Europe : l'audiovisuel public et la droite populiste en Slovaquie et en Pologne

Le gouvernement slovaque, pro-russe, veut mettre la main sur l’audiovisuel public. Alors que le gouvernement polonais, pro-européen, veut rétablir la liberté de la presse après le passage du parti ultraconservateur.
Article rédigé par franceinfo - Martin Chabal et Alexis Rosenzweig
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Une pancarte "Liberté pour la RTVS (la télévision publique slovaque), pas les vieux tours", lors d'une manifestation contre le plan de réorganisation de la chaîne, du gouvernement de Robert Fico, le 15 mars 2024. (JAKUB GAVLAK / MAXPPP)

Depuis son retour au pouvoir en Slovaquie fin 2023, le Premier ministre Robert Fico et son gouvernement entreprennent des réformes controversées dans plusieurs domaines. Après la justice, c'est l'audiovisuel public qui est dans la tourmente, avec des journalistes de plus en plus inquiets pour leur indépendance.

Tandis qu'en Pologne, le gouvernement du Premier ministre Donald Tusk, issu de la coalition des forces proeuropéennes, élu à la fin de l'année 2023, fait le grand ménage dans les médias après le passage des ultranationalistes et conservateurs du PiS au pouvoir.

Slovaquie : la ministre de la Culture a travaillé pour une chaîne complotiste

Nommée par l'extrême droite alliée à Robert Fico, Martina Šimkovičová, la ministre de la Culture, a indiqué qu'il fallait un changement à la direction de la radiotélévision publique slovaque, la RTVS. Pour celle qui a travaillé auparavant pour une chaîne complotiste, la priorité est de faire en sorte que cesse ce qu'elle considère comme de la "censure" - et de citer comme exemple les thèmes du Covid et de l'Ukraine sur lesquels, selon la ministre, aucune opinion discordante n'est tolérée à l'antenne. Plusieurs centaines de journalistes, de la RTVS et de médias privés indépendants, ont signé des appels pour protester contre les démarches entreprises par cette ministre. Martina Šimkovičová s'est également fait remarquer en prônant le renouvellement des relations culturelles avec la Russie et la Biélorussie, conformément au virage pro-russe amorcé par Robert Fico depuis sa réélection.

L'assassinat d'un journaliste avait entraîné la démission de Robert Fico en 2018

La presse et l'indépendance des journalistes sont des sujets d'autant plus sensibles en Slovaquie que l'assassinat du reporter d'investigation Ján Kuciak et de sa compagne en 2018 avait profondément marqué le pays et entraîné la démission de Robert Fico et de son gouvernement de l'époque. Et avec le retour au pouvoir de Robert Fico, la presse est à nouveau en difficulté, il se montre très agressif en conférence de presse. Pour Reporters sans frontières, "le gouvernement slovaque tente, subrepticement, de priver l'audiovisuel public de son indépendance". La tentative du gouvernement d'imposer son contrôle sur les médias publics "menace l'état de droit et se moque des exigences de l'UE", estime Reporters Sans Frontières.

"Je regrette que la Slovaquie envoie encore un signal qui remet en question les principes démocratiques fondamentaux, cette fois-ci en ce qui concerne le fonctionnement des médias indépendants", a déclaré la cheffe de l'Etat Zuzana Čaputová, dont le successeur doit être élu lors du scrutin présidentiel avec un premier tour dès ce samedi avec un allié de Robert Fico comme favori : Peter Pellegrini.

Pologne : un présentateur de la télé publique s'excuse auprès de la communauté LGBT

C'est l'un des objectifs de la coalition élue en décembre 2023 en Pologne : rétablir la liberté de la presse et le droit à l'information. Quand le parti Droit et justice (PiS), ultraconservateur, est arrivé au gouvernement il y a huit ans (2015-2023), il a rapidement pris le contrôle des médias. Le géant pétrolier Orlen a racheté les grandes publications et a mis à la tête des chaînes de télévision ou de radio, des gens proches du parti. Et TVP, la chaîne de télé publique, était vraiment vue comme une chaîne pro gouvernement, à la limite de la propagande pour certains. Sujets anti-immigration, anti-LGBT, reportages qui montreraient que l'Union européenne et l'Allemagne menaceraient la souveraineté de la Pologne, tout allait dans le sens d'un vrai outil étatique pour diffuser ses idées.

Alors le nouveau Premier ministre Donald Tusk, qui a promis un retour à la "démocratie" a donc rapidement pris les choses en main et les dirigeants de ces chaînes ont été limogés. Une décision qui n'a pas manqué de faire débat en Pologne, parce que les méthodes utilisées sont parfois à la limite de la légalité. Rapidement après le changement de direction, la chaîne TVP a invité deux personnes de la communauté LGBTQIA+ et le présentateur s'est excusé pour les huit dernières années des insultes qu'ils ont proférées sur la chaîne. Mais le présentateur était nouveau sur la chaîne, et n'avait pas proféré d'insulte à la communauté LGBTQIA+ avant. À part ça, le changement prendra du temps. TVP, a d'ailleurs lancé le 18 mars un projet pour recruter 50 journalistes et présentateurs, de quoi renouveler petit à petit leurs effectifs.

Le gouvernement veut aussi se débarrasser des publications religieuses

Le ministre de la Culture, Bartłomiej Sienkiewicz, a souligné que la Pologne était un pays laïc. Il a promis que l'État ne financerait plus de publications catholiques comme le faisait le gouvernement du PiS. Une nouvelle liste de médias qui recevront des subventions publiques a été publiée la semaine dernière. Et en effet, il n'y a plus de revues religieuses. Et le ministre de la Culture a insisté sur le fait qu'il y avait de nombreux médias conservateurs dans la liste, signe de la pluralité des médias pour laquelle la nouvelle coalition au pouvoir veut s'engager. Ce qui n'était pas vraiment le cas pendant le passage du PiS au pouvoir. Le parti avait tenté de racheter la chaîne privée TVN, détenue par des Américains, parce qu'elle était trop critique du gouvernement.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.