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Qu'est-ce que le Ceta, le traité de libre-échange avec le Canada ratifié par l'Assemblée nationale ?

Cet accord commercial entre l'Union européenne et le Canada s'est attiré les foudres des oppositions de droite comme de gauche, en passant par les écologistes. Il a été voté par les députés mardi.

Article rédigé par franceinfo
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Le traité transatlantique entre l'Union européenne et le Canada doit être voté par les députés français le 22 juillet 2019. (Photo d'illustration) (JENS BUTTNER / ZB)

L'Assemblée nationale a dit oui au Ceta ? Les députés ont approuvé, mardi 23 juillet, par 266 voix contre 213, la ratification de traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, en dépit d'un record de contestations au sein du groupe LREM. Avant ce vote décisif, de nombreuses personnalités, dont des députés canadiens ou l'ancien ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, sont montées au front pour s'opposer à ce texte controversé.

Le Ceta, c'est quoi ?

Derrière ces quatre lettres, le Comprehensive Economic and Trade Agreement (Ceta) cache un accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada. Concrètement, il s'agit d'un traité très technique, qui prévoit une réduction des droits de douane entre les continents pour favoriser les échanges. Il est provisoirement entré en vigueur le 21 septembre 2017, huit ans après le démarrage des négociations, en 2009.

Ce texte prévoit également une harmonisation des normes. "En clair, une entreprise qui veut exporter au Canada pourra désormais utiliser les mêmes tests qu'elle utilise pour obtenir sa certification en Europe. Plus besoin de refaire une certification au Canada", explique sur franceinfo Sébastien Jean, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII).

Ces nouvelles règles concernent notamment l'agriculture. Ainsi, le Canada et l'UE pourront tous deux exporter davantage de produits sans droits de douanes et les marchés publics seront davantage ouverts. A l'inverse, d'autres secteurs sont exclus du traité : c'est le cas, notamment, de l'audiovisuel, au nom de "l'exception culturelle".

Pourquoi est-il (de nouveau) sur le devant de la scène politique ?

Ces derniers jours, le Ceta a fait son retour au cœur du débat politique. Les députés français ont en effet débattu du texte à l'Assemblée nationale pour ratifier (ou non) cet accord. Et les échanges ont été vifs, mercredi 17 juillet. Ils ont duré pendant près de dix heures à l'Assemblée nationale, jusque tard dans la nuit. Le vote a même dû être repoussé à mardi 23 juillet. Le texte doit désormais passer au Sénat, à une date encore non définie.

Pour autant, le Ceta est déjà entré provisoirement en vigueur. En effet, les gouvernements européens avaient accepté cette mise en application anticipée après le vote du Parlement européen, à la demande du Canada. La grande majorité des dispositions sont donc déjà applicables, à l'exception notable des très controversés tribunaux d'arbitrage pour trancher les différents entre les entreprises et les Etats, indique Le Monde.

Quels sont les pays qui l'ont déjà ratifié ?

Le processus de ratification est (très) long. Pour le moment, seuls 13 pays européens sur 28 ont ratifié le traité via leurs Parlements nationaux et régionaux. Il s'agit de l'Autriche, de la Croatie, du Danemark, de l'Espagne, de l'Estonie, de la Finlande, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, du Portugal, de la République tchèque, du Royaume-Uni et de la Suède. Les deux assemblées du Canada l'ont aussi ratifié dès 2017. Mais l'histoire est loin d'être finie, ni gagnée.

Si les 38 Parlements nationaux et régionaux de l'UE votent le texte, celui-ci entrera pleinement en application. Mais à l'inverse, si l'un des Parlements venait à le rejeter, l'application du traité pourrait prendre fin, à moins que l'Union européenne décide de passer outre ces votes nationaux. Une situation qui ne s'est encore jamais présentée pour un accord de ce type.

Quelles sont les principales critiques des opposants au texte ?

De la droite à la gauche, en passant par les écolos, les critiques contre le texte ont été nombreuses. A l'Assemblée nationale, les Républicains ont pointé un "double risque" sur la viande bovine : le risque "sanitaire" et celui de "déstabiliser la filière". Ils accusent le gouvernement et la majorité de "mensonges" sur les farines animales, qui seront "bel et bien consommées par les bovins qui vont atterrir dans nos assiettes", selon Pierre-Henri Dumont (LR). En effet, le Ceta ne se prononce pas sur le cas des farines animales. Et à ce jour, "rien n'interdit l'importation en Europe d'animaux nourris aux farines animales" dans les textes européens, fait remarquer l'économiste Lionel Fontagné. Les antibiotiques ne sont pas non plus évoqués par le traité. De quoi rassembler les différents syndicats agricoles français... contre le texte.

A gauche, PS, PCF et LFI ont dénoncé notamment un texte "incompatible avec les accords de Paris" et avec un "veto" climatique "introuvable""C'est Make Our Planet Great Again pour les multinationales et les gros investisseurs", a fustigé Laurence Dumont (PS), tandis qu'Olivier Faure a souligné l'"alerte venue de partout", des agriculteurs comme des écologistes. "Ce n'est pas le Ceta, c'est la cata", a encore déclaré Pierre Dharréville (PCF).

Lundi 22 juillet, Nicolas Hulot a pris position dans une tribune publiée sur franceinfo. "La convergence vers le haut a du plomb dans l’aile", a expliqué l'ancien ministre de la Transition écologique, exhortant les députés à ne pas ratifier le Ceta : "Ayez le courage de dire non". Les élus ne l'ont pas suivi. 

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