Le décryptage éco. Rachat temporaire de l'usine Ford de Blanquefort : est-ce viable ?
Les salariés de l’usine Ford de Blanquefort en Gironde sont toujours dans l’expectative, après le refus du groupe américain de céder l'entreprise à un repreneur. Du coup, le ministre de L'Economie Bruno Le Maire a proposé un rachat provisoire du site par l’État : est-ce une solution viable ? Le décryptage de Fanny Guinochet ("L'opinion").
Le rachat temporaire ou renationalisation est une solution que les politiques ont déjà utilisée : Nicolas Sarkozy l’avait fait pour sauver Alstom en 2004, quand il était ministre de l’Economie. Souvenez-vous aussi, l’idée d’une nationalisation provisoire avait été avancée, pour les hauts fourneaux de Florange, par Arnaud Montebourg en 2012, mais François Hollande l’avait écartée. Ironie de l’histoire, lundi, Arcelor Mittal a d’ailleurs annoncé la fermeture définitive de deux hauts fourneaux. Plus récemment, c’est Bruno Le Maire qui a procédé à une nationalisation temporaire de STX, les chantiers de l’Atlantique, c’était en juillet dernier.
Bruno Le Maire n’a pas proposé cette option pour Ascoval
Précisons qu’Ascoval, a trouvé hier, une issue favorable puisque le tribunal a accepté l’offre de reprise du groupe privé Altifort. Du coup, les 281 emplois sont préservés. Pourquoi l’Etat s’engage-t-il à racheter certaines usines et pas d’autres ? Dans le cas de Ford, Bercy explique que le rachat est envisageable car il y a un repreneur privé, Punch Powerglide, un groupe belge qui a d’ailleurs fait une offre à Ford, L’Etat ne prend donc pas beaucoup de risque, il a l’assurance que le site sera repris ensuite par le privé. Dans cette histoire, c’est Ford qui n’a pas voulu du repreneur. Le groupe américain explique qu’une fermeture du site lui coûte moins cher et est plus simple qu’une reprise. Un point de vue qui a rendu Bruno Le Maire furieux. La semaine dernière, le ministre a accusé Ford de trahison.
Le rachet des entreprises par l'Etat tient souvent à leur caractère stratégique
C’est la même problématique que pour les privatisations. Les pouvoirs publics justifient leur présence au capital, quand cela touche à la souveraineté du pays quand il s’agit d’un fleuron emblématique de notre économie. Mais, attention, il faut avoir les liquidités pour racheter des entreprises, ce que l’Etat n’a pas forcément.
Actuellement, il est d’ailleurs plutôt dans un mouvement de privatisations, de ventes – il n’y a qu’à voir la Française des Jeux, ou ADP qu’il cède – car l’idée est bien de faire entrer de l’argent dans les caisses. La renationalisation, même temporaire, ne peut être qu’un ultime recours, une exception.
Risque que l’affaire Ford ne fasse jurisprudence
Les entreprises qui vont mal vont être tentées de frapper à la porte des pouvoirs publics. Et malheureusement, des sites industriels qui sont à la peine, il y en a encore beaucoup dans les territoires. Même si l’industrie retrouve des couleurs, la reprise se fait péniblement. Après avoir recréé des emplois ces deux dernières années, l’industrie devrait à nouveau supprimer 7 000 postes début 2019, selon l’Insee.
Il y a, clairement , après les propos de Bruno Le Maire, un risque d’ouverture de la boîte de Pandore. En attendant, les 872 salariés de Ford ne savent toujours pas ce qu’ils vont devenir et se posent la question : est-ce que Bruno Le Maire a joué un coup de poker ? Va-t-il tenir parole ?
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