Cachez ce sexe que je ne saurais voir...
Nous sommes en 1991, et pour la première fois en France, est exposé un tableau dont beaucoup connaissaient l’existence mais que très peu avaient vu, "L'Origine du Monde" de Gustave Courbet. Quatre ans plus tôt, les New Yorkais avaient pu découvrir ce sexe d’une femme aux cuisses ouvertes.
Une toile réalisée en 1866, commandée par un diplomate turc avant de passer de collection privée en collection privée jusqu’à son dernier propriétaire, le psychanalyste Jacques Lacan.
En 1991, le musée Courbet à Ornans dans le Doubs expose enfin cette toile. L’attente est forte mais contrairement à certaines craintes, elle ne provoque guère de scandales.
En revanche, trois ans plus tard, lorsque l’écrivain Jacques Henric décide avec son éditeur, le Seuil, de faire de "L’Origine du Monde" la couverture de son roman « Adorations Perpetuelles », le spectre de la censure ressurgit. Henric décrit cette affaire sur France Culture
"Des organisations familiales proches des mouvements intégristes, c'est elles qui envoient la police dans les librairies"
La police fait retirer les livres d’une librairie de Besançon, d’autres le feront d’elles-mêmes. Le contexte est particulièrement tendu. Le nouveau code pénal, entré en application le 1er mars 1994, est considéré par certains comme marquant le retour de la censure punissant de prison "Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine." Dans un souci d’apaisement, le ministre de la culture Jacques Toubon qualifiera de "Tentative ridicule de censure" les actions judiciaires entamées contre le livre.Un an plus tard, en juin 1995, les visiteurs du Musée d'Orsay peuvent découvrir dans les collections permanentes la fameuse toile.
"L’Origine du Monde" n’est pas un tableau anodin et continue de choquer. C’est la poste qui refuse d’en faire un timbre ou Facebook qui censure un compte pour l’avoir diffusé. En représentant le sexe de la femme, et plus particulièrement de la mère -pensez au titre du tableau- Courbet avait choqué il y a 150 ans et choque encore aujourd’hui. Signe que malgré l’évolution des mœurs, certains tabous demeurent.
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