Cet article date de plus d'un an.

Contestation en Iran : qui est Niloofar Hamedi, la journaliste qui a tout déclenché en révélant la mort de Mahsa Amini ?

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.

Article rédigé par franceinfo - Bérengère Bonte
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Niloofar Hamedi est emprisonné en Iran apès avoir révélé la la mort de Mahsa Amini. (DR)

Voilà un mois que Niloofar Hamedi est en prison pour avoir, la première, relayé à l’Iran et au monde, la mort de la jeune Mahsa Amini. Nous sommes le 13 septembre 2022, la jeune kurde de 22 ans qui est en visite à Téhéran avec ses parents est arrêtée par la police des mœurs iranienne à cause d’une mèche de cheveu qui dépasse de son voile.

EN IMAGES >> En Iran et dans le monde, un mois de contestation après la mort de Mahsa Amini

Trois jours plus tard, le 16, la journaliste se rend à l'hopital de Téhéran où la jeune fille est soignée, toujours en vie, mais inconsciente... Des témoins ont raconté à la BBC que Mahsa avait été frappée dans une fourgonnette de police avant de perdre connaissance. La journaliste prend en photo les parents enlacés devant l’hôpital. Son post sur Twitter va faire le tour du monde. Mahsa meurt quelques heures plus tard et l’Iran s’embrase.

Quelques jours après cette photo, des agents du renseignement iranien débarquent chez elle et son mari Mohamed. Ils disent avoir un mandat d'arrêt, un ordre de perquisition et de confiscation de bien mais impossible de le voir... Le mari, Mohamed, raconte sur Twitter que la maison a été fouillée de fond en comble, ils ont confisqué tous les appareils électroniques, téléphones portables et ordinateurs inclus. Niloofar est arrêtée. Et bien entendu, son compte Twitter est suspendu.

Placée à l’isolement dans la prison d’Evin

Jour après jour, le mari poste les nouvelles, notamment lorsqu'elle parvient à joindre le bureau de Mohamed et à parler à l'un de ses collègues. Elle explique qu'elle ne sait pas ce qu'on lui reproche mais qu'elle est placée à l’isolement à la tristement célèbre prison d’Evin – là où les prisonniers politiques sont incarcérés depuis 1972, celle là-même où semble avoir atterri la championne d’escalade. Dans les jours qui suivent, elle parvient aussi à parler à sa mère. Elle lui raconte qu'elle fait du yoga tous les jours à l'isolement. Mais il n'y a toujours pas d'inculpation officielle.

Le 4 octobre,13e jour de détention, Niloofar est désormais dans une cellule avec huit personnes. Mais toujours pas de dossier. Idem au 18e jour malgré un interrogatoire. Au 23e jour finalement : elle apprend qu'elle est accusée de "communauté et collusion en vue de commettre un crime contre la sécurité". Pour avoir posté des photos donc !

D'après Reporter sans frontière qui a pu échanger avec sa famille, Niloofar a à peine plus de 25 ans. Sur les photos que le web continue de charrier, la jeune femme affiche un large sourire, écharpe orange vif, et un voile couvrant en partie ses longs cheveux bruns. Sur l’une d’elle, prise dans un stade plein comme un œuf, accréditation presse autour du cou, elle a ce geste assez joyeux : les deux mains faisant le V de la victoire avec l'index et le majeur - comme pour dire "yoo" "cool".

Un durcissement du régime

Niloofar Hamedi travaille pour le journal réformiste le plus populaire d'Iran, le journal Sharq. Pendant plusieurs années, elle a dénoncé le pouvoir en place sans être inquiétée. Au mois de juillet encore, elle avait publié un papier sur une écrivaine, Sepideh Rashnu, arrêtée également pour un voilie mal ajusté et pour avoir eu une altercation avec une femme qui le lui reprochait.

Mais la situation s'est durcie ces dernières semaines. l'un de ses collègues au journal Sharq raconte qu'ordre lui a été donné - il a même été appelé pour ça ! - de ne pas couvrir les manifestations, même sur ses propres réseaux sociaux, sous peine de "graves conséquences"

Aux dernières nouvelles, postée il y a 48 heures par son mari : une bagarre avait éclaté à la prison et des explosions très violentes ! Mohamed a écrit sur Twitter : "Niloofar a appelé, elle va bien, elle ne sait pas ce qui s'est passé mais "le bruit était effrayant." Elle est dans la section 209 mais n'a aucune nouvelle de ce qui se passe dans les autres. De son côté, son avocat, était convoqué lundi au parquet d'Evin. Il y a passé quatre heures. Sans être reçu.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.