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Retrait de "The Interview" par Sony : une décision sans précédent à Hollywood

Plusieurs personnalités parlent de censure d'un film qui n'est pourtant pas le premier à traiter du régime de Pyongyang.
Article rédigé par Thomas Rozec
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (© Maxppp)

Hackers 1 - 0 Sony ? L'annulation de la sortie américaine du film "The Interview" prévue à Noël est une nouvelle page dans ce feuilleton de piratages qui dure depuis la fin novembre. D'abord, ces milliers de documents, d'e-mails personnels de salariés de Sony piratés - dont certains portent atteinte à la réputation du studio de cinéma. Ensuite, ces menaces d'attentat si le film sortait dans les salles américaines. La Maison-Blanche parle même d'une "grave affaire de sécurité nationale".

Quel est donc le contenu de ce film pour autant irriter des pirates informatiques qui se dénomment comme des "Gardiens de la paix"? The Interview - dont certaines scènes ont déjà fuité sans que Sony n'en confirme la véracité - raconte l'histoire de deux journalistes américains interprétés par les acteurs Seth Rogen et James Franco qui sont recrutés par la CIA pour interviewer et assassiner le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.

Pour des personnalités hollywoodiennes, c'est un recul de la liberté d'expression et de création cinématographique face à la Corée du Nord. Une enquête est néanmoins toujours en cours à Washington pour déterminer l'identité des pirates informatiques.

Le ridicule tue

"Ce n'est pas le premier film qui donne une image négative de la Corée du Nord. Actuellement, la Corée du Nord est le grand méchant dans les films hollywoodiens d'action. Là, ce qui est différent, est que le film est une comédie qui tourne complètement au ridicule le leader nord-coréen" , estime Nolwenn Mingant, maître de conférence en civilisation américaine à l'université de Nantes interrogée par France Info. Cette spécialiste du cinéma hollywoodien cite un des James Bond, "Meurs un autre jour" sorti en 2002 et L'Aube rouge où des Nord-Coréens envahissent les Etats-Unis.

Pour l'acteur Rob Lowe, connu pour son rôle dans la série Parks and Recreation, "Neville Chamberlain serait fier d'Hollywood" - Neville Chamberlain étant ce Premier ministre britannique dont l'on se souvient aujourd'hui pour avoir cédé à Hitler lors de la signature des accords de Munich en 1938.

Le producteur et acteur Judd Appatow extrapole. "Et si une personne anonyme était blessée par ce qu'aurait dit un responsable de Coca-Cola? Arrêterait-on pour autant d'en boire?" , tweete-t-il.

Le documentariste américain Michael Moore, dont le film "Fahrenheit 9/11" avait été aussi la cible de pressions avant sa distribution, ironise. "Chers pirates de Sony, maintenant que vous avez pris le contrôle d'Hollywood, j'aimerais moins de comédies romantiques, moins de films de Michael Bay et plus aucun Transformers".

Après l'indignation, la dérision

Comme pour d'autres actualités, l'humour grinçant est souvent de mise en ligne pour parler du numéro 1 du régime dictatorial de Pyongyang.

Selon Nolwenn Mingant, "Sony est perdant sur toute la ligne. Ils se retrouvent avec ce film qui était au départ une comédie sans prétention avec un humour plutôt lourd et bon enfant. Ils ne peuvent plus le diffuser en salle car le public américain a pris peur à la suite des menaces d'attentat, refusent de le rendre disponible en DVD ou vidéo à la demande et ont déjà dépensé de l'argent dans le marketing promotionnel".

Il n'empêche que ce précédent pourrait déjà avoir fait une victime collatérale : l'adaptation au cinéma déprogrammée de la BD Pyongyang du dessinateur Guy Delisle avec l'acteur Steve Carell. En France, la sortie de "The Interview", retitré "L'Interview qui tue", est maintenue. Le film devrait sortir le 22 avril 2015.

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