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Brésil : une semaine après les incidents de Brasilia, les enquêteurs sur la piste des responsables

Il y a une semaine, dimanche 8 janvier, des milliers de partisans de l’ancien président Jair Bolsonaro se lançaient à l’assaut du Palais présidentiel, du Congrès et de la Cour Suprême brésilienne. Le nouveau gouvernement du président Lula met tout en œuvre pour identifier les responsables.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les locaux de la Cour suprême brésilienne saccagés le 8 janvier 2023 à Brasilia (PAULO LOPES / MAXPPP)

C'est un gigantesque travail d’enquête qui a démarré lundi 9 janvier, alors que le Brésil était encore sous le choc des images de cette insurrection au cœur de la place des Trois pouvoirs. Une centaine d’agents de la police fédérale scientifique ont récolté minutieusement toutes les empreintes laissées par les assaillants. Ce travail vient tout juste de s’achever. Parallèlement, les autorités enquêtent aussi sur les responsables politiques qui étaient en charge de la sécurité publique et ceux qui sont chargés de s’opposer physiquement à ce type d’actions, d’empêcher ces violences.

Lula a été catégorique cette semaine, lors d’une réunion avec la presse : à tous les étages, de grosses défaillances ont été constatées. "Il y a beaucoup de complices, a-t-il affirmé. Il faut que vous sachiez que de nombreux policiers militaires se sont rendus complices ; qu’ici, à l’intérieur du palais présidentiel, il y a eu des complices parmi les forces armées." C’est certainement le sujet le plus sensible pour le nouveau président Lula : l’attitude des forces de l’ordre pendant l’assaut des trois bâtiments dimanche dernier. Car le nouveau président va devoir composer pendant quatre ans avec les forces de sécurité du pays, il va devoir s’appuyer sur elles pour gouverner sereinement.

C'est très mal parti. Felipe Frazao, enquêteur et spécialiste des questions militaires, confirme que le 8 janvier dernier, au départ rien n’a été mis en œuvre pour stopper les manifestants : "Il y a beaucoup d’interrogations sur la responsabilité de l’armée qui est en charge de la défense du palais présidentiel. Le bataillon de la Garde présidentielle déployé ce jour-là est insuffisant. Les unités présentes étaient moins nombreuses que d’habitude, les membres du gouvernement l’ont reconnu et cela fait l’objet d’une enquête. Les forces de la police militaire aussi étaient sous-dimensionnées."

"Le planning de la sécurité publique a été changé à la dernière minute,  la sécurité publique qui était à ce moment-là sous la direction d’un ancien ministre de la Justice de Jair Bolsonaro ! Cet homme fait aujourd’hui l’objet d’un mandat d’arrêt pour son implication directe ou par omission dans ces événements."

Felipe Frazao, spécialiste des questions militaires

à franceinfo

L’homme dont parle Felipe Frazao, c’est Anderson Torres. Il a quitté le pays 24 heures avant les émeutes, direction Orlando, en Floride, où se trouve également Jair Bolsonaro

Anderson Torres suspect numéro 1 

Le parquet général brésilien vient de demander l’ouverture d’une enquête contre Jair Bolsonaro. Mais tous les efforts des enquêteurs se sont concentrés sur les activités d’Anderson Torres cette semaine, et ces efforts ont fini par payer : lors d’une perquisition à son domicile, l’exemplaire d’un projet de décret a été trouvé, qui prévoyait de rétablir l’ordre institutionnel pendant les élections. Autrement dit : de reprendre en main les attributions du tribunal électoral et d’invalider le résultat des élections. Une initiative que l’actuel ministre de la Justice apparente à une tentative de coup d'État. "Si un jour quelqu’un me présente un document de ce type, je demanderais immédiatement son placement en détention, parce que ce document atteste d’une idée criminelle, explique Flavio Dino. C'est un crime contre l’état de droit démocratique, donc dans mon cas je ne garderais pas chez moi ce genre de document relayant une idée de cette nature."
 
Anderson Torres communique depuis la Floride sur Twitter, en écrivant pour sa défense qu’il a simplement oublié de détruire ce document, qu’il ne comptait pas s’en servir. La justice brésilienne lui donne jusqu’à la fin de la semaine prochaine pour se livrer avant de demander son extradition au gouvernement américain.

Quelque 1 500 personnes ont été interpellées

Une grande partie est encore entre les mains de la police fédérale et plusieurs ont déjà été traduits en justice. Des extraits de leur déposition ont fuité dans la presse, et c’est assez stupéfiant : tous affirment avoir été financés, et parmi les organisateurs le nom de "Ramiro le camionneur" circule avec insistance, un proche de Bolsonaro et des syndicats de transporteurs brésiliens. Cet homme, au lendemain de l’insurrection a posté une vidéo de l’intérieur du gymnase où étaient regroupés les assaillants placés en détention. "Je suis à l’intérieur des locaux de la police fédérale, où tous nos patriotes qui ont été arrêtés sont réunis, dit-il dans cette vidéo. Dans ce camp de concentration, nous vivons déjà le nazisme.Ils sont fichés, triés, et on ne sait pas quand ils sortiront. Et vous qui n’avez rien fait pour changer le Brésil, arrêtez ce que vous faites, allez sur les routes faire ce que vous avez à faire ! Ceux qui sont ici luttent pour vous !"

Leur lutte a été sponsorisée : bus, hôtel, repas... Tout cela visiblement payé par des entrepreneurs de l’agronégoce, des milieux pro-armes. Des profils sur lesquels se penche aussi la justice brésilienne.  

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