Épargne des Français : "Notre priorité absolue, c'est le financement du logement social" assure le directeur général de la Caisse des Dépôts

Le Premier ministre Gabriel Attal envisage de taxer la rente afin d'augmenter les recettes de l'État. Éric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Éric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Éric Lombard est le directeur général de La Caisse des Dépôts et Consignations, le bras financier de l'État, et actionnaire majoritaire de plusieurs très grosses entreprises comme La Poste, la Compagnie des Alpes ou encore Transdev. Elle est aussi récemment venue au secours d'Orpéa. Elle gère également en partie l'épargne des Français, le livret A et le livret de développement durable. L'encours de ces deux livrets a atteint un niveau record au dernier pointage en février pour atteindre 571,5 milliards d'euros.

franceinfo : Gabriel Attal a précisé à l'Assemblée qu'il ne toucherait pas au fruit de l'épargne des Français. Était-ce important de les rassurer ?

Éric Lombard : Oui, c'est important de rassurer les Français sur le fait que leur épargne, donc, le livret A, le livret de développement durable et le livret d'épargne populaire, que nous gérons pour une partie importante, une autre partie étant gérée par les banques, est une épargne qui est garantie, qui est sûre et qui est défiscalisée. Et pour les Françaises et les Français, c'est un élément important.

L'épargne des Français, aujourd'hui, finance essentiellement le logement social. Or, il est question de la flécher autrement. Peut-on réellement se permettre de dépenser l'argent autrement alors que l'on connaît une crise du logement sans précédent ?

Je veux rappeler que notre priorité absolue, c'est le financement du logement social. Nous avons 180 milliards d'euros qui sont dédiés au logement social. Ce sera toujours notre première priorité et nous avons de la marge. L'année dernière, nous avons fait plus de 16 milliards de nouveaux prêts. Mais l'épargne nouvelle, qui est arrivée sur nos livrets, est de 40 milliards d'euros. Donc, nous pouvons à la fois financer le logement social, le logement intermédiaire, qui est une nouvelle priorité, et puis d'autres développements en matière d'infrastructures, en matière de souveraineté, parce que la souveraineté économique est un des axes de la Caisse des Dépôts.

Sauf que vous avez vu la crise du logement et vous avez dû faire des rachats de logements neufs ?

Ces rachats que notre filiale CDC Habitat a opérés, ça n'est pas fait avec l'épargne du livret A, mais avec les fonds propres de la Caisse des dépôts. Donc ça, ça n'impacte pas l'épargne du livret A. En revanche, au congrès HLM, on a ouvert de nouvelles enveloppes, soit 8 milliards pour le logement social et 5 milliards pour le logement intermédiaire. Donc ça restera notre première priorité quoi qu'il arrive.

Que doit financer, au-delà du logement social, l'épargne des Français et notamment le livret A ? J'ai vu qu'il fallait que ça serve l'intérêt général, c'est la priorité.

Tout l'argent de l'épargne des Français est engagé pour soutenir l'économie. Nous gérons 400 milliards de cette épargne. Il y en a 200 milliards qui financent le logement social et les collectivités locales. Donc nous avons de la place pour financer par exemple le renouveau énergétique, les énergies renouvelables et le nucléaire.

Effectivement, j'ai vu que cet argent de la Caisse des Dépôts pouvait financer les nouveaux réacteurs. Ça va quand même coûter plus de 50 milliards d'euros ?

Oui, c’est-à-dire que, si on en finance une partie seulement, c'est une somme qui va être modeste par rapport à ce que nous engageons chaque année pour le logement social. Donc, on peut non seulement financer le nouveau nucléaire français, mais aussi financer par exemple les réseaux d'eau, parce que tout ce qui est de la thématique de l'eau va être essentiel demain. Les réseaux de distribution d'électricité, les réseaux d'énergies renouvelables, les éoliennes, les panneaux solaires devront être raccordés au réseau. Tout ça, ce sont des investissements massifs. On considère que le financement de la transition écologique va être de 300 milliards d'euros dans les cinq années qui viennent. Et le groupe de la Caisse des Dépôts pourra en financer environ un tiers, de l'ordre de 100 milliards d'euros.

Ça va donc financer en partie les six nouveaux EPR ?

Ce n'est pas encore décidé. Les discussions ont commencé avec l'État et avec EDF. Mais effectivement, il me semble que pour l'épargne des Français, c'est utile parce qu'on ne pourra pas faire la transition énergétique sans le nucléaire. On a besoin du renouvelable et du nucléaire, sinon ça ne passe pas, même si on est beaucoup plus sobre. Et pour EDF, qui va être l'emprunteur, c'est une ressource qui est stable grâce à l'abondance de l'épargne des Français.

Qui va le décider et à quelle échéance ?

C'est une décision qui va être entre EDF, l'État et la Caisse des Dépôts, et ça va se faire dans les mois qui viennent.

Parmi les autres fléchages de l'épargne des Français, y a-t-il l'industrie de la défense ? C'est ce que souhaite le Sénat. De son côté, Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, plaide plutôt pour un produit d'épargne européen. Quelle est votre position à vous ?

Aujourd'hui, l'épargne des Français est centrée vers le logement social et les infrastructures. En revanche, la Caisse des Dépôts, c'est un groupe qui est très vaste. Il y a la Caisse des dépôts proprement dite. En dehors des fonds d'épargne, il y a BPI France, dont nous sommes actionnaires avec l'État et pour tout ce qui est industrie de la défense, le chef de file, c'est BPI France. Mais la Caisse des Dépôts est actionnaire de beaucoup d'entreprises, y compris d'entreprises de défense. Et ça, ce sont les fonds propres de la Caisse des Dépôts qui vont être engagés pour financer les entreprises françaises en capital, parce que nous avons besoin de plus de capital et en prêts.

Donc vous allez mettre plus de capital dans l'industrie de la défense ?

On le fait déjà. Nous avons 40 milliards d'euros engagés en tant qu'actionnaire des industries de défense, en tant que financeur des exportations et ça, c'est BPI France qui s'en occupe. Il faut faire plus parce qu'on voit bien qu'avec la guerre en Ukraine, notamment, la défense est un enjeu de souveraineté et il faut considérer que la défense est un enjeu également d'environnement et de société.

Vous allez donc en faire plus dès cette année et monter au capital d'entreprises ?

Le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu a fait appel à une mobilisation parce qu'on ne fabrique pas assez d'armement pour venir en soutien des Ukrainiens, même si nous ne sommes pas nous-mêmes belligérants. Et pour ça, il faudra mettre plus de capital et plus de financement pour ce qu'on appelle la base industrielle et technologique de défense.

Mais qu'en est-il de l'épargne des Français ?

Eh bien l'épargne des Français, il y a un débat au Parlement pour savoir si la partie de cette épargne qui reste dans le bilan des banques peut être affectée à la défense. Ce débat n'est pas clos, il se tient au Parlement, mais il ne concerne pas directement la Caisse des dépôts.

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