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"Pendant que j’y étais, j’ai décidé d’enlever votre utérus" : au Québec, un rapport dénonce des stérilisations forcées de femmes autochtones

Pour la première fois au Québec, un rapport de recherche dénonce des cas de stérilisations imposées ou forcées et de nombreuses violences obstétricales chez les femmes autochtones.

Article rédigé par franceinfo - Justine Leblond, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
En juillet 2021, 750 tombes anonymes avaient été découvertes près d'une école catholique pour enfants indigènes dans l'Ouest canadien. Le deuxième cimetière du genre en moins d'un mois. Il faut "écouter et croire la voix des femmes autochtones", quel que soit le sujet, insiste une chercheuse. (ANDREJ IVANOV / AFP)

Dans un rapport publié jeudi 24 novembre au Québec, 35 femmes autochtones témoignent de ce qu’elles ont subi. "J’ai développé une infection de la vessie et le chirurgien est venu me voir environ trois jours après l’opération pour me dire : ‘Et bien, pendant que j’y étais, j’ai décidé d’enlever votre utérus'. C’est la première fois qu’on m’en parlait", raconte l’une d’elles.

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Les récits comme celui-là s’égrènent dans le rapport. Les faits se seraient produits dans plusieurs hôpitaux québécois entre 1980 et 2019. "Dans plusieurs des cas, elles se sont senties forcées, imposé et dans plusieurs des cas, elles étaient en travail, en train d’accoucher ou sur le point d’accoucher ou venaient d’accoucher et là on les poussait, on insistait pour qu’elles acceptent une ligature. Quand on leur disait, parce que pour certaines, ça s’est fait sans qu’on leur dise", explique Suzy Basile est professeure à l’École d’études autochtones de l’une des universités du Québec et co-autrice du rapport.

Un racisme systémique    

Et selon plusieurs témoignages, si certaines femmes ont pu signer un papier avant leur stérilisation par ligature des trompes, le consentement n’était ni libre, ni éclairé. Elles ne savaient pas vraiment ce qu’elles signaient, explique Suzy Basile : "La majorité des femmes autochtones parlent leur langue traditionnelle, leur langue maternelle, donc le français et l’anglais sont une deuxième, voire troisième langue. Dans aucun des cas, les femmes se sont vu proposer une interprète pour s’assurer qu’elles comprennent bien vers quoi on les amenait."

"Dans d’autres cas, on va leur dire : ‘oui, c’est réversible, t’en fais pas. On va juste clipper tes trompes' quand dans les faits, elles ont été coupées et cautérisées."

Suzy Basile, co-autrice du rapport    

à franceinfo

On parle de 35 femmes, mais, en réalité, ce serait bien plus. Avec la pandémie, les chercheuses n’ont pas pu se rendre dans beaucoup de communautés autochtones et les témoignages se faisaient sur la base du volontariat. Elles ont connaissance d’au moins 20 personnes supplémentaires à qui elles n’ont pas pu parler.  Les ministres des Affaires autochtones et de la Santé affirment dans une déclaration écrite que "les faits allégués dans le rapport sont complètement inacceptables", et que des vérifications s’imposent "pour faire toute la lumière sur la situation"

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À la fin du rapport, les autrices ont écrit 31 recommandations : "La première des recommandations et c'est la plus importante, insiste Suzy Basile est d'écouter et croire la voix des femmes autochtones quand elles osent enfin s’exprimer sur des sujets aussi intimes que leur santé reproductive parce que leur parole a été mise à mal pendant trop longtemps. On a souvent mis en doute ce que les femmes autochtones, quel que soit le sujet." Les conclusions du rapport pointent du doigt un racisme systémique au Québec et appellent le gouvernement à le reconnaître.

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