Emmanuel Macron : des concessions en trompe-l'œil
Pour sa campagne de l'entre-deux tours, le président-candidat veut gagner des voix à gauche en reprenant notamment des concepts de Jean-Luc Mélenchon. Mais les mots ne sont pour le moment pas suivis de propositions concrètes.
Nous nous penchons, mercredi 13 avril, sur le discours d’Emmanuel Macron. Le Président sortant sait que, s’il désire l’emporter face à Marine Le Pen le 24 avril prochain, il devra parvenir à convaincre les électeurs de gauche de voter pour lui. Oui mais voilà, les signaux qu’il leur envoie en ce moment… sont des concessions en trompe l’œil.
Reprendre des concepts de Jean-Luc Mélenchon
Nous le savons : ce sont les électeurs de gauche, et singulièrement ceux de Jean-Luc Mélenchon, qui seront la clé du second tour de la présidentielle. Emmanuel Macron s’emploi donc, depuis le début de la semaine, à s’adresser à eux. Il l’a notamment fait ce mercredi matin, sur France 2. Dans les 4 Vérités, le Président-candidat est revenu sur ses ambitions en matière de transition écologique : "Je souhaite intensifier le rythme là-dessus, explique Emmanuel Macron. Je souhaite regarder aussi, ce qui venant d'autres propositions va nous permettre de clarifier cette ligne avec une planification écologique qui pourra mettre, si je puis dire, année après année ses objectifs."
La planification écologique, c’est bien évidemment le concept phare de Jean-Luc Mélenchon, celui que le leader de La France insoumise a martelé et popularisé depuis des années. Une manière pour Emmanuel Macron de s’adresser directement à ses électeurs. Mais attention : il a repris le concept, c’est vrai, mais sans l’assortir du moindre engagement précis pour assurer sa mise en œuvre. Pour l’instant, nous restons dans le seul domaine du discours. Ce n'est pas le seul concept qu’Emmanuel Macron a emprunté à Jean-Luc Mélenchon. Le président-candidat a utilisé exactement le même procédé en évoquant une réforme des institutions : "Pouvoir mettre en place une commission transpartisane avec toutes les sensibilités politiques qui puissent ensuite soumettre aux deux assemblées une proposition de réforme de notre constitution pour précisément la rénover et l'améliorer. / Avoir par exemple plus de proportionnelle. Un système de responsabilité politique mieux établi. / Redonner de la force à la souvenraineté populaire. / Si c'était mon programme je l'aurais écrit et je ne l'aurais pas juste dit là. Ce que je vous livre là c'est une réflexion."
Réforme des institutions, scrutin proportionnel, responsabilité des élus, souveraineté populaire : autant de concepts qui, là encore, ne peuvent que parler aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, qui plaidait pour un approfondissement de notre démocratie, via pour la réunion d’une constituante. Mais, à nouveau, nous restons ici dans l’ordre du seul discours. Emmanuel Macron parle d'une commission transpartisane, fait part d’une réflexion, mais ne prend, concrètement, aucun engagement.
Pas de contenu précis
Le discours du chef de l'État sortant n'est jamais beaucoup plus précis. Tout ce qu’il évoque, c’est sa volonté floue de travailler avec "d’autre sensibilités" : "De toute façon pour pouvoir rassembler et avancer, il faudra prendre en compte toutes ces sensibilités, assure Emmanuel Macron. Rassembler des forces politiques qui ne pensent pas totalement comme moi. / Je pense qu'il faut cheminer, cheminer avec des gens qui ont des sensibilités, des convictions différentes. / Je pense qu'il faut inventer quelque chose de nouveau. / Je pense qu'il faut de la clarté."
Contrairement à ce qu’il revendique, nous sommes bien dans l’antithèse de la clarté. Toute cette méthode dont se gargarise Emmanuel Macron n’est, pour lors, constituée que d’une suite de concepts mobilisateurs. Des mots très sympathiques, certes, mais qui n’ont pas le moindre contenu précis. Dans sa volonté de s’ouvrir aux électeurs qui n’ont pas voté pour lui au premier tour, le Président sortant est pour l’instant aussi généreux en mots qu’il reste avare en actes.
Discuter sans volonté de changer
Cette ambiguïté semble cacher pour le moment une volonté de statu quo. Et cela s’est vu en particulier sur la réforme des retraites. Emmanuel Macron a promis des concessions : "D'abord on va concerter. Ensuite, on va aller au vote et ensuite, à partir de 2023, il y aura quatre mois de décalage pour financer le début de ces progrès sociaux. Quatre mois l'année d'après, ce qui veut dire qu'on arrivera autour de 64 ans en 2027,2028. Je dis qu'il faut qu'il y ait une clause de revoyure. C'est ça ouvrir un projet. Est-ce que ça retranche quelque ambition réformatrice dans les cinq ans qui viennent ?"
Pour cette déclaration, il faut brancher le décodeur. Emmanuel Macron dit qu’il va concerter avant d’aller au vote. Formidable ! Mais immédiatement ensuite, il nous annonce quatre mois de report de l’âge légal tous les ans. À quoi bon concerter alors, si le résultat est déjà connu ? Le seul geste, c’est la clause de revoyure après 64 ans. Cela veut simplement dire qu’il y aura une nouvelle concertation avant de passer à 65 ans. Mais quand on voit la manière dont il entend concerter, on a une petite idée du résultat ! La conclusion de son explication est d’ailleurs limpide : il veut bien "ouvrir son projet" mais sans "retrancher quelque ambition réformatrice". On peut discuter… mais ça ne changera rien ! Tout ceci n’a rien d’anodin.
Si Emmanuel Macron désire pouvoir compter sur les voix de gauche face à Marine Le Pen, il n’est pas sûr qu’il puisse, cette fois-ci, se contenter de faire de grandes déclarations. Or, pour l’instant, il n’a pas fait le début du commencement d’une véritable concession.
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