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Édito
Affaire McKinsey : "abus" ou "dérives", d'où viennent ces pratiques si chères aux politiques ?

Alors que le parquet national financier a ouvert une enquête qui se penche sur le rôle du cabinet de conseil américain McKinsey dans la campagne du candidat Macron, Bruno Le Maire a reconnu que l’exécutif avait sans doute commis des "abus". L'édito politique de Renaud Dély.

Article rédigé par franceinfo, Renaud Dély
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Emmanuel Macron, le 22 novembre 2022. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Attention : quand Bruno Le Maire parle d’abus, comprenez que le ministre de l’Economie et des Finances n’évoque pas des illégalités, mais plutôt une pratique excessive, "une dérive"dit-il. "Nous sommes allés trop loin…", ajoute Bruno Le Maire en déplorant un recours trop fréquent et trop coûteux pour les deniers publics aux cabinets de conseils, McKinsey et les autres. Pas sûr que cette confession réjouisse l’Elysée, où Emmanuel Macron répète qu’il n’a rien à se reprocher. D’ailleurs Bruno Le Maire prend soin d’exonérer son supérieur en affirmant que cette "dérive" vient de loin et remonte aux majorités précédentes. 

>> Affaire McKinsey : le Parquet national financier a ouvert deux informations judiciaires sur les comptes de campagne d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022

Sauf que ce n'est pas tout à fait vrai. Ni faux d'ailleurs. Ce n’est pas Emmanuel Macron qui a inauguré le recours aux cabinets de conseil. Cette pratique est bien plus ancienne et elle s’est véritablement développée à partir de l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007. Sauf que sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, le coût a carrément explosé ! Et McKinsey en a largement profité… En 2021, l’année où l’Etat a le plus recouru à ces cabinets privés, la facture totale atteindrait près de 900 millions selon un rapport sénatorial rendu au printemps, moitié pour du conseil stratégique, moitié pour du conseil informatique. Elisabeth Borne a d’ailleurs publié une circulaire pour exhorter les ministres à réduire d’au moins 15 % leurs dépenses en la matière. Ils auraient commencé à le faire cette année.

Pourquoi de tels "abus" ?

D’abord, la paupérisation de l’Etat lui a ôté certaines compétences et incité les pouvoirs publics à se tourner davantage vers le privé. Il y a aussi un réflexe de prudence qui se développe chez de nombreux politiques : avant de prendre une décision, ils se gavent de notes stratégiques, d’études d’impact, c’est "ceinture et bretelles" pour mieux se protéger devant l’opinion.

Enfin, il y a un tropisme idéologique, renforcé avec l’élection d’Emmanuel Macron : l’exécutif fait plus volontiers confiance à l’expertise du privé pour enclencher certaines réformes. Reste à savoir si cette "dérive", confessée par Bruno Le Maire, est constitutive de délits, en l’occurrence de financement déguisé de campagne ou de favoritisme dans l’attribution de certains marchés publics. Et ça, c’est désormais à la justice de le vérifier.

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