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En Bosnie-Herzégovine, "c’est la même atmosphère qu’en 1992 quand la guerre a commencé"

Alors que les tensions en Ukraine focalisent l’attention sur la sécurité en Europe, c’est un autre conflit gelé qui semble ressurgir : en Bosnie-Herzégovine.

Article rédigé par franceinfo - Louis Seiller, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une fresque représentant l'ancien chef militaire serbe de Bosnie Ratko Mladic, condamné par la Cour internationale de Justice à la perpétuité pour le génocide de Srebrenica, peinte en décembre 2021 à Belgrade, symbolise le déni des faits par les autorités serbes. (ANDREJ CUKIC / EPA)

Dans ce pays multiconfessionnel qu’est la Bosnie-Herzégovine, les tensions politiques sont à leur comble et les musulmans du pays craignent un retour des violences, notamment à Srebrenica. Pour beaucoup de Bosniaques de la région, les tensions politiques actuelles sont un vrai cauchemar. Il faut se rappeler qu’il y a 30 ans, les musulmans de Bosnie ont été les principales victimes du "nettoyage ethnique" qui était mis en œuvre par les nationalistes serbes. Une politique de terreur qui a culminé avec le génocide de Srebrenica en juillet 1995 quand plus de 8 000 hommes et adolescents musulmans ont été massacrés.  

Malgré ces atrocités, beaucoup de rescapés bosniaques sont revenus dans les années 2000 pour reconstruire leurs maisons. C’est le cas par exemple de Djile. Il avait 21 ans quand il a échappé au génocide. Aujourd’hui, cet ancien réfugié est très inquiet de la montée des propos séparatistes : "On se dit que la situation est tellement mauvaise que ça peut évoluer dans n’importe quel sens, même dans la guerre. Entre nous, on parle de ça, mais les gens publiquement ne veulent pas en parler. Et ça c’est dangereux. C’est la même atmosphère qu’en 1992 quand la guerre a commencé".       

"Il y a un silence qui est là, qui est présent."

Djile, un rescapé du génocide de Srebrenica   

à franceinfo

Si les Bosniaques comme Djile sont inquiets c’est que les nationalistes serbes ont engagé la sécession de la Republika Srpska, l’une des deux entités du pays, et le fragile État bosnien semble aujourd’hui au bord de l’implosion. En décembre dernier le chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik a mis ses menaces à exécution puisque le Parlement des Serbes de Bosnie a voté une série de lois pour retirer rapidement la Republika Srpska de l’État fédéral.

D’ici au mois de juin, les nationalistes serbes veulent recréer leur propre système judiciaire et financier, mais aussi leur propre armée. Cette perspective désole Haris, un jeune Bosniaque marié avec une Serbe. Ils tiennent un café dans le centre de Srebrenica. "On a déjà connu une guerre sanglante, une guerre catastrophique pour tout le monde, et surtout pour les Bosniaques de la Republika Srbska. Aujourd’hui ce n’est pas le moment pour une nouvelle guerre. Il y a sûrement certaines personnes qui aimeraient que ça revienne, mais ce ne sera pas possible."                           

>> La Bosnie-Herzégovine au bord de l’implosion

Cette atmosphère pesante est entretenue par les partis nationalistes qui n’hésitent pas à souffler sur les braises. En fait depuis 30 ans, les trois partis nationalistes qui dirigent la Bosnie n’ont pas cessé d’entretenir les divisions pour se maintenir au pouvoir.

Aujourd’hui chaque communauté entretient sa propre mémoire de la guerre, et côté serbe, les dirigeants comme le maire de Srebrenica n’hésitent pas à glorifier les criminels de guerre et à nier ou à minimiser les massacres commis pendant le conflit. Lors de la fête de l’indépendance de la Republika Srpska, le 9 janvier dernier, plusieurs incidents antimusulmans ont été rapportés par les médias locaux. Et les Nations unies ont récemment mis en garde contre l'augmentation de ces discours haineux en Bosnie, mais aussi en Serbie voisine.

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