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Reportage
"Je grimpe autant que je peux !" : dans les salles d'escalade, les adeptes de la discipline sont de plus en plus nombreux
C'est dans une ancienne manufacture de l’est de Paris que s'est installée la salle Arkose Nation. 1 600 mètres carrés, dont plus d’un tiers de rochers artificiels, sur lesquels sont vissées des prises multicolores : jaune, vert, bleu, rouge, noir, violet, à chaque couleur son niveau de difficulté. Philippe, jeune trentenaire qui travaille dans la recherche médicale, est habitué des lieux et s'échauffe sur une jaune : "Je grimpe autant que je peux !", confie-t-il. "D'ailleurs, il ne faut pas dire à mon manager que je suis là, car il est midi."
Le phénomène de l'escalade a pris de l'essort ces dernières années avec le développement rapide des salles de grimpes privées : il y a 20 ans, la France en comptait une quinzaine, aujourd'hui on en dénombre 240 sur tout le territoire, dont une quarantaine en région parisienne. Philippe est justement devenu mordu de l'escalade assez récemment.
"Je grimpe depuis moins de deux ans. Je m'y suis mis car mon coloc grimpait, donc j'ai découvert avec lui. Il y a ce côté ludique et social qui est très fort, on se sent vite progresser. On devient très vite piqué !"
Philippe, grimpeur amateurà franceinfo
Grimper signifie gravir des blocs de 4 mètres 50 de haut, sans autre matériel qu'une paire de chaussons. Ici pas de corde ni de baudrier, et pas d'écouteurs ou de casque audio sur les oreilles non plus ! C'est interdit par le règlement. Dans le monde des grimpeurs, on se parle et on se donne des conseils. Avec l'objectif, à terme, de sortir en nature et de pouvoir grimper à l'extérieur.
Un modèle économique qui ne s'arrête pas au sport
L'escalade, c'est aussi un sport prenant, un "mode de vie", raconte Philippe : "Ca devient un état d’esprit, dans ce qu’on mange, dans des vacances qu’on planifie, les soirées qu’on fait avec nos potes. Il y a des ruptures parce que l’autre ne grimpe pas assez ou ne partage pas la passion. On en arrive là ! J’ai des amis qui ne sont plus ensemble parce qu’un des deux n’aimait pas autant grimper, et quand l’un ou l’autre pense à faire des week-end en nature ou ne veut pas juste partir en vacances pour visiter des villes parce que ça l’intéresse plus, ça devient trop compliqué."
Le public des salles est varié : on croise autant de femmes que d'hommes, surtout des jeunes urbains. Et dans une salle comme Arkose, avec plus de mille visiteurs quotidiens, la tranche d'âge des grimpeurs amateurs va des enfants à partir de 4 ans jusqu'aux septuagénaires. Carla, la monitrice, accompagne trois débutantes, dont Irène, 43 ans, qui reconnaît ne pas être très sportive : "C’est vraiment pour me sortir de ma zone de confort. J’ai toujours aimé les montagnes, grimper, mais je n'ai jamais osé. J’ai un enfant de 5 ans, je suis venue avec lui et je me suis dit que c’était un bon truc à faire en binôme plus tard."
Un autre point fort, ce sont les horaires, car on peut venir grimper quand on veut : la salle est ouverte de 7 heures à minuit tous les jours. Et le prix est attractif : 11 euros la journée, ou 280 euros pour un an, en accès illimité, à condition de venir en dehors des heures de grande affluence.
Mais ce modèle, pensé comme un vrai lieu de vie, ne s'arrête pas au sport. Sous la verrière est installée un restaurant, qui sert aussi de bar : "Il nous faut bien un lieu pour boire une bière, qu'on brasse nous-même", souligne Maxime Jublot, le directeur de la salle. "Et aussi un burger, qualitatif, ou une salade, ou autre, il y en a pour tous les goûts !" Le plat du jour : polenta crémeuse au pecorino. De quoi faire venir un public supplémentaire, même si la pratique de l’escalade reste bien le moteur économique de toutes ces salles, qu’elles soient gérées par Arkose, Climb Up, ou Block Out. Un modèle qui rapporte : Arkose cumule 35 millions de chiffre d'affaire cette année. Et pour amplifier ce succès, 30 nouvelles salles doivent voir le jour partout en France l'année prochaine.
Un effet Jeux olympiques qui attire les nouveaux grimpeurs
Un succès qui est forcément influencé par l'effet JO. L'escalade est discipline olympique depuis 2020, et les derniers Jeux ont contribué à populariser la pratique : "La majeure partie des personnes qui viennent tester se souviennent surtout de l'épreuve de vitesse aux JO de Tokyo, c'est la première fois qu'on voyait de la grimpe sur nos écrans ! C'est impressionnant, donc ils ont envie de voir à quoi ça ressemble."
Le revers de la médaille, c'est que les salles de grimpe privées commençent à être pleines aux heures de pointe, et côté associatif, c'est le même succès dans les gymnases. Un afflux tel que beaucoup de clubs refusent des adhérents. Par endroits, on compte plus de 100 grimpeurs sur liste d'attente. En cause : le manque d'encadrants professionnels, et un nombre de structures encore insuffisant, face à cette forte demande. La Fédération d'escalade recense 110 000 licenciés, un chiffre qui a doublé en 20 ans.
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