Accidents du travail : "Deux morts par jour environ, c'est une véritable hécatombe", selon la CGT

Benoît Martin, secrétaire général de la CGT, explique mercredi sur franceinfo que les accidents du travail représentent un "phénomène d'ampleur" en France.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8 min
Benoit Martin, le 13 mars 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Les assises de la santé et la sécurité des travailleurs se tiennent mercredi 13 et jeudi 14 mars, à la Bourse du Travail à Paris. Une initiative organisée par les syndicats CGT, FSU et Solidaires, et par les associations Andeva, Attac, Cordistes en colère, Association-Santé-Médecine-Travail, notamment. Et une plateforme a été mise en place avec un certain nombre de revendications.

Face au nombre d'accidents du travail en France, Benoît Martin, secrétaire général de la CGT Paris, chargé de la santé au travail, explique mercredi sur franceinfo qu'ils réclament notamment le renforcement "des équipes d'inspection du travail", mais aussi des condamnations "plus lourdes des tribunaux" et le "rétablissement des CHSCT".

franceinfo : Quelle est l'ampleur du phénomène des accidents du travail en France ?

Benoît Martin : Au niveau des accidents mortels, c'est une véritable hécatombe : deux morts par jour environ. Et puis, il faut savoir aussi qu'il y a à peu près 700 000 arrêts de travail chaque année, dus à des accidents du travail et à des maladies professionnelles. C'est vraiment un phénomène d'ampleur.

Vous avez parlé des accidents mortels, 738 ont été recensés en 2022 par l'Assurance-maladie, le chiffre est-il stable ?

Oui, le chiffre est stable et la moitié des accidents mortels se produisent dans le BTP. Mais ça ne recense pas les accidents mortels ou les accidents du travail tout court, ou les maladies professionnelles dans la fonction publique. La fonction publique, c'est compté à part, mais on a du mal à avoir des chiffres. On a également du mal à avoir des chiffres chez les autoentrepreneurs, par exemple. Donc on n'a pas l'ampleur du phénomène.

"Et il y a un deuxième problème, c'est la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles."

Benoît Martin

sur franceinfo

Vous avez parlé du BTP, y a-t-il d'autres secteurs où les personnes sont particulièrement exposées ?

Il y a plusieurs types d'accidents du travail, mais les accidents graves et mortels sont dans le BTP. Il y a la métallurgie, les industries chimiques, mais également le travail forestier, le travail agricole, le travail de la pêche. Les accidents les plus impressionnants, graves et mortels sont souvent relayés dans la presse, d'ailleurs, dans la rubrique faits divers.

Avec l'ubérisation des métiers, les risques augmentent-ils ?

Oui, les risques augmentent, bien entendu, notamment pour les livreurs à deux-roues, à vélo ou en scooter. Il y a une accidentologie importante dans cette population-là. Et donc ils se mobilisent régulièrement et il n'y a pas qu'en France. Ça a des conséquences au niveau européen et le Conseil européen va plutôt dans le sens d'une meilleure reconnaissance d'un travail salarié, du côté des autoentrepreneurs, avec la reconnaissance d'un lien de subordination et contre l'avis de la France, de Monsieur Macron, évidemment, et contre l'Allemagne également. Mais au niveau européen, ça a tendance à avancer dans le bon sens sur la reconnaissance des autoentrepreneurs qui pourraient être requalifiés en salariés.

Il existe un code du travail. Est-ce l'absence de contrôles le problème ?

L'absence de contrôles ou l'insuffisance des contrôles de l'inspection du travail.

"Il y a une cartographie qui a été faite récemment et le manque d'inspecteurs du travail selon les départements est très variable : de 10% à 60% d'emplois vacants."

Benoit Martin

sur franceinfo

Il y a vraiment un manque de moyens, un manque d'effectifs qui est vraiment criant. Ça fait partie de nos revendications. Nous avons pas mal de revendications, bien entendu, mais renforcer les équipes d'inspection du travail, c'est très important.

Avec l'augmentation du télétravail, les accidents ont-ils tendance à diminuer ?

Il y a certainement là aussi un manque de reconnaissance. Évidemment, vous savez que les accidents de trajet sont considérés comme des accidents du travail, puisqu'on va sur son lieu de travail. Si on reste chez soi, il n'y en a pas, ou beaucoup moins. Mais il y a d'autres types de problèmes qui peuvent se passer chez soi. Un malaise, par exemple, quand on est dans une communauté de travail avec ses collègues autour de soi, on a une meilleure chance de s'en sortir que si on est chez soi, éventuellement seul. Quand on est en télétravail, on a également des rapports plus distants avec ces représentants du personnel et c'est également un autre problème pour la prise en charge des risques psychosociaux.

Est-il difficile de faire reconnaître par son employeur un accident du travail, quand on est chez soi en télétravail ?

Oui, c'est le cas par exemple chez Orange, qui est mon employeur. J'ai un cas précis en tête : quelqu'un qui, pendant sa pause repas, en télétravail à son domicile, a eu un feu dans sa cuisine et a été blessé. Mais après, il y a un problème de reconnaissance de cela comme accident du travail, bien entendu.

Une plateforme a été mise en place lors de ces assises avec un certain nombre de revendications. Vous demandez notamment que les tribunaux condamnent plus lourdement les accidents du travail, comme c'est le cas pour la violence routière.

Effectivement, nous faisons le parallèle entre la sécurité et la santé au travail, et la sécurité routière. On parle beaucoup de sûreté nucléaire en ce moment. Il faut savoir que la sous-traitance en cascade dans le nucléaire est un problème de sûreté, de sécurité et de santé. On a parlé beaucoup aussi du procès de Brétigny-sur-Orge. Là aussi, il était question de sécurité ferroviaire. C'est très important. Donc, il faut des condamnations plus lourdes, il faut diminuer la sous-traitance en cascade. Et bien entendu, rétablir les CHSCT qui ont été abolis également par les ordonnances Macron.

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