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Joséphine Baker au Panthéon : engagée dans la Résistance, elle voulait être "une combattante qui chante"

L'artiste américaine, qui a connu le succès en France grâce à ses talents d'artiste de music-hall, était aussi agent du renseignement durant la Seconde Guerre mondiale. Franceinfo vous ouvre son dossier militaire.

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Joséphine Baker se produit lors d'un gala franco-américain au Château de Versailles (Yvelines), le 27 novembre 1973. (AFP)

C'est un peu comme si, aujourd'hui, Beyoncé émargeait à la CIA. Josephine Baker, dont les cendres vont être transférés au Panthéon lundi 29 novembre, a mené une double vie durant la Seconde Guerre mondiale, d'artiste de music-hall et d'agente des renseignements. C'est ce que révèle son dossier conservé par le Service historique de la Défense, le SHD, et que franceinfo a pu consulter.

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En 1939, Joséphine Baker est une mégastar en France. Le pays l'aime et elle aime ce pays. Alors qu'aux États-Unis, où elle est née dans la misère, elle est victime de la politique de ségrégation. Dès la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, l'artiste entre en contact avec le chef du contre-espionnage français. Elle s'engage, explique Géraud Létang, historien au SHD et elle s'engage vraiment : "Joséphine Baker ne veut pas être une chanteuse au service des armées. Elle veut être une combattante qui chante." 

"Sa première volonté c'est s'engager dans le combat contre l'Allemagne nazie qu'elle assimile à un combat contre le racisme."

Géraud Létang, historien

à franceinfo

"Joséphine Baker  est une couverture, c'est à dire qu'elle fera passer certains des agents de renseignement pour des imprésarios, pour des techniciens, pour des maquilleurs, indique Géraud Létang. Elle va continuer ses tournées et les amener avec elle pour leur permettre de se déplacer de la manière la plus sûre possible." 

Joséphine Baker fera un peu plus aussi, transportant - elle, l'artiste qui a fait scandale en 1925 en dansant seins nus - des messages dans son soutien-gorge ou en glanant les potins d'ambassades où elle est reçue. Mais son rôle principal est bien de permettre à de vrais espions d'évoluer dans son sillage. Des espions gaullistes qui profitent de ses partitions musicales pour y rédiger, à l'encre sympathique [encre invisible], des notes de renseignements.

Une "ardente patriote"

Ce que montre son dossier militaire, c'est que Joséphine Baker a eu de nombreux rôles durant la guerre. Chanteuse qui fait l'espion, chanteuse qui lève des fonds, chanteuse qui réconforte les soldats en opération... Toutes les activités combattantes de Joséphine Baker, sont documentées, archivées. Marion Soutet, conservatrice au SHD, nous présente le dossier : "C'est ce dossier coté en AI1P qui est le dossier de sous-officier de Joséphine Baker. Par exemple, Mlle Joséphine Baker a eu de 1939 à 1944 l'activité suivante : 'de 39 à 40, est entrée bénévolement en rapport avec les services pour participer à la lutte contre l'espionnage et la propagande ennemie.'" 

Marion Soutet nous montre également une lettre du général Billotte : "Mademoiselle Baker est à mes yeux une ardente patriote. Elle a de plus, avec une intelligence exceptionnelle, utilisé des relations internationales très nombreuses pour faire parvenir aux organismes qualifiés des renseignements très précieux pour la défense nationale".

À la fin de la guerre, Joséphine Baker est décorée de la médaille de la Résistance. On la propose pour la Légion d'honneur, à titre civil. Elle renâcle et la veut à titre militaire. Finalement, en 1957, elle accepte un compromis :  une Légion d'honneur, à titre civil, mais avec la Croix de guerre en plus.

Épuisée au point d'en perdre sa fertilité

L'engagement de la chanteuse américaine dans la Résistance française connaît aussi ses revers. Avec la prise de risque viennent l'épuisement et les soucis de santé. En juin 1944, son avion s'écrase en mer, heureusement à proximité de la côte corse. Joséphine Baker se mettait, raconte Géraud Létang, réellement en danger :  "C'est à dire traverser des champs de mines une fois que la bataille vient d'avoir lieu. C'est aussi la volonté d'aller là où la bataille vient de se finir, où la douleur est la plus grande, c'est à dire face à des déportés que l'on vient de relâcher face à des prisonniers qui viennent d'être libérés"

Nathalie Genet-Rouffiac, cheffe du service historique de la Défense ajoute : "On voit bien que Joséphine Baker, après guerre, comme beaucoup de gens engagés dans des activités de renseignement, a une fatigue physique globale qui a été marquée avec une infertilité, etc, liée à l'attention de ce qu'elle a vécu pendant la guerre." Cette infertilité, diagnostiquée pendant la guerre, en 1941 à Casablanca, va conduire la résistante à adopter et élever 12 enfants, de toutes origines. Mais ça, c'est une autre histoire de Joséphine Baker.

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