, Six et Rocheteau ont versé beaucoup de larmes dans le vestiaire de Séville en 82...
Un parcours sans faute jusqu’à la finale
Cette finale du Championnat d’Europe des Nations, créé par le Français Henri Delaunay, n’est pas la première en France qui avait accueilli le premier Euro de l’histoire en 1960, année du succès de l’URSS. Mais à Paris, cette fois, c’est la France qui est en finale contre l’Espagne, déjà vainqueur chez elle en 1964. Michel Hidalgo a gardé les incroyables vainqueurs du Portugal, à Marseille en demi-finale, à l’exception de Didier Six, remplacé par Bruno Bellone en attaque. Ces Bleus ont fait un parcours sans faute jusqu’à la finale. Victoires contre le Danemark au Parc 1-0, la Belgique à la Beaujoire à Nantes 5-0, la Yougoslavie à Geoffroy-Guichard à Saint-Étienne 3-2 et le Portugal au Vélodrome à Marseille 3-2 après prolongation. Avec, à chaque fois, un Platini en état de grâce, auteur de 8 buts.
Pour son 75e et dernier match à la tête de l’Equipe de France, après huit années harmonieuses, Michel Hidalgo lui lance ceci dans le vestiaire, avant le match contre l’Espagne : "Tant que nous n’avons rien gagné, nous ne sommes rien ! Aimez ce match que nous allons jouer !" Face aux Bleus, la Roja est très amoindrie. Elle est privée de Goicoechea, Maceda et Gordillo ! "Un peu comme si la France jouait sans Tigana, Bossis et Le Roux..." balance Miguel Munoz, le sélectionneur ibérique. Mais Camacho marque Platini de très près et Senor surveille attentivement Giresse. Les Bleus sont empruntés. Mais, comme très souvent avec cette génération, c’est le Grande Michele qui va débloquer la situation...
A la 57e minute, l’arbitre tchécoslovaque, M. Christov, siffle une faute, pourtant imaginaire, de Salva sur Lacombe à la gauche des 18 mètres. Platini est dans son jardin des coups francs de légende contre la Tchécoslovaquie ou les Pays-Bas... Cette fois, sa frappe enroulée du droit part au ras du sol. Luis Arconada, le brillant gardien basque, se couche bien sur la trajectoire du ballon, formant entre sa hanche et son coude, une niche pour réceptionner le coup franc du capitaine tricolore. Et soudain, 45 000 spectateurs voient filer avec stupeur ce ballon derrière la ligne de but ! Navarro Salva, le défenseur espagnol, reste incrédule, la tête entre ses mains tandis que Lacombe et Fernandez sautent de joie. L’incroyable bévue du gardien espagnol donne l’avantage 1-0 à l’Equipe de France.
Et Luis Arconada fait... une "Arconada"
"J’ai été trompé par un étrange effet donné au ballon par Platini" tentera d’expliquer le malheureux Arconda. Ce ballon venant mourir doucement derrière la ligne, restera dans les annales du foot mondial et Luis Arconada, au soir de sa 60e sélection, laissera un nom commun à ce genre de bourde. On parle désormais d’une "Arconada" à chaque fois qu’un gardien relâche maladroitement un ballon.
"Ils l’ont fait"
"Ils l’ont fait" titre l’Equipe ce soir-là. Dans la tribune officielle, tout le monde est heureux de voir monter le meilleur buteur du tournoi. François Mitterrand, le président de la République, Edwige Avice, la ministre des Sports, Jacques Georges, Fernand Sastre et Joao Havelange, présidents de l’UEFA, de la FIFA et de la FFF. Même Felipe Gonzalez, le Premier Ministre espagnol !
La France a dû attendre de jouer son 439e match pour gagner enfin un titre : championne d’Europe. "Hidalgo ! Hidalgo !" scande la foule du Parc des Princes. "Je ne sais pas par quoi commencer, déclare le sélectionneur français, puisque c’est la première fois qu’on est champions !" Tigana, meilleur joueur de la finale : "Trop beau ! Un rêve de gamin. Je ne réalise pas..."
En ce mercredi 27 juin 1984, Michel Platini est le premier capitaine français à soulever un trophée international. Auteur de 9 buts en 5 matches, il boucle avec la victoire dans cet Euro 84, une saison exceptionnelle : champion d’Italie avec la Juve, la Coupe des Coupes avec les bianconeri et le Championnat d’Europe des Nations. Ballon d’Or Adidas et Soulier d’Or de l’Euro ! 35 buts en bleu, mieux que Just Fontaine .
La même année, l’Equipe de France Olympique d’Henri Michel, remportera l’Or à Los Angeles contre le Brésil... La culture de la victoire, initiée par Michel Hidalgo, va conduire les Bleus vers d’autres succès retentissants : Coupe du Monde 98, Euro 2000 et Coupe du Monde 2018 !
A la 72e minute, Patrick Battiston simule une blessure pour permettre à Manuel Amoros, expulsé au premier match contre le Danemark, de participer à la finale. Mais les Bleus ne sont pourtant pas à l’abri d’un retour de l’Espagne. 53 secondes après la fin du temps règlementaire, Tigana offre un caviar à Bruno Bellone, lancé à la limite du hors-jeu. L’attaquant monégasque des Bleus, vient piquer son ballon juste devant Arconada, sorti de son but... La France mène 2-0 ! Cette fois, la glorieuse histoire de l’Equipe de France est en marche, malgré l’expulsion d’Yvon Le Roux à cinq minutes de la fin du match.
Alors que nous nous mêlions au bonheur des supporters peints en bleu blanc rouge, sur les Champs-Elysées avec Lionel Chamoulaud, les champions d’Europe fêtaient dans le calme et en famille, au siège de la Fédération Française de Football, leur merveilleux titre. "Puis je me suis couché mais je n’ai pas dormi..." avouera Michel Hidalgo, à qui le gouvernement Fabius songeait déjà confier le ministère des Sports, ce qu’il refusera quelques jours plus tard...
Les héros de 84 :
Bats-Battiston-Amoros-Le Roux-Bossis-Domergue-Giresse-Tigana-Fernandez-Platini-Lacombe-Genghini-Bellone-Six
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