Covid-19 : comment se porte le secteur aérien en Allemagne, en Australie et aux États-Unis ?
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde.
L’État français a annoncé un nouveau plan de soutien financier pour sauver Air France. La Commission européenne a validé, mardi 6 avril, cette aide de quatre milliards d'euros à la compagnie, alors que la France avait déjà versé à l'entreprise sept milliards d'euros en 2020. Le club des correspondants prend la direction de l’Allemagne, de l’Australie et des États-Unis pour voir comment se porte le secteur du transport aérien.
En Allemagne, sous la menace de la Commission
Le gouvernement allemand a aussi sauvé sa compagnie nationale, Lufthansa avec plusieurs milliards d’euros mais cette aide ne passe toujours pas auprès de Bruxelles. La Commission européenne, gardienne d’une concurrence équilibrée, est extrêmement attentive. Depuis le début de la pandémie, Bruxelles vérifie toutes les aides que les États-membres ont versé à des entreprises. Si l’avis a été favorable pour Air France, ce n’est pas du tout le cas pour le sauvetage de Lufthansa et cette aide accordée en mai 2020. Bruxelles menace même depuis un mois le gouvernement fédéral allemand d’une procédure d’infraction. Dans le pire des cas pour la compagnie aérienne, cela peut aller jusqu’au remboursement des sommes octroyées par l’État, c'est-à-dire 9 milliards d’euros. Autant dire que la compagnie historique allemande mettrait vite la clé sous la porte.
La Commission européenne en la personne de sa commissaire Margrethe Vestager n’est pas la seule à se plaindre de ce plan de sauvetage. Il y a aussi les concurrents privés. La compagnie Ryanair a engagé une action en justice contre cette aide accordée à la Lufthansa, mais aussi à Air France ou d’autres compagnies aériennes en Europe. Les temps sont durs dans ce secteur. Lufthansa et ses filiales, formant le premier groupe européen, prévoit de supprimer jusqu’à 30 000 postes. Même si une petite embellie du trafic est espérée cet été, Lufthansa s’attend à une transformation profonde dans la façon de voyager. Déjà, avant la pandémie, la compagnie allemande avait constaté une désaffection liée aux préoccupations environnementales à la suite des mobilisations de la jeunesse pour le climat. Fini les voyages d’affaires à répétition facilement remplaçables par des réunions en visioconférence. Lufthansa prévoit de réduire son offre de première classe, en tout cas de la diversifier avec des sièges pour quelques costumes cravates, et les autres pour une clientèle de touristes qui souhaitent se divertir à bord.
En Australie, le gouvernement laisse faire le marché
Le pays a plutôt bien géré la crise du coronavirus, mais l’industrie aérienne souffre énormément, puisque depuis mars 2020, les frontières du pays sont fermées. Le trafic aérien n’est d’ailleurs qu’à 20% de son niveau d’avant la pandémie. Pourtant, dans cet immense pays ou on prend l’avion comme le train en France, le gouvernement n’a pas recapitalisé les principales compagnies aériennes. Le gouvernement a laissé le marché décider du sort des transporteurs aériens. D’ailleurs, Virgin Australia, la deuxième compagnie aérienne du pays, s’est déclarée en faillite il y a quelques mois. Elle a été reprise in extremis par des investisseurs américains. Mais plus récemment, le gouvernement a finalement décidé d’intervenir, en prolongeant le dispositif de chomage partiel qu’il a mis en place au début de la pandémie pour éviter une explosion des licenciements, et ce uniquement pour les salariés de l’aérien. Ce dispositif, qui s’appelle "Jobkeeper", va être maintenu jusqu’à la réouverture des frontières, qui à l’heure actuelle, est prévue pour la fin du mois d’octobre.
Ce n’est pas la seule forme d’aide apportée par le gouvernement australien à l’industrie aérienne. Tout récemment, le Premier ministre Scott Morrison a annoncé la mise en vente de centaines de milliers de billets d’avion à moitié prix. Il s'agit de vols qui sont en fait subventionnés par le gouvernement, à hauteur de 800 millions d’euros. Ces vols “pas chers” permettent d’aller vers une quinzaine de destinations à travers tout le pays. L’objectif de cette mesure, au-delà de la relance du secteur aérien, est de soutenir l’ensemble de l’industrie du tourisme en Australie. Ce secteur souffre aussi énormément, puisque les touristes étrangers, et notamment les Chinois, ne visitent plus le pays. Alors à défaut de touristes étrangers, l’idée, c’est de pousser les Australiens à découvrir ou redécouvrir leur propre pays.
Aux États-Unis, la situation s’améliore
Le secteur aérien est loin d’être tiré d’affaire mais la situation s’améliore notamment grâce à la vaccination. La demande intérieure augmente, en attendant la réouverture des frontières. Il y a plusieurs signes de ce rebond. United Airlines vient notamment d’annoncer l’embauche prochaine de 300 pilotes. Une première pour une compagnie américaine depuis le début de la pandémie de Covid-19. Cela ne comblera pas le trou évidemment, laissé par le départ d’un millier de pilotes depuis septembre mais c’est un début. "Nous voyons la lumière au bout du tunnel", dit le patron de l’entreprise. Autre frémissement de reprise, Delta Airlines qui va recommencer à vendre des tickets pour tous ses sièges sans distanciation physique. Une preuve que la confiance est là tout comme les passagers potentiels. Enfin, la compagnie Southwest Airlines a passé une très généreuse commande de 737 Max à Boeing, 100 appareils au total.
Le secteur n’en demeure pas moins très éprouvé par la crise. Les compagnies ont d’ailleurs été incluses dans le récent plan de sauvetage de Joe Biden, avec 14 milliards de dollars qui leur sont dédiés à condition de ne licencier personne d’ici octobre. Ensuite, ce sera très incertain. Le secteur en effet a perdu 35 milliards de dollars en 2020 et le déficit s’élève à 150 millions de dollars quotidiennement. Le nombre de passagers est encore à près de 60% sous le niveau d'avant la pandémie. Il faut dire que les frontières sont toujours fermées. La reprise s’annonce donc saccadée et les travailleurs ont peur pour leur emploi. Près d’un millier d’employés de United Airlines ont d’ailleurs manifesté début avril. Ils sont inquiets pour leur poste, malgré les milliards reçus par leur entreprise.
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