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Syrie, Haut-Karabakh, Centrafrique : comment la Russie de Vladimir Poutine étend sa sphère d'influence

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, la façon dont le régime russe intervient pour renforcer sa présence au Moyen-Orient, en Europe centrale et en Afrique.

Article rédigé par franceinfo - Aurélien Colly, Bastien Borie, Nathanaël Charbonnier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le président russe Vladimir Poutine au côté de la chancelière allemande Angela Merkel lors d'une réunion sur l'Ukraine, à l'Elysée à Paris (France) le 9 décembre 2019 (POOL/HAMILTON/MAXPPP / MAXPPP)

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, est arrivé mercredi 12 mai à Moscou, où il a rencontré le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. L'occasion d'examiner l'influence russe dans le monde, et les moyens qu'utilise le régime de Vladimir Poutine pour l'augmenter.

En Syrie, la Russie est devenue le "maître absolu du jeu"

En août 2013, le président américain Barack Obama parlait de l’usage d’armes chimiques par le régime syrien comme d’une "ligne rouge" qui déclencherait une intervention militaire. Il s’était finalement rétracté, laissant le champ libre à la Russie, qui est intervenue ensuite pour sauver Bachar al-Assad et défendre sa présence dans la région, via ses bases en Syrie.
Depuis, c’est la Russie qui dicte l’ordre du jour. C’est elle qui a permis au régime de reconquérir 80% de son territoire, c’est elle qui a court-circuité la diplomatie occidentale, en imposant son processus d’Astana, avec la Turquie et l’Iran. C’est encore elle qui joue les arbitres, négocie les trêves pour évacuer des rebelles de la Ghouta, arracher un cessez-le-feu à Idlib avec la Turquie comme partenaire, ou pour trouver un accord avec les Kurdes. Aujourd’hui, pas de solution en Syrie sans que Moscou y trouve son compte.

Mais si la Russie a gagné la guerre avec Bachar al-Assad et son régime toujours en place, elle doit gagner la paix et c’est beaucoup plus compliqué. Elle ne peut pas financer la reconstruction, elle a besoin des pays du Golfe. Elle ne peut pas imposer une solution politique, elle a besoin des Occidentaux et des pays arabes. Voilà pourquoi on voit Moscou si actif sur le front diplomatique dans toute la région. Rapprochement avec les pays du Golfe pour normaliser la situation en Syrie, contacts permanent avec Israël, ou encore soutien à la France dans le dossier libanais, tant l’effondrement du Liban a des répercussions sur la Syrie voisine.

Moscou élargit sa présence en Arménie... et en Azerbaïdjan

Dans le Haut-Karabakh, coincé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux anciennes républiques soviétiques, la situation est particulière. Cette république auto-proclamée en 1991, à la chute de l'URSS, n'est reconnue par aucun membre de l'ONU. Les Russes ont d’ailleurs été les seuls capables de régler le conflit par l’envoi de soldats, fin 2020.

Il faut dire que depuis l'éclatement du bloc soviétique il y a 30 ans, Moscou occupe une douzaine de bases militaires en Arménie, et en construit aujourd’hui de nouvelles, y compris dans le Haut-Karabakh, où sont d’ailleurs acheminées des armes qui dépassent totalement le mandat de force de maintien de la paix. Il s’agit d’un armement essentiellement offensif qui pourrait servir, à terme, à intimider d’autres pays : la Géorgie, par exemple, qui a de bonnes chances d’intégrer l’OTAN. En résumé, Moscou élargit sa présence en Arménie.
En Azerbaïdjan, en revanche, la Russie fait son retour et c’est là une victoire de Vladimir Poutine. Les Azerbaïdjanais se seraient bien vus gagner seuls la guerre du Haut-Karabakh mais ça n’a pas été le cas. À la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, théâtre d’accrochages encore aujourd’hui, ce sont les soldats russes qui s'interposent et renvoient tout le monde chez soi.

Au-delà de la présence militaire, cette affaire a aussi une allure très politique. Vladimir Poutine et Nikol Pashinyan, le Premier ministre arménien, se servent l’un l’autre. Rappelons que c’est Pashinyan qui a accepté de capituler. Aussi affaibli soit-il, il est, pour Poutine, la meilleure garantie de réussite de cette mission. Dans le prolongement, Pashinyan se considère aussi comme un garant de la paix et se sert de cela pour s’accrocher au pouvoir. 

En Centrafrique, bataille d'influence entre la Russie et la France

Lundi 10 mai, un ressortissant français a été arrêté à BanguiL'homme, âgé de 55 ans et se disant journaliste, est connu pour avoir travaillé ponctuellement comme garde du corps dans plusieurs organisations. Il détenait chez lui un arsenal d’armes assez impressionnant : fusil, fusil-mitrailleur, boîtes de cartouches, menottes, gilets pare-balles... 

L’information a été confirmée par le conseiller russe du président centrafricain, et s’est très vite retrouvée sur les réseaux sociaux avec des photos à l’appui. Une mise en scène orchestrée par les autorités centrafricaines, alors que la Russie et la France se livre à une bataille d’influence dans l’ex-colonie française.

Cette lutte passe par des campagnes de désinformation, notamment sur les réseaux sociaux. Ainsi en décembre 2020, Facebook a annoncé avoir supprimé des comptes de "trolls", gérés directement depuis la Russie et la France. Plus récemment, une enquête très détaillée de RFI rassemblant différents témoignages mettant en cause les instructeurs russes présents en RCA a suscité la colère de l’ambassade russe à Bangui, qui a dénoncé des "fausses nouvelles". Au final donc, tout laisse à penser que cette arrestation rentre dans cette guerre d’influence à laquelle se livrent les deux pays en Centrafrique.

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