Accord Ceta : Si cet accord n'est pas voté au Sénat, "ce serait un terrible message envoyé à tous nos exportateurs français", selon Franck Riester

L'accord de libre-échange avec le Canada arrive au Sénat cette semaine et pour Franck Riester, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, invité lundi sur franceinfo, "il est encore temps de convaincre les sénateurs de la pertinence de cet accord".
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Franck Riester le 18 mars 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Le Ceta, l'accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et le Canada, est en vigueur depuis six ans, en tout cas en grande partie. En France, il a été ratifié par l'Assemblée nationale à l'été 2019. Mais il n'a pas encore été examiné par le Sénat, qui doit se prononcer le 21 mars. Il a été inscrit à l'ordre du jour du Sénat, à l'initiative du groupe communiste.

"Nous soutenons cet accord CETA", déclare Franck Riester, le ministre délégué, chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité, de la Francophonie et des Français de l’étranger, sur franceinfo lundi 18 mars. Selon lui, cet accord a permis à la France "d'augmenter massivement ses exportations, de plus de 33% en six ans".

Franceinfo : craignez-vous que le CETA soit rejeté par le Sénat ?

Franck Riester : Oui, mais il est encore temps de convaincre les sénateurs de la pertinence de cet accord, qui est un bon accord. Moi, je ne suis pas favorable aux accords de libre-échange pour être favorable aux accords de libre-échange, par principe ou par idéologie. Nous regardons si ce sont de bons accords ou de mauvais accords. C'est un bon accord, c'est la raison pour laquelle nous soutenons cet accord Ceta et nous nous opposons à l'accord avec les pays du Mercosur.

Les communistes promettent un coup de tonnerre.

Oui, parce que c'est un accord qui, aujourd'hui, a de nombreuses vertus, qui est mis en œuvre de façon provisoire depuis plus de six ans, et qui a des résultats concrets, positifs pour notre économie, pour nos entreprises, dans tous les secteurs. Parce que nous avons augmenté massivement nos exportations de plus de 33% en six ans. Nous avons, dans certains secteurs d'activités comme le textile, la chimie, les cosmétiques, des évolutions à deux ou trois fois les activités précédentes en termes d'exportations. Et nous avons, dans le secteur sensible en ce moment de l'agriculture, aussi, des très bons résultats avec des exportations en très forte hausse, dont les vins et spiritueux.

"Les produits laitiers, à commencer par les fromages, ont vu leurs exportations augmenter de 60%."

Franck Riester

sur franceinfo

Les exportations de fromage ont augmenté pour deux raisons. D'abord, parce que nous avons, dans cet accord, permis de protéger nos AOP. C'est ce qui protège notre cantal, notre reblochon, notre brie de Meaux, mais aussi les pruneaux d'Agen ou le foie gras du Sud-Ouest. L'AOP préserve finalement une partie de notre identité française avec ces produits qualitatifs, qui pouvaient jusqu'alors être copiés au Canada et qui aujourd'hui ne peuvent plus l'être, d'où l'augmentation des exportations. La deuxième raison, c'est qu'il n'y a plus de droits de douane aujourd'hui pour les exportations de fromages, alors qu'il avait 220% de droits de douane à l'époque.

Une manifestation est déjà prévue jeudi matin devant le Sénat, à l'initiative de la Confédération paysanne.

Oui, parce qu'il y a toujours, avancée par certains, la peur que ça touche négativement nos filières sensibles agricoles, comme par exemple le bœuf. Or, cet accord a démontré que finalement, les filières sensibles n'étaient pas touchées. Vous savez, on a beaucoup parlé dans les discussions de la crise agricole de la nécessité de mettre en œuvre des mesures miroirs. Nous soutenons cette idée-là, nous y travaillons avec nos partenaires européens. Ces mesures miroirs permettent d'exiger les mêmes normes sanitaires ou environnementales aux producteurs des pays tiers de l'Union européenne que ce que nous demandons à nos propres producteurs.

"Il y a une mesure miroir qui a été mis en œuvre depuis longtemps, celle sur les hormones utilisées comme facteur de croissance pour le bœuf, et qui permet de bloquer l'entrée de bœuf aux hormones depuis le Canada."

Franck Riester

sur franceinfo

Et c'est pour ça qu'il n'y a pas d'exportation de bœuf depuis le Canada vers l'Union européenne. Parce qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'élevages au Canada qui utilisent les hormones comme facteur de croissance. Donc, c'est la démonstration que ces mesures miroirs sont utiles.

Si cet accord, le Ceta, n'est pas ratifié jeudi par le Sénat, que se passe-t-il concrètement ?

Ce serait un mauvais coup pour la ratification de cet accord. Et nous verrons quelle est la suite du processus législatif pour la ratification ou pas de cet accord. Il a été ratifié par le Parlement européen et doit être maintenant ratifié par les parlements nationaux. Il a déjà été voté à l'Assemblée, il faut qu'il soit voté au Sénat. S'il n'est pas voté au Sénat, il faudra voir de quelle manière le processus parlementaire continue. Mais ça serait un terrible message envoyé à tous nos exportateurs français, nos viticulteurs, nos producteurs de lait qui sont contents de trouver des débouchés au Canada. Un très mauvais signal aussi pour d'autres industries qui utilisent par exemple les minéraux critiques achetés au Canada, qui étaient achetés avant à la Russie, comme l'uranium ou au lithium, dont on a besoin pour nos batteries et notre transition écologique. Je pense au pétrole aussi qui est aujourd'hui acheté au Canada alors qu'il était acheté à la Russie précédemment. Et je pense à toutes ces entreprises qui exportaient beaucoup moins et qui exportent grâce à cet accord.

N'est-il pas paradoxal de ratifier le Ceta et, dans le même temps, de stopper les négociations sur le Mercosur ? Cet accord était sur le point d'être conclu entre l'Union européenne et quatre pays de l'Amérique latine, à commencer par le Brésil et l'Argentine.

Mais non, ce n'est pas paradoxal, sinon, il n'y aurait qu'un seul accord général pour tous les pays du monde. C'est parce qu'il y a des conditions différentes que l'on a des accords différents à signer avec telle ou telle zone du monde. Le Ceta est un bon accord, on le disait, et d'ailleurs il n'y a pas que nous. François Hollande et Matthias Fekl, qui a négocié cet accord, ont toujours dit que c'était un accord positif. Donc j'espère aussi que les socialistes seront en phase avec François Hollande et les leaders socialistes à l'époque.

"En revanche, celui avec les pays du Mercosur, qui est en cours de négociation, ne nous convient pas."

Franck Riester

sur franceinfo

Nous l'avons dit, je pense que nous avons été clairs. Non seulement nous ne l'avons pas validé, mais nous ne le validerons pas. Pourquoi ? Parce que les conditions qui sont différentes de celles du Ceta sont mauvaises pour notre agriculture, notamment avec des quotas d'importations très importants et un certain nombre de productions qui ne peuvent pas être bloquées à l'entrée du marché européen. Parce que nous n'avons pas encore toutes les mesures miroirs, les fameuses dont je parlais tout à l'heure qui sont mises en application en Europe.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.