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Témoignages
"Je préfère ne pas voter, ce n'est pas un sujet qui m'intéresse" : avant les élections européennes, ces jeunes confient leur détachement avec la politique
Adossés aux murs, les étudiants de l'IUT Rives-de-Seine à Paris fument, déballent leur déjeuner et discutent des examens, mais pas de politique. Et quand on leur demande s'ils savent ce qu'il se passe le 9 juin, ils n'ont pas l'air sûrs d'eux : les réponses vont d'un "jour férié" au "début des JO"... Loupé : il s'agit des élections européennes. Or, moins d'un tiers des jeunes de 18 à 24 ans (32%) se disent certains d'aller voter à ce scrutin, d'après un sondage Ipsos publié lundi 29 avril. À titre de comparaison, ils sont deux fois plus nombreux chez les plus de 70 ans. La majorité des jeunes n'est donc toujours pas très intéressée par cette élection.
Que le 9 juin soit la date du scrutin des élections européennes a l'air de surprendre ces étudiants des différentes sections de l'université : informatique, commerce et métiers du social. Laura, 20 ans, par exemple, regarde le sol, l'air indifférent. "Je préfère ne pas voter, ce n'est pas un sujet auquel je m'intéresse", admet-elle.
Ni ses amis, ni ses professeurs n'en parlent. Lola, elle, sort de cours : "Ça manque d'informations !" La jeune étudiante tient son portable à la main et c'est sur les réseaux sociaux qu'elle s'informe. "On ne regarde pas assez la télé. Sur les réseaux, ça ne tourne peut-être pas assez", poursuit Lola. Quant aux candidats, ils n'en ont "aucune idée". "La candidate de Macron, je ne sais plus comment elle s'appelle", avoue l'un d'eux. Un autre se demande s'il n'y a pas "Bardella ?"
"L'Europe, ça nous paraît loin"
Des étudiants disent pourtant avoir voté à l'élection présidentielle. Sarah n'était pas encore majeure, mais une élection nationale l'intéresse davantage. "L'Europe, ça nous paraît loin. Donc, ça nous paraît être un vote un peu dans le vent. Comment une administration aussi grande va pouvoir changer quelque chose pour nous, petits citoyens français ?", plaide Sarah.
À côté, Adlan n'avait pas prévu non plus de voter. Mais après avoir engagé une conversation avec son ami Louis, qui se dit "très engagé dans la politique" et pour qui il est "important d'aller voter, surtout aux européennes", Adlan semble changer d'avis. "Pourquoi pas m'intéresser au programme ?, concède-t-il. Mais oui, ce serait une première pour moi si j'allais voter."
Convaincre, tracter, débattre, c'est ce que fait l'association "Les Jeunes Européens" qui se veut non-partisane et poursuivra ses actions partout en France jusqu'au 9 juin. Sa présidente Laure Niclot, 21 ans, ne désespère pas. "On a quasiment un jeune sur deux qui est engagé dans des associations, qui va signer des pétitions, aller en manifestation, dit-elle. Je pense que c'est vraiment faux de dire que la jeunesse n'est pas engagée", affirme-t-elle.
"C'est aussi le rôle des partis politiques de leur proposer quelque chose qui donne envie d'aller voter et de retrouver un sens."
Laure Niclot, président de l'association "Les jeunes européens"à franceinfo
L'abstention est très forte chez les jeunes aux élections européennes. Déjà en 2019, 60% des moins de 34 ans n'ont pas voté, selon un sondage Ipsos réalisé après le scrutin. Selon le politologue Bruno Cautrès, il faut d'abord prendre en considération que "les jeunes comme groupe unique homogène, ça n'existe pas vraiment". Pour lui, il y a "des jeunesses", "des jeunes en travail précaire, des jeunes qui commencent une vie professionnelle plutôt prometteuse, des jeunes qui sont en étude", énumère-t-il. Et "ces différentes jeunesses ne regardent pas les élections européennes exactement de la même manière". Le politologue explique également que les élections européennes "ont généralement une plus faible capacité de mobilisation et d'intérêt que les élections principales nationales".
Une abstention qui ne traduit pas un désintérêt pour la politique
Mais pour Bruno Cautrès, dire que la jeunesse serait désintéressée de la politique de manière générale serait un raccourci. "Il y a dans les différentes couches de la jeunesse un intérêt pour la chose publique au sens général : les grandes questions du monde, de société, les grands enjeux et les grands débats", selon lui. Pour autant, "ça ne veut pas dire qu'on s'intéresse à la traduction de cette politisation en adhésion à des mouvements politiques et en vote le jour des élections". Ce qui traduit, selon lui, que la jeunesse "très souvent ne voit pas dans les élections et la vie partisane le meilleur moyen de défendre ses idées".
"Il faudrait que la campagne permette de débattre de questions qui parleraient directement à la jeunesse et en particulier tout ce qui concerne l'extension des possibilités offertes aux jeunesses par l'Europe"
Bruno Cautrèsfranceinfo
Pour le politologue, c'est "un problème déjà dans l'absolu, d'avoir un taux d'abstention qui soit important aux élections européennes". "Et s'il y a un point capital pour la vie démocratique, et notamment pour le ressourcement de la vie démocratique, c'est que les nouvelles générations qui rentrent dans la citoyenneté électorale puissent participer et s'expriment concrètement le jour du vote en allant voter", ajoute Bruno Cautrès.
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