Le réchauffement climatique amplifie les effets dévastateurs d’El Niño au Kenya et en Thaïlande

Des pluies diluviennes au Kenya et des vagues de chaleur écrasantes en Thaïlande. En Afrique et en Asie, le phénomène météorologique El Niño, combiné aux effets du réchauffement climatique, a des conséquences dramatiques.
Article rédigé par franceinfo - Albane Thirouard et Carol Isoux
Radio France
Publié
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Les recherches se poursuivent au Kenya pour retrouver les disparus, après la rupture d'un barrage naturel. A cause des fortes pluies, l'eau s'est déversée sur le village en contrebas, entraînant tout sur son passage. (GERALD ANDERSON / ANADOLU / AFP)

La rupture d'un barrage naturel a fait au moins 47 morts et 76 disparus dans le centre du Kenya dans la nuit du dimanche 28 au lundi 29 avril 2024, selon un dernier bilan, toujours provisoire, des autorités locales. Le barrage a cédé à cause des pluies torrentielles qui s'abattent sur le pays depuis plusieurs semaines. C'est l'épisode le plus meurtrier dans ce pays d'Afrique de l'Est depuis le début de la saison des pluies, qui est amplifiée cette année par le phénomène météorologique El Niño.

En Thaïlande, le pays et toute la région de l'Asie du Sud connaissent depuis quelques semaines une écrasante vague de chaleur. Lundi 29 avril, 44 degrés ont été enregistrés dans le nord de la Thaïlande. Le Bangladesh et les Philippines ont fermé des milliers d'écoles. Là encore, ce sont les conséquences des hautes températures de l'Océan Pacifique provoquées par le phénomène El Niño, qui se combine au réchauffement climatique.

Kenya : de fortes pluies depuis plusieurs semaines

Le Kenya vit une nouvelle tragédie. Une retenue d'eau s'est effondrée dans la nuit du dimanche 28 avril à cause de fortes pluies, à une soixantaine de kilomètres au nord de la capitale. Au moins 47 personnes ont perdu la vie, plus de 70 sont portées disparues. De fortes pluies touchent le pays depuis plusieurs semaines. Au départ, les autorités évoquaient l'effondrement d'un barrage, mais la coulée serait venue d'un tunnel bloqué par les débris d'un précédent glissement qui aurait formé, au fil du temps, une retenue d'eau. Avec les fortes pluies, ses contreforts en terre ont cédé. Toute l'eau s'est déversée sur le village en contrebas et a tout emporté sur son passage.

Les recherches continuent ce mardi 30 avril parmi les débris. La Croix-Rouge kényane a improvisé un lieu d'accueil dans une école à proximité. Des familles sont venues pour signaler leurs proches portés disparus, plus de 200 personnes s'y sont réfugiées après s'être retrouvées à la rue. D'autres personnes sont montées sur le toit de leur maison et ont décrit avoir vu d'énormes vagues arriver. Un homme qui a perdu sa femme racontait avoir secouru un par un ses enfants dans les eaux. Les habitants ont perdu des proches, leur bétail, leur maison.

Plus de 170 morts depuis le début de la saison des pluies

Ce n'est pas la première tragédie liée aux fortes pluies au Kenya ces dernières semaines. On dénombre plus de 170 morts depuis le début de la saison des pluies, en mars. Cette dernière a été amplifiée par El Niño. Le phénomène climatique provoque de très fortes précipitations en Afrique de l'Est. La semaine dernière, un bidonville de Nairobi s'est retrouvé sous les eaux. Plus de 180 000 personnes ont été déplacées à travers le pays. La rentrée des classes qui devait avoir lieu lundi a été repoussée d'une semaine, au 6 mai. Le président William Ruto a convoqué son gouvernement en urgence ce mardi 30 avril au matin. El Niño touche en fait toute la région depuis plusieurs semaines. En Tanzanie, au moins 155 personnes ont perdu la vie à cause d'inondations ou de glissements de terrain.

La Thaïlande a un recours massif à l'air conditionné

La chaleur est difficile à supporter au quotidien en Thaïlande, il fait plus de 40 degrés partout dans le pays, quant aux températures ressenties, ce que les Anglo-Saxons appellent l'indice de chaleur, qui prend en compte l'humidité, un facteur important pour que le corps humain puisse réguler la chaleur, elles sont estimées à 50 degrés. Ce sont les conséquences des hautes températures de l'Océan Pacifique provoquées par le phénomène El Niño, qui se combine au réchauffement climatique. On lui attribuait déjà en 2023 des températures record, il semble qu'en 2024 la même situation se répète.

C'est toute la vie qui se réorganise avec beaucoup d'activités le matin très tôt dès 5 heures et aussi tard le soir. La journée, ceux qui le peuvent restent chez eux, ceux qui doivent sortir s'arment d'ombrelles et de linges mouillés qu'ils mettent sur leur tête. Les classes moyennes urbaines ont massivement accès à l'air conditionné, à tel point que la consommation d'électricité a explosé ces derniers jours, donnant lieu à plusieurs coupures. Mais l'usage massif de la climatisation contribue à augmenter encore les températures extérieures en ville.

La culture du riz menacée

Les plus affectés sont les plus fragiles, les personnes âgées, les malades et surtout les plus pauvres, obligés bien souvent de travailler à l'extérieur. Les ouvriers de chantiers, les vendeurs et vendeuses ambulantes, les chauffeurs de moto-taxi… Les autorités sanitaires appellent à la vigilance, au moins 30 morts par insolation ont été enregistrés ces dernières semaines. Dans les logements sans air conditionné, la chaleur baisse à peine la nuit, rendant le sommeil difficile. Les accidents de deux-roues se multiplient parce qu'il est douloureux de respecter les feux rouges si on est en plein soleil. Dans les îles du sud du pays, le réchauffement provoque la destruction de plusieurs espèces sous-marines, y compris du corail et la culture du riz, colonne vertébrale de l'économie de la région, est aussi menacée. L'Asie du Sud-Est est l'une des régions du monde les plus vulnérables au changement climatique et pourrait voir le nombre de jours de chaleur extrême passer à 220 par an au cours de la prochaine décennie.

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