En Bosnie, les nationalistes serbes rêvent de sécession : "Ici, nous sommes en Republika Srpska, à 100%"
Le 9 janvier 1992, les nationalistes serbes de Bosnie déclaraient leur indépendance, participant au déclenchement des guerres en ex-Yougoslavie. Trente ans après, les dirigeants de la Republika Srpska semblent décidés à se détacher de la République fédérale de Bosnie-Herzégovine.
Il y a trente ans, la petite ville montagnarde de Pale, 15 000 habitants, devenait mondialement connue en devenant la capitale des Serbes de Bosnie, durant les quatre années du siège de Sarajevo mené par ces mêmes Serbes, une dizaine de kilomètres à l'ouest. Le 9 janvier 1992 est proclamée la République des Serbes de Bosnie, aboutissement d'un engrenage de décisions politiques et du refus de voir naître la Bosnie-Herzégovine indépendante.
La création de cette Republika Srpska précipite le déclenchement de la guerre de Bosnie, qui a pris fin avec les accords de Dayton, en 1995. Ces accords consacrent la division de la Bosnie-Herzégovine en deux entités, la Republika Srpska (serbe) et la fédération de Bosnie-et-Herzégovine (croato-bosniaque).
Malgré la guerre, qui a fait plus de 100 000 morts, Nikola, un retraité de 60 ans, est fier de cet anniversaire. "Ici, nous sommes en Republika Srpska, à 100%. Tous les gens ici sont des Serbes et l'ont toujours été." Cet anniversaire est fêté en grandes pompes, dimanche 9 janvier, à Banja Luka, la capitale de facto de la République serbe de Bosnie, avec un défilé des forces policières. Une démonstration de force des Serbes considérée comme une provocation par les Bosniaques musulmans.
Ceux-ci sont inquiets, depuis que le dirigeant ultranationaliste serbe, Milorad Dodik, a fait adopter une série de lois visant à séparer la Republika Srpska de l'Etat fédéral de Bosnie-Herzégovine. Nikola approuve ces décisions. "Je pense que la sécession est le moyen le plus simple pour résoudre nos problèmes, assure le retraité, mais ça ne se fera pas en faisant la guerre. Ceux qui l'invoquent le font simplement parce qu'ils ne veulent pas résoudre nos problèmes."
La crainte d'un nouveau conflit
Les nationalistes serbes ont annoncé vouloir quitter, d'ici cinq mois, trois institutions centrales à Sarajevo, l'armée, la justice et le fisc. "Je ne pense pas que cette tentative de sécession va apporter quoi que ce soit de positif", estime Milena, éducatrice spécialisée de 38 ans. Elle craint un retour des violences intracommunautaires dans le pays, et ajoute qu'elle a "déjà vécu une guerre, et ne veux pas en connaître une autre."
Pour beaucoup de Bosniens, les tensions actuelles visent avant tout à faire oublier les scandales de corruption et les problèmes économiques que connaît le pays, particulièrement frappé par la pauvreté. "Les gens se demandent déjà chaque mois comment ils vont faire pour survivre avec cette situation économique", décrit Milena.
"Se faire constamment bombarder du mot guerre à la télé, c'est vraiment déprimant."
Milena, bosnienneà franceinfo
Les autorités américaines ont pris mercredi 5 janvier des sanctions financières à l'encontre de Milorad Dodik, soutenu par la Russie, et accusé de "menacer la stabilité" de la région avec son projet séparatiste. Mais pour Hamet, habitant de Gorazde, une ville majoritairement musulmane en Republika Srpska, ces sanctions sont insuffisantes "contre ceux qui veulent détruire la Bosnie-Herzégovine, notamment contre la Serbie et la Croatie. Tout cela ne peut pas continuer sans un risque réel de conflit."
À Sarajevo, certains commentateurs voient déjà 2022 comme une année charnière, sans illusion sur l'influence possible de l'Union européenne, encore plus divisée qu'il y a trente ans face aux nouvelles tensions en Bosnie-Herzégovine.
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