Les gouvernements d'extrême-droite et l’audiovisuel public en Italie et en Pologne

La coalition de Giorgia Meloni reprend la main sur l'audiovisuel public italien. Tandis que le centriste Donald Tusk s'attelle à redonner de l'indépendance aux médias publics polonais. Nos correspondants nous détaillent ces situations.
Article rédigé par Bruno Duvic - Martin Chabal
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
"Tusk est un monstre sournois. Il veut nous donner la paix russe". Des militants du parti Droit et Justice manifestent contre la restructuration des médias publics à Varsovie, en Pologne, le 11 janvier 2024. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

En Italie, Giorgia Meloni la Première ministre est à la tête d’une majorité de droite et d'extrême droite. En 2023, elle a procédé à une reprise en main totalement assumée de l’audiovisuel public et depuis, les polémiques se multiplient.

Alors qu'en Pologne, le nouveau gouvernement centriste de Donald Tusk a, lui, commencé à dépolitiser les médias publics, dans lesquels le précédent gouvernement d'extrême droite, du parti Droit et Justice (PiS) avait semé le chaos.

Italie : Giorgia Meloni pousse le patron de la Rai à démissionner

Cette fois, on ne peut pas reprocher à Giorgia Meloni de se cacher derrière son petit doigt. C’est au grand jour qu’elle a poussé à la démission l’ancien patron de la Rai, pour placer une personnalité plus à son goût. Depuis, face aux controverses, sa réponse constante est la suivante : la gauche a longtemps eu son rond de serviette au sein de l’audiovisuel public, un rééquilibrage était nécessaire. Ce qui l’aide, c’est la pratique assez courante au fil des décennies de la répartition des postes entre partis politiques dans l’audiovisuel public. Même si c’est tout de même à droite que les exemples sont les plus criants, à l’époque de Silvio Berlusconi en particulier, et depuis un an.

Depuis la reprise en main de Giorgia Meloni les controverses se multiplient. Par exemple, sur la première chaîne, un titre du 20 heures annonçait un très beau cadeau du gouvernement : 1 000 euros en plus pour les personnes âgées. Et la chaîne rappelait, dans le même titre, qu’il y avait bientôt des élections. Sauf que cette somme ne concerne que quelques milliers d'habitants, pas les 14 millions de personnes âgées italiennes. Des animateurs vedettes ont quitté la Rai et des émissions emblématiques ont disparu.

Une manifestation devant le siège de la chaîne publique

Le mercredi 7 février, le Parti démocrate, la première force d’opposition, a réuni plusieurs formations devant le siège de la Rai pour dénoncer une menace sur le débat démocratique. "Depuis le début, ce gouvernement se comporte en propriétaire. Marre de télé Meloni ! Marre d’un service public réduit à faire la propagande de son gouvernement !", s'écrie Elly Schlein, la secrétaire du Parti démocrate.

L'opposition ne peut pas faire grand-chose. L’ironie de l’histoire, c’est que la loi qui a permis à Giorgia Meloni de faire son ménage à la Rai, en donnant plus de pouvoir au gouvernement dans ce domaine, a été votée sous une majorité de centre gauche. Aujourd’hui Elly Schlein plaide pour une réforme qui rendrait la Rai plus indépendante du jeu politique. Mais tant que cette majorité est au pouvoir, c’est inenvisageable. Et la gauche ne fait pas le plein, le mouvement populiste des 5 étoiles était absent du rassemblement de mercredi devant le siège de la Rai et il est très discret sur ce sujet depuis un an. Ses camarades de l'opposition le soupçonnent de continuer à jouer discrètement au jeu de la répartition des postes, cette fois entre forces populistes, droite et gauche confondues.

Pologne : Donald Tusk limoge les cadres des médias publics

Il n’aura pas fallu attendre longtemps après l'élection de Donald Tusk, en Pologne, pour que les choses bougent. Il a été nommé Premier ministre le 13 décembre. La semaine d’après, l’Assemblée nationale polonaise a adopté une résolution pour limoger les cadres des chaînes de télé et de radio publiques. Des policiers ont tout de suite débarqué devant les studios de ces chaînes pour empêcher ceux qui venaient d’être licenciés d’accéder à leurs bureaux.

À l’antenne, les programmes ont été interrompus et un vieux feuilleton a été diffusé à la place des journaux. Un message a même été diffusé à l’heure de grande écoute. On pouvait y lire que le nouveau gouvernement mettait fin à la propagande du parti et qu’il y aurait maintenant que des informations claires et indépendantes sur les chaînes, de "l’eau pure" pour reprendre ce qui était écrit dans le message.

Quand ils ont obtenu leur deuxième mandat en 2015, les hommes et les femmes politiques du parti Droit et Justice avaient procédé à une grande purge dans les médias publics. Ils avaient placé des gens qui leur étaient très favorables. Depuis, dans toutes les émissions, on critiquait dès que possible l’opposition, qui n’était d’ailleurs jamais invitée pour débattre.

Le PiS dénonce l'utilisation de techniques d’État totalitaire

Le parti Droit et Justice a aussi racheté 20 des 24 journaux régionaux grâce au géant pétrolier Orlen, aussi contrôlé par l’État. Avec les moyens à disposition, ils pouvaient clairement faire concurrence aux médias privés, jugés, eux, indépendants. Ils ont tout verrouillé et c’était devenu courant de se faire accuser de diffamation. À tel point qu'il est aujourd’hui difficile de faire marche arrière pour le nouveau gouvernement. Quand Tusk utilise ces méthodes, le PiS l’accuse d’utiliser des techniques d’État totalitaire.

En Pologne, un habitant sur trois s’informerait uniquement via ces chaînes de télévision et de radio. Donc, pour le PiS, c’était une vraie force. Quand ils ont appris que les choses allaient changer, le parti a tout de suite appelé à manifester devant le siège de ces chaînes d’informations pour défendre les "médias libres". Le nouveau gouvernement promet de nouvelles lois pour restaurer l’impartialité des médias publics et surtout protéger leur indépendance. Mais le chemin pour Donald Tusk est encore long et il devra se frotter au président de la République, Andrzej Duda, allié du PiS.

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