En République serbe de Bosnie, le président accusé de "dérives poutiniennes"
Responsables d'ONG, journalistes ou encore militants des droits humains sont de plus en plus pris pour cible par les dirigeants de Bosnie-Herzégovine, ce petit territoire de 1,3 million d'habitants, et par leurs sympathisants. Plusieurs incidents violents ont été répertoriés ces derniers mois, et notamment en mars dernier à l'occasion d'une conférence organisée par des militants LGBTQ+ à Banja Luka. Ce jour-là, un groupe de hooligans s'en est pris aux organisateurs, et la police, présente au moment de l'attaque, a refusé d'intervenir. Quelques jours avant, Milorad Dodik, le président de la République serbe de Bonie, s'était opposé à l'événement, présenté comme une "atteinte aux valeurs familiales".
Des violences qui surviennent alors que ce même président est accusé de "dérive poutinienne" par certains opposants. Au pouvoir depuis bientôt 20 ans, cet ultranationaliste est un habitué des provocations, et il menace souvent de faire éclater la Bosnie-Herzégovine. Mais ces dernières semaines, il a lancé des projets de lois particulièrement controversés : un premier visant à criminaliser la diffamation, un autre pour qualifier les ONG d'"agents étrangers" et un troisième pour "interdire" aux membres de la communauté LGBT d'"approcher des établissements d'éducation". Le tout, alors que Milorad Dodik est l'un des seuls dirigeants d'Europe à avoir rendu visite à Vladimir Poutine depuis le début de la guerre en Ukraine. Ivana Korajic, directrice de Transparency International en Bosnie-Herzégovine, une ONG qui lutte contre la corruption, s'inquiète de ces "liens de plus en plus étroits" avec le président russe.
"Il est clair qu'il s'inspire de ce modèle pour élaborer un type de régime dictatorial qui lui permette de régner indéfiniment, et de garder le pouvoir le plus longtemps possible."
Ivana Korajic, directrice de Transparency International en Bosnie-Herzégovineà franceinfo
Cette proximité avec Vladimir Poutine inquiète beaucoup en Bosnie-Herzégovine. Dans un contexte d'endettement massif et d'inflation, certains experts estiment que la dérive actuelle vise surtout à cacher les difficultés économiques de la République serbe de Bosnie, et à faire taire les oppositions grandissantes. Mais alors que la guerre a fait son retour en Europe, la journaliste Vajna Stokic s'inquiète du jeu dangereux mené par le dirigeant bosno-serbe : "Je crains qu'en cas de conflit, les gens puissent être manipulés et qu'ils puissent aller jusqu'à se faire tuer en pensant qu'ils luttent pour une grande cause, comme la défense de leur pays. Alors qu'en fait, ils ne se battront que pour les intérêts d'un seul homme."
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En divisant un peu plus la société bosnienne, Milorad Dodik joue, comme ses adversaires ethnonationalistes bosniaques et croates, avec les rancœurs et les plaies mal cicatrisées des trois millions de Bosniens. Terminée il y a 27 ans, la guerre de Bosnie-Herzégovine a fait plus de 100 000 morts et deux millions de déplacés.
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