: Reportage
"Aujourd'hui nos vaches, demain nos chiens, un jour les promeneurs ?" : face aux attaques de loups dans le Jura, des éleveurs réclament de pouvoir chasser l'animal

Faut-il ouvrir la chasse au loup dans le massif du Jura ? Trois ans après leur retour, de nombreux éleveurs se posent la question après les attaques nocturnes de loups qui continuent, malgré des mesures de protection.
Article rédigé par Alain Gastal
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un troupeau et son éleveur, dans le Jura. (ALAIN GASTAL / FRANCE INFO / RADIOFRANCE)

Ces attaques concernent les moutons, mais aussi désormais les vaches dont le lait sert à fabriquer le Comté. Cet été, une vingtaine d'attaques de bovins par des loups ont été dénombrées sur le seul massif du Jura, avec une douzaine de bêtes tuées et une trentaine blessées. Si cela semble peu comparé au cheptel, ces attaques traumatisent les éleveurs qui demandent des solutions.

François est éleveur de vaches montbéliardes à Chasnans, en plein milieu du Doubs, où le loup n'avait jamais pointé le bout de son museau jusqu'au début de ce mois. Il montre une photo de sa génisse, telle qu'il l'a retrouvée un matin de début septembre : "Une épaule arrachée, la gorge ouverte, et la cuisse arrachée aussi par les crocs." Selon les vétérinaires, cette génisse de 150 kilos a été tuée par un seul loup.

Une génisse tuée par un loup dans le Jura, cet été. (FRANCOIS OEUVRARD/ DR)

"Aujourd'hui nos vaches, demain nos chiens, un jour les promeneurs ?"

Après cette attaque, tous les troupeaux, les siens et ceux des voisins, sont rentrés à l'étable en état de stress. Tout comme l'éleveur, qui ne comprend pas ce qui s'est passé le lendemain : "On nous a parlé de faire peur au loup, deux chasseurs ont surveillé la nuit. Et quand les loups sont revenus dans le troupeau, il y a eu des tirs d'effarouchement, les chasseurs ont tiré en l'air et les loups sont repartis." François se demande pourquoi les louvetiers, chargés de réguler la faune sauvage, n'ont pas tué ce loup revenu le lendemain sur le lieu du crime.

Pour l'éleveur, tous les loups doivent être éliminés. "Aujourd'hui, ce sont nos vaches qui sont attaquées, demain ce seront nos chiens de ferme, et peut-être pourquoi pas les promeneurs", craint-il en rappelant que ses "ancêtres les ont exterminés parce que ça n'allait pas." Et de poser cette question : "Pourquoi aujourd'hui les ramener ?"

Actuellement, on peut tuer un loup qui attaque un troupeau s'il y a eu plusieurs attaques. C'est ce qui est arrivé récemment à Mouthe, à une cinquantaine de kilomètres de là, dans le cheptel de Julien : "Deux attaques en une semaine sur deux troupeaux différents, à quelques kilomètres d'écart."

"La première attaque a eu lieu tout près de notre ferme, et la deuxième tout près d'une auberge où il y a du tourisme."

Julien, éleveur de bovins dans le Doubs

à franceinfo

Là, une louve a été tuée par un tir de défense, lors de sa troisième attaque : "C'était un tir très encadré, en toute légalité dans une situation d'attaque, raconte Julien, on est tous tristes de devoir tuer un loup ou autre, mais il faut réguler aussi. C'est le seul moyen, on met plein de choses en place depuis trois ans, mais malgré tout ça, les attaques se font quand même."

Des abattages inutiles selon les associations de protection

Ces tirs encadrés contre les loups sont malgré tout contestés par des associations de protection de la faune sauvage, comme Ferus, qui a déjà gagné en première instance contre de précédentes autorisations de tir. Natacha Bigan, coordinatrice pour le massif du Jura, s'oppose aux tirs létaux sur les loups, une espèce strictement protégée. Des tirs, qui plus est, inutiles : "C'est vraiment une crainte qu'on entend beaucoup de la part des éleveurs, qui pensent que si on ne réagit pas tout de suite, on va se retrouver avec un loup derrière chaque bosquet. C'est impossible, les grands prédateurs ne peuvent pas pulluler, ils vont s'autoréguler."

"Une fois qu'ils auront occuper tout le massif, les loups vont aller ailleurs. Leur nombre va augmenter, puis il va se stabiliser pendant des années."

Natacha Bigan, coordinatrice de Ferus pour le massif du Jura

à franceinfo

D'autres solutions ont été pensées pour faire cohabiter le loup et les vaches. On a beaucoup parlé des chiens patous, ces chiens de berger particulièrement efficaces, dans les Alpes ou les Pyrénées. Il y en a aussi dans le Jura, mais beaucoup d'éleveurs rechignent à laisser des patous en liberté dans leurs pâtures. Ces prairies sont parfois contiguës à des forêts, où passent aussi des promeneurs, des cueilleurs de champignon, et le patou pourrait les agresser.

Des vaches portant des colliers anti-loup. (ALAIN GASTAL / FRANCE INFO / RADIOFRANCE)

Parmi les alternatives en test cet été dans le Jura, un autre éleveur, François-Henri Pagner, qui est aussi élu FDSEA à la Chambre d'agriculture, a expérimenté le collier anti-loup, une initiative lancée et financée par l'Agence régionale de la biodiversité (ARB). "Si l'animal est dérangé par une présence lupine, il va se mettre à courir, le collier va se mettre en action en dégageant des ultrasons et des lumières censées effrayer le loup, explique-t-il. Sur les 25 exploitations qui testent ce collier, il n'y a pour l'instant pas eu d'attaque de loup sur des porteurs de collier."

L'expérience semble donc positive, même si on ne sait pas si les colliers ont réellement évité des attaques. Les éleveurs craignent aussi que le loup s'adapte à ce dispositif comme il a déjà su déjouer d'autres moyens de protection.

Des bénévoles passant la nuit auprès du troupeau pour le protéger. (ALAIN GASTAL/ FRANCE INFO / RADIOFRANCE)

Le meilleur moyen de protection reste le plus simple et le plus compliqué à la fois : la présence humaine. Cet été, plusieurs dizaines de bénévoles sont venues dans le massif pour passer une ou plusieurs nuits dans les estives à proximité des troupeaux, comme Pierre, cadre fonctionnaire et militant du dispositif Pastoraloup : "On a des lampes torches, des sifflets, mais on ne va pas aller non plus se jeter dans la gueule du loup..." Mais ce dispositif, apparemment efficace, nécessite des centaines, voire des milliers de bénévoles.

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