Cet article date de plus de deux ans.

Éloge funèbre d'Emmanuel Macron à Jean-Paul Belmondo : un hommage à l'homme et au symbole

Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.  

Article rédigé par franceinfo - Clément Viktorovitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Emmanuel Macron devant le cercueil de Jean-Paul Belmondo dans la cour des Invalides mercredi 9 septembre.  (IAN LANGSDON / POOL / EPA POOL)

À l'occasion de l'hommage national rendu à Jean-Paul Belmondo, Emmanuel Macron a prononcé un éloge funèbre mercredi 9 septembre dans la cour des Invalides. Le Président de la République est très à l'aise dans ce style de l'éloge funèbre, de l'hommage national, il en a déjà fait un certain nombre.

Une première partie axée sur l'homme

C'est d'ailleurs un style en soi en rhétorique : un discours épidictique, le discours de louanges. Très en vogue à l'époque de la Grèce antique, celle de Démosthène, il est aujourd'hui utilisé à l'occasion des mariages et des oraisons funèbres et c'est un style très codifié. Emmanuel Macron suit d'ailleurs parfaitement ce style dans la première partie très attendue où il faut parler du défunt.

"Un jour prêtre assiégé par les interrogations métaphysiques dans Léon Morin. Un autre, industriel et patron de presse héritier venu d'Amérique. Critique acide de la société de consommation dans 'Le corps de mon ennemi', espion superbe en mission au Mexique sous la légende bancale d'un écrivain perdu, flic, voyou, magnifique, toujours".

On a une énumération très rythmée, très musicale et en même temps une pléiade de références aux films de Jean-Paul Belmondo à qui Emmanuel Macron rend hommage. Et cette petite assonance "flic, voyou, magnifique" est aussi une référence au film Le Magnifique, c'est une partie extrêmement élégante.

Belmondo, incarnation de la France et de son histoire

Le Président de la République parle de Jean-Paul Belmondo, mais ça ne suffit pas. Quand on fait un discours de louanges, il ne faut pas simplement parler de celui qu'on loue, il faut parler de bien davantage. À travers Belmondo, ce dont a parlé Emmanuel Macron, c'est à la fois de l'histoire et de la France.

Les jeunes premiers des années 50 pouvaient laisser place au filmer-vrai de la Nouvelle vague, Belmondo était là. La couleur pouvait définitivement supplanter le noir et blanc, Belmondo était là. Hollywood pouvait briller, ses vedettes conquérir l'Europe, Belmondo était là.

Emmanuel Macron

C'est un enchâssement de figures de style, on a une épiphore, qui consiste à terminer une succession de phrases par le même mot ou le même groupe de mots, en l'occurrence "Belmondo était là". Mais cette épiphore encadre une figure beaucoup plus profonde, une synecdoque, qui consiste à parler d'une partie pour évoquer le tout ou inversement. Emmanuel Macron l'a beaucoup fait dans tout son discours, il a narré la vie de Belmondo pour célébrer à travers elle l'histoire de France et l'histoire du cinéma.

Belmondo, visage des Français

Il a également parlé de chacun d'entre nous, un thème constant dans son discours : "Jean-Paul Belmondo était nos vingt ans, ce jeune homme au nez cassé à qui l'on prédisait un sombre avenir professionnel et affectif, et qui à force de travail acharné, de culot illimité, de charisme enveloppant finit par conquérir la France et séduire les plus belles femmes du monde. Jean-Paul Belmondo était nos trente ans. Ce Don Quichotte des temps modernes capable de repousser les limites de l'ivresse en même temps que celle de la tendresse, tel 'Un singe en hiver'. Jean-Paul Belmondo était nos quarante ans".

Jean-Paul Belmondo n'est plus l'incarnation de la France, il devient le visage de chacun et chacune d'entre nous. On retrouve ici une synecdoque : on évoque un individu grandiose, pour célébrer la multitude.

Une adresse directe au défunt

La conclusion est également très forte, en forme de rupture puisqu'Emmanuel Macron passe à l'interpellation, à l'adresse directe. Il s'adresse directement à Jean-Paul Belmondo comme s'il était là, et cela donne un souffle épique au discours.

Voilà. On referme le discours comme on l'avait commencé : après avoir parlé de la France et de chacun et chacune d'entre nous, Jean-Paul Belmondo redevient l'objet central du discours. Mais cette fois, on ne parle plus DE lui, mais À lui, à Jean-Paul Belmondo. C'est une construction à la fois très classique et très élégante, elle respecte tous les codes du genre épidictique. C'est un beau discours, en hommage à un grand acteur.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.