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Covid-19 : le "challenge infectieux" pose des questions éthiques à la recherche

Un challenge infectieux est une pratique médicale qui consiste à inoculer une maladie pour tester plus vite des médicaments ou des vaccins. Un protocole va être mis en place au Royaume-Uni d'ici la fin de l'année. En France, le débat est ouvert.

Article rédigé par franceinfo, Anne-Laure Barral
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Un vaccin chinois dans les mains d'une infirmière. Photo d'illustration.
 (SILVIO AVILA / AFP)

Des volontaires sont prêts à attraper le coronavirus pour faire avancer la recherche sur les vaccins. L'ONG One day sooner, une association de chercheurs américains et britanniques, affirme avoir déjà recruté en ligne plus de 38 000 volontaires de 166 pays. Selon ses calculs, gagner une journée dans les protocoles de tests de vaccins permettrait de sauver 1 250 vies, une semaine 8 750. Une urgence qui justifie le risque, selon ces scientifiques, alors que le Covid-19 a fait plus d’un million de morts dans le monde.

Quel gain de temps sur le calendrier ? 

Aujourd’hui, nous entrons dans la phase trois pour cinq candidats vaccins. C’est-à-dire que l’on recrute des milliers de volontaires pour les vacciner puis on attend de longs mois avant de voir s’il n’y a pas d’effets secondaires et si le vaccin est efficace quand ils rencontrent le virus "naturellement". Ce challenge permet d’avoir des volontaires déjà recrutés et forcer leur rencontre avec le virus fait gagner énormément de temps. Ensuite, les chercheurs n’attendent plus que quelques semaines pour voir la réponse immunitaire des patients. 

Cette pratique est déjà utilisée. D'abord par la société Hvivo qui compte la mettre en application avec des volontaires britanniques. Elle l’a déjà fait notamment pour des vaccins contre la grippe. Mais l'un des pères de la vaccination, le physicien Edward Jenner avait aussi exposé le fils de 8 ans de son jardinier à une forme de variole de la vache pour tester un traitement. En 1976, le centre des maladies infectieuses de Bethesda aux Etats-Unis a inoculé le choléra à des volontaires. Leur candidat vaccin à l’époque n’a pas marché mais l’opération leur a permis d’en apprendre plus sur la maladie.  


Une pratique risquée  

C’est bien là tout le dilemme. En Grande-Bretagne, le patron du journal The Lancet, Richard Horton, estime qu’il manque deux conditions pour utiliser cette méthode : connaître la bonne dose de vaccin et avoir un traitement efficace contre la maladie.

En France, si le PDG de l’Inserm Gilles Bloch ne semblait pas fermer la porte hier sur notre antenne, le conseil scientifique lui avait déjà envoyé une fin de non-recevoir dans un avis publié en juillet. Même si on recrute des patients jeunes entre 20 et 40 ans, en bonne santé, ils peuvent quand même développer des formes graves de la maladie. Cette tranche d’âge représente en ce moment 5% des patients qui sont en réanimation en France. De plus, tester un vaccin sur des sujets jeunes ne garantit pas de son efficacité pour les plus de 65 ans, qui sont pourtant les principales victimes du Covid-19.

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