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Quête de sens, rêves de nature ou envie de fruits et légumes plus sains : comment se mettre au vert quand on est citadin

Des jardins partagés pris d’assaut, des potagers urbains qui fleurissent dans les espaces privés et publics, des fermes urbaines qui font le plein de volontaires... franceinfo a fait un tour des possibilités offertes aux urbains pour se mettre à cultiver.

Article rédigé par franceinfo - Ariane Schwab
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 23min
Des promeneurs se livrent à la cueillette aux Vergers de Champlain dans le Val-de-Marne. (ARIANE SCHWAB / RADIO FRANCE)

Pour certains, le confinement a révélé un besoin de prendre l'air, un manque de nature, une envie de bons produits. Pour d'autres, le passage à l'acte était latent, fruit d'une réflexion longuement mûrie sur nos modes de vie et de consommation. Ces habitants des villes ont franchi le pas et rejoint un mouvement en marche depuis une vingtaine d'années. "Il y a vraiment un tournant depuis les années 2000, confirme l’enseignant-chercheur Antoine Lagneau, chargé d’études agriculture urbaine à l’Agence de la biodiversité d’Île-de-France. Le citadin a envie de nature, d’une nature moins domestiquée que celle qui avait cours dans la vision hygiéniste héritée de Le Corbusier et compagnie, en plus d’une volonté de se réapproprier son alimentation." Heureusement, les occasions de se mettre au vert, même en ville, ne manquent pas. "Entre les jardins privés, les jardins familiaux, partagés, jardins d’entreprise, les initiatives d’habitants, les permis de végétaliser des villes, les jardins sur toit, les jardins hors sol, l’agriculture dite urbaine est extrêmement vaste et variée", énumère Sandra de la Fédération nationale des jardins familiaux et collectifs.

Pour ceux qui rêvent de mettre les doigts dans la terre ou ceux qui veulent s’investir plus largement, pour ceux qui veulent manger "leurs" produits sans forcément arriver à l'autosuffisance alimentaire, pour ceux qui ont tout leur temps ou ceux qui n'en ont pas autant qu'ils le voudraient, voici un tour d’horizon de quelques unes des possibilités pour les citadins de passer au vert.

Pour les nuls en jardinage, qui n’aiment pas trop se fatiguer mais veulent savoir ce qu’ils mangent

Vous aimeriez avoir le don de faire pousser des fleurs n'importe où. Mais la réalité vous a rattrapé. Rien ne pousse quand vous vous essayez à planter parce qu'il faut bien l'admettre, arroser tous les jours ou enlever les mauvaises herbes vous ennuie profondément. Mais vous voulez quand même savoir d'où vient ce que vous mangez...

Aller dans une ferme cueillette. La première solution, ce sont les bonnes vieilles cueillettes. Des champs, vergers ou potagers en libre-service où vous ramassez et cueillez vous-même vos fleurs, fruits et légumes de saison. L'effort sera ponctuel et vous permettra de renouer avec la terre dans un moment intense mais plus ou moins bref. Le groupement Chapeau de Paille compte par exemple 33 cueillettes, 10 en Île-de-France et 23 en province, et recense 2,5 millions de cueilleurs par an. Le principe est simple : les agriculteurs cultivent et vous récoltez. 

Mais ce n’est pas de tout repos, comme en témoignent Michèle et son mari, tout sourire mais l'air épuisé après leur récolte à la cueillette des Vergers de Champlin, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). "Ça monte, ça descend... On est fatigué", rigole Michèle. Ils viennent régulièrement "mais surtout l'été parce que là, il n'y a pas grand-chose". Après deux bonnes heures à crapahuter sous le soleil, le mari de Michèle nous montre sa cagette où ne roulent en effet que quelques cerises et des herbes aromatiques. "Elles sont bonnes, par contre !", assure Michèle, qui explique qu'elle vient surtout pour la qualité des produits. "Je n'aime pas les pommes, je n'aime que les pommes d'ici !"

La récolte est encore maigre en cette fin juin. Michèle et son mari n'ont cueilli aux Vergers de Champlain que quelques cerises et des herbes aromatiques. (ARIANE SCHWAB / RADIO FRANCE)

Sandrine, elle, visite des cueillettes deux à trois fois par an. "Depuis qu'on a les enfants en fait, explique cette jeune maman de trois bambins. Ce sont de petits citadins donc c'est pour leur montrer que les carottes ne poussent pas dans les supermarchés !"

La file des cueilleurs est longue devant la boutique qui les reçoit au compte-goutte en raison des précautions nécessaire en cette période encore particulière de déconfinement. Thibault Saussier, l’agriculteur des Vergers de Champlin, s’est retrouvé face à ses habitués mais aussi à une horde de nouvelles têtes "plus ou moins respectueuses du travail", confie-t-il un peu fâché. Un de ses confrères a même dû fermer sa cueillette, dimanche 24 mai, le deuxième week-end de déconfinement. Mais oui, il confirme que le nombre de ses visiteurs est en hausse continue depuis qu’il a repris en 2002 et que, même en développant une boutique où l’on peut acheter au même prix sans se fatiguer les produits de la cueillette ou la livraison de paniers, "il y a toujours des gens qui prennent plaisir à cueillir". Nous avons toutefois croisé Teresa qui elle, venait pour la première fois et s'est arrêtée à la boutique. "Désolée, s'excuse-t-elle presque, mais ça ne m'intéresse pas trop de cueillir. Je suis juste venue chercher des pommes de terre".

Louer une parcelle et la confier à un maraîcher. Autre solution pour avoir le sentiment de contrôler son alimentation sans trop se fatiguer, on peut rejoindre un potager Peas&Love. Le principe : vous louez une parcelle et c'est un maraîcher professionnel qui s'en occupe. Il en existe actuellement cinq en Île-de-France et trois en Belgique. Leur fondateur raconte que l'idée lui est venue après avoir dépensé 150 euros pour créer son potager et avoir vu tout mourir en un mois. "Chaque client peut louer une parcelle de 3 mètres carrés environ, explique Souad. Nos community-farmers s'occupent des parcelles, des plantations, de l'entretien et les clients n'ont plus qu'à venir pour récolter chaque semaine."

Photo du jardin Peas&love perché sur le toit du parking de Domus à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). (MIREILLE ROOBAERT)

Apparemment, on ne peut pas vraiment choisir ce qu’on plante, mais en fonction de la saison, on peut orienter les choix, précise Souad, qui ajoute qu’on ne fait pas ce qu’on veut puisque chez Peas&Love, on pratique le bio. Et si d’aventure vous avez de temps en temps envie de mettre la main à la pâte, cela reste possible. Des ateliers sont organisés et il y a également "un espace commun où on plante aussi d'autres légumes et fruits. Tous les clients peuvent en profiter, récolter sur ces parcelles ou aider à jardiner", assure Souad. En deux ans, la structure a charmé 700 "peas&lovers". 

Pour ceux qui veulent apprendre, mais ne veulent pas jardiner tous les jours

Vous adorez plonger les mains dans la terre, planter amoureusement vos graines et semis et, accessoirement, voir le résultat de vos efforts finir dans votre assiette... Mais pas tous les jours !

Devenir bénévole dans une ferme urbaine. Pour vous, il existe par exemple des fermes urbaines, dans les grandes agglomérations. On en compte près de 400 en France, une trentaine à Paris. Certaines accueillent des bénévoles comme la V’île Fertile, une ferme maraîchère bio-intensive qui s’est installée à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), en bordure du bois de Vincennes, et produit beaucoup de légumes (plus de 2 tonnes en 2017). "Pour une heure ou pour la vie", ils sont à la recherche de bras, que vous soyez "un bleu, ou habile et qualifié". Pour les rejoindre, il suffit d’adhérer à l’association.

C’est un peu le même principe à la ferme collaborative située sur le domaine du Château de Flaugergues, à Montpellier (Hérault). L’Oasis citadine pratique la permaculture et vous permet de produire plein de bonnes choses, des fruits jusqu’au vin. Toutefois cela à un coût : de 10 à 60 euros par mois en fonction de la formule d’adhésion choisie. Nathalie, responsable développement durable dans un grand groupe agroalimentaire, a choisi de devenir "membre actif" avec son conjoint. "L'intérêt, c'est vraiment d'avoir un engagement sur un an pour pouvoir voir le cycle de la culture", dit-elle. Membre actif, ça veut dire que toutes les activités de la ferme sont accessibles. "On peut venir jardiner, s'occuper des poules, faire de l'écoconstruction, etc. Il y a aussi des cours d'agroécologie, des groupes par type d'intérêt : par exemple un groupe de cuisine où on partage des recettes avec des produits de saison du jardin, un groupe apiculture, un groupe qui brasse de la bière, un groupe qui fait du vin... Moi, j'ai fait le vin : on a fait les vendanges, on a foulé le raisin, on a raclé, on a embouteillé...", raconte-t-elle amusée. C'est le film Demain de Cyril Dion qui a semé les premières graines dans son esprit, dit Nathalie, Parisienne d'origine. Elle et son compagnon étaient déjà sensibilisés aux circuits-courts, à la réduction des déchets... Et quand ils ont visité l'oasis, cela a été "une révélation !" 

On vient quand on le souhaite. On n'a pas le stress qu'on pourrait avoir dans un jardin partagé où il faut absolument arroser sinon les plantes vont crever. Il y a toujours quelqu'un qui assure le minimum. On peut partir en vacances, on peut partir en week-end !

Nathalie, membre de l'Oasis citadine, à Montpellier

à franceinfo

Participer à des festivals. Si le temps et la disponibilité vous empêchent de vous investir dans la durée, il est possible d'assouvir votre envie de vert de façon plus ponctuelle. Du côté des festivals de jardinage, il y a par exemple Les 48h de l’agriculture urbaine, qui a lieu tous les ans au printemps et se tiendra cette année du 20 au 21 juin dans 17 villes de France. Au programme, entre autres, des ateliers sur diverses techniques de culture ou des végétalisations de rue. Dans le 12e arrondissement de Paris, par exemple, vous pouvez prendre des cours de jardinage saisonniers gratuits à la Maison du jardinage, ou vous former à la carte ou à l’année à l’école du Breuil (payant). Certaines activités ont dû être suspendues en raison de la crise sanitaire.

Devenir paysan le temps d'un séjour en "wwoofing". Autre opportunité, le "wwoofing". Le "wwoof" (World-Wide Opportunities on Organic Farms, parfois aussi retranscrit en "working weekends on organic farms") est un réseau mondial de fermes biologiques. Elles offrent le gîte et le couvert à ceux qui viennent découvrir le métier d'agriculteur en mettant les mains non pas dans le cambouis mais dans la terre. En France, qui a rejoint le mouvement en 2007, l’association compte aujourd’hui 18 000 membres. L’engagement est totalement libre et certains adhérents "ne franchissent pas le pas", s’amuse Cécile, qui travaille à l'association. Mais "la majorité passe quand même à l’acte".

Cécile a repéré trois profils de "wwoofers" : "Beaucoup d’étudiants en agronomie" qui viennent tester le métier en vrai, "beaucoup de citadins, de professeurs, qui ont envie de passer des vacances engagées. On a ce profil d’urbain qui, pendant ses vacances, a envie de se bouger un peu sans aller à la salle de sport. Ce n'est pas de l'énergie dépensée 'gratuitement', c'est au service de quelque chose. C'est là où il y a du sens", analyse Cécile. Et puis, troisième type, "on a les retraités qui ont eu une enfance au jardin. Ils ne sont pas forcément une vraie force de travail mais ils sont contents de transmettre des conseils".

Pour éviter toute dérive vers du travail dissimulé, l’association limite volontairement la durée des séjours : "pas plus d’un mois", dit Cécile. Mais certains "wwoofers" font plusieurs séjours sur l’année. "J’ai une prof d'espagnol de la région parisienne, célibataire et sans enfants : comme elle a deux semaines de vacances toutes les six semaines, elle a décidé de les passer en 'wwoofing'. Elle en était à son troisième ou quatrième avant le confinement. Elle a fait du maraîchage, elle a été dans une ferme qui faisait des escargots bio…". Certes, on participe à l’activité de la ferme, mais "ce n'est pas vraiment vécu comme du travail", assure Cécile, elle-même "wwoofeuse" à ses heures perdues.

Quand vous êtes au petit matin, faire des semis à la fraîche en écoutant les oiseaux chanter, ce n'est pas comme quand vous allez au charbon. Il y a un plaisir, tout simplement, qui est plus de l'ordre de l'artisanat que de l'ouvrier.

Cécile, Wwoof France

à franceinfo        

Pour ceux qui ont le temps de s'investir mais n'ont pas de terrain

Vous êtes maraîcher dans l'âme mais vous habitez dans un trois-pièces-cuisine, cerné par les immeubles. L'une des solutions possibles pour vous est de vous inscrire dans un jardin collectif, familial ou partagé, souvent éphémères car les terrains appartiennent à des promoteurs ou des bailleurs sociaux qui les prêtent pour éviter les squats.

Adhérer à un jardin familial ou à un jardin collectif. Les jardins ouvriers créés à la fin du 19e siècle sont toujours là, même si on a préféré les appeler jardins familiaux après la seconde guerre mondiale. Ce sont des parcelles de terrain mises à la disposition des habitants par les municipalités, et le plus souvent gérées par des associations. Le chercheur Antoine Lagneau le prédit : "Après avoir été un peu 'has been', les jardins familiaux vont sans doute connaître une nouvelle jeunesse". Et de fait, le nombre d’adhérents ne cesse de croître, confirme la Fédération nationale des jardins familiaux et collectifs (FNJFC), qui recense quelque 11 000 jardiniers possédant une parcelle dans un jardin familial dont 2 670 en Île-de-France. Et les listes d’attente s’allongent depuis dix ans. En Île-de-France, "l’attente varie entre 5 à 8 ans", avoue Sandra de la FNJFC. Le besoin est surtout de "s’évader du rythme effréné de la capitale ou de leur travail", dit-elle. C’est le cas de Nathalie qui travaille dans un office notarial. Avant, elle disposait d’une grande terrasse où elle faisait pousser des plantes aromatiques et des tomates cerises. Mais elle a dû déménager et s’est retrouvée avec un rebord de fenêtre. "Ça ne me suffisait pas", confie-t-elle. Alors quand un ami lui propose de partager sa parcelle dans le jardin d’en bas de chez elle, à Bagnolet, elle saute sur l’occasion.

Le jardin éphémère des Coutures à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. (ARIANE SCHWAB / RADIO FRANCE)

Car les places sont chères. Si l'accès ne coûte que quelques dizaines d’euros par an de cotisation, les parcelles disponibles sont rares et remises à la loterie une fois par an. Celle de l’ami de Nathalie fait 5 mètres carrés. Il lui a laissé 1 mètre carré qu’elle cultive avec sa sœur mais "on partagera", dit Nathalie : "Lui fait des fraises et des radis, nous on a planté des tomates, des poivrons, des salades et des potirons. [...] C’est super sympa de cultiver son petit bout de jardin, on a l’impression d’être à la campagne". Le jardin s’est aussi doté d’un poulailler. Certes, les sept poules ont tendance à aller saccager les semis en pêchant des vers bien frais dès qu'on a le dos tourné, s’amuse Nathalie, mais en échange, on a quelques œufs.

L’objectif du jardin n’est bien entendu pas de se nourrir, même si Nathalie est fière de manger ce qu’elle fait pousser (d’autant que les pesticides sont interdits). Et ce qu'elle apprécie par-dessus tout c'est la simplicité des relations, le mélange des générations et des communautés. Les membres du jardin organisent souvent des barbecues. "Tu passes devant, tu sens l’odeur de viande grillée, tu rappliques avec tes trois chipos et tes trois merguez et on partage", raconte-t-elle. Et comme elle est "overbookée avec le travail" toute la semaine, le jardin lui offre l’occasion de se retrouver "au moins une fois par semaine" en famille et avec des amis.

Les jardins partagés ont même poussé sur les toits, comme par exemple dans le 20e arrondissement de Paris où s'étendent 600 mètres carrés au-dessus d'un gymnase, accessibles aux riverains et qui accueillent également des jardins d’insertion. Et bientôt, dans le 15e, une gigantesque ferme surplombera le Parc des expositions, 14 000 mètres carrés dont 140 mini-jardins qui seront loués aux particuliers pour qu'ils puissent cultiver leur propre potager.

Entretenir des mini-potagers dans la ville. Si vous n'avez ni parcelle, ni même une jardinière à accrocher à votre fenêtre, d’autres initiatives peuvent vous intéresser, comme celle du mouvement citoyen d'agriculture urbaine participative Les Incroyables comestibles. Le but est d'inviter les gens à partager des bacs installés dans les espaces publics, à les cultiver ensemble et à en récolter les produits. Malgré les bonnes intentions, les Incroyables comestibles ne semblent pas toujours motiver sur le long terme. Sur une quinzaine d’adresses répertoriées dans le Val-de-Marne, nous n’avons trouvé que trois bacs, l’un dans la cour d’un restaurateur qui se l’était réapproprié et deux effectivement sur la voie publique mais en déshérence.

Un bac d'Incroyables comestibles laissé à l'abandon à Champigny-sur-Marne (JYOTIS CALVEZ ET ARIANE SCHWAB / RADIO FRANCE)

"De manière générale, j'ai constaté que les gens soutenaient le mouvement, trouvaient ça super... mais n'étaient pas volontaires sur le long terme, confie par mail la référente du mouvement dans le Val-de-Marne. Très peu de personnes sont vraiment motivées. Ils attendent surtout que l'on fasse pour eux."

Au-delà de l'expérience participative, l'initiative des Incroyables comestibles vise aussi à insuffler l’idée d’une autosuffisance alimentaire. Plus de 55% de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes pour lesquelles l'autosuffisance paraît pour l'heure un doux rêve. Selon l'Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’autonomie alimentaire d’une ville comme Paris se chiffre à trois jours et l’Île-de-France importe près de 90% de ses produits alimentaires. Les terres agricoles représentent pourtant 49% de la superficie de la région francilienne. Cherchez l’erreur… L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) encourage ces initiatives et souligne que l’agriculture urbaine nourrit tout de même aujourd’hui plus de 800 millions de personnes dans le monde. C'est loin d'être anecdotique.

Ceux qui vont jusqu’à changer de voie pour verdir la ville de l'intérieur

Ras-le-bol du béton : la nature vous appelle et vous vous sentez l'âme paysanne.  Mais vous êtes caissière, informaticien, chef d'entreprise ou autre profession de bureau... Une solution : la reconversion professionnelle. Mais il faut vraiment être motivé à 2 000%.

Se reconvertir dans l'agriculture urbaine. Si le nombre d'agriculteurs ne cesse de baisser depuis 20 ans, le nombre de citadins qui décident de se reconvertir à l'agriculture lui ne cesse d'augmenter. Ces "néo-paysans" constituent désormais le tiers des installations agricoles contre moins du quart il y a dix ans. Toutefois le métier s’avère dur et il est nécessaire de bien se former et de ne pas se faire d’illusions sur le côté physique de l’histoire. Ceux qui parviennent au bout de leur rêve sont généralement à la tête de petites structures, cultivent beaucoup de variétés, privilégient les circuits courts et n’hésitent pas à recourir à l’entraide et au financement participatif. Comme Laurent Thierry, l'un de ces "néo-paysans", qui a quitté son emploi dans un bureau d'études pour se mettre à la permaculture en Haute-Savoie.

Ophélie, elle aussi, a franchi le cap. C’était il y a trois ans. Elle décrit son parcours comme atypique. "J'ai eu plein, plein, plein de métiers différents, glisse-t-elle. Tous portaient sur la communication. Le dernier en date, c'était dans une agence de pub. J'ai tout plaqué pour me former en maraîchage bio et travailler dans l'agriculture urbaine." Elle explique que, végétarienne depuis sept ans, elle a fini par se retrouver en "dissonance cognitive avec son job". Mais il lui aura fallu le "coup de pied" d'une rupture amoureuse pour qu'elle se lance. "J'ai pu voir en formation que la plupart des gens qui décident de tout plaquer pour se reconvertir sont passés par des phases un peu difficiles de deuil, de burn out, de divorce".

Heureusement, sa formation en maraîchage lui a aussi appris à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et à multiplier les sources de revenus. "C'est clair que ce n'est pas le monde des Bisounours", reconnaît-t-elle. Son passé de communicante lui a permis de combler les périodes creuses, "et là, cette année, je monte une serre, une pépinière de quartier aux portes de Paris", annonce-t-elle fièrement. Sa serre se situera au sein d'un "tiers lieu", La Cité fertile à Pantin (Seine-Saint-Denis). Sa production sera bio, garantit-elle, même si obtenir le label sera difficile : "Je suis très, très attachée aux principes du bio, du zéro pesticide, du travail du sol vivant. Mais la plupart des projets d'agriculture urbaine ne peuvent pas avoir l'appellation bio parce qu'ils sont hors sol. C'est très, très rare les projets de pleine terre, puisque la terre est trop polluée en zone urbaine. Et donc, la plupart des projets sont en bac, en culture verticale, en hydroponie", explique-t-elle.

Une partie de ses plants, elle les réserve à la "Green Guerilla", un mouvement qui balance "illégalement" des "bombes de graines" dans le paysage urbain pour végétaliser la ville. Car Ophélie est devenue une vraie militante : "Avec le jardinage dans l'espace public, le résultat c'est presqu'un bonus. Si ça perdure, c'est génial, mais c'est l'action en elle-même qui compte : c’est d'impulser quelque chose. Même si on n'est pas écolo, jardiner ça évoque chez les gens des choses de leur enfance. On parle très rapidement de nourriture aussi, c’est un langage assez universel et c'est ce que j'aime. Et c'est pour ça que je continuerai de le faire. La ville, j'ai clairement décidé d'y rester pour participer à sa transformation."

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