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Reportage
Comment les sapeurs-pompiers se forment aux risques chimiques, biologiques et radiologiques

À Lyon, une vingtaine de sapeurs-pompiers s'entraînent à intervenir sur des incendies comparables à celui de l'usine Lubrizol en 2019, où des produits toxiques sont partis en fumée. Une formation et des équipements qui leur permettent de répondre à de potentiels attentats.
Article rédigé par Mathilde Imberty - Edité par Louis Mondot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alexandra De La Hoz, ingénieure chimiste et formatrice, au côté de sapeur-pompiers, dans le VDIP (Véhicule de détection d’identification et de prélèvement). (MATHILDE IMBERTY / RADIOFRANCE)

La formation se déroule deux fois par an à Lyon (Rhône). Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, une vingtaine de pompiers professionnels sont amenés à intervenir lors d’incendies d’usine type Lubrizol, où des tonnes de produits toxiques sont parties en fumée près de Rouen en septembre 2019. Ils sont là aussi en cas d’attentat.

Pour leurs interventions, un camion spécifique est à leur disposition. Un équipement haut de gamme, d'une valeur d'un million d’euros tout équipé, qui finalement reste assez spacieux. On y tient debout et à plusieurs. Il faut s’imaginer un laboratoire sur roues. Un plan de travail, des outils d’analyse, des ordinateurs sont logés dans ce camion rouge, aux couleurs des sapeurs-pompiers. Son petit nom est VDIP (Véhicule de détection d’identification et de prélèvement). Déjà dix ans d’activité au compteur.

Un camion mobilisé pour l'incendie de l'usine Lubrizol en 2019

"Dans le cas de Lubrizol, c'est typiquement ce camion qui est intervenu pour faire des prélèvements gazeux. L'idée est d'amener une réponse rapide sur la population en déterminant s'il y a un risque ou pas", détaille Sébastien Burtin, enseignant à CPE Lyon, une école d’ingénieur de chimie. C’est d’ailleurs devant l’établissement, sur le campus, que nous sommes stationnés le temps de l’exercice. On passe aux travaux pratiques, Sébastien Burtin donne les instructions : "On intervient sur une scène où des passants se promenaient. Il y a des clôtures qui sont abîmées sur un site industriel désaffecté et ils ont remarqué qu'il y avait des flaques de produits qui se répandaient. Il y a une petite odeur et ils ont remarqué un peu plus loin des sacs éventrés avec de la poudre qui était présente sur le sol".

Un sapeur-pompier en train d'effectuer des analyses dans le VDIP (Véhicule de détection d’identification et de prélèvement). (MATHILDE IMBERTY / RADIOFRANCE)

Une première équipe est intervenue pour conditionner les prélèvements, charge maintenant aux candidats du jour de les identifier. Le lieutenant Antoine Anchise, officier chez les sapeurs-pompiers du Rhône, se prête à l’exercice. "On a des appareils de chromatographie qui vont permettre d'avoir un spectre pour pouvoir comparer par rapport à une base de données les différents produits. Cela va nous afficher le produit et ensuite on va pouvoir avoir un nom. On recoupera ces informations avec différentes techniques analytiques pour être sûr qu'on a bien le bon produit et vérifier qu'il n'y a pas danger."

Des interventions chez des particuliers et dans des entreprises

Ces sapeurs-pompiers, formés à la chimie, sont appelés une vingtaine de fois par an sur des sites industriels et même chez des particuliers. Cas exceptionnel, ils ont dû analyser un jour des bouteilles d’explosifs qu’un particulier avait retrouvées dans son jardin, le jour où il a creusé pour construire une piscine. Mais le plus souvent ce sont des interventions dans des entreprises. Récemment encore dans une usine de métallurgie en Auvergne, ils ont identifié un gaz volcanique extrêmement toxique qui venait d’une source naturelle d’eau gazeuse et qui empoisonnait l’air.

"Sur de la levée de doutes radiologiques, biologiques et chimiques, cela peut concerner un colis à la poste avec une poudre qui se répand."

Alexandra De La Hoz, ingénieure chimiste

à franceinfo

Les contextes diffèrent, mais l’enjeu toujours est de lever le doute, explique Alexandra De La Hoz, qui forme les sapeurs-pompiers. "Cela peut aussi être une lettre de menace adressée à quelqu’un avec une poudre ou un liquide présent, détaille-t-elle. Et après, le but va vraiment être de rendre une réponse en commandant les opérations de secours. Dire si le risque est présent ou absent, de quelle nature, pour qu'ils puissent adapter l'intervention et la finir de la meilleure façon possible."

L'enjeu est notamment de répondre à un potentiel attentat

Il y a aussi le risque d'attentat. Heureusement selon ces secouristes, le cas ne s’est pas présenté jusqu’ici, mais ils sont mobilisables. "Le VDIP a été créé à la base plutôt pour de la menace attentat ou autre", ajoute Alexandra De La Hoz. "Pour autant, et bien heureusement, ce n'est pas le cœur de nos missions. Mais on est dimensionné pour répondre à un potentiel attentat."

Retour dans le camion pour le débrief final car pendant ce temps nos sapeurs-pompiers ont planché sur le cas pratique. Et finalement, l'exercice est en grande partie réussi. Il s’agissait de produits colorants dont certains étaient toxiques. Et si le cas s’était présenté, les sapeurs-pompiers auraient recommandé au préfet de les détruire et de dépolluer les sols. Ce n’est pas que de la théorie. Ce camion effectue une vingtaine d’interventions par an rien qu’en région Auvergne-Rhône-Alpes et il en existe cinq autres du même type en France. Tous sont soumis à des exercices réguliers pour rester au top de l’efficacité.

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