Dans la peau du château de Balmoral, qui a vu s’éteindre le règne d'Elizabeth II
Tous les matins, Marie Dupin se glisse dans la peau d'une personnalité, d'un événement, d'un lieu au cœur de l'actualité.
Si les Britanniques se sont rassemblés massivement devant Buckingham hier, c’est derrière mes épais murs en grès, recouverts de lierre, que s’est éteint la reine Elizabeth II. Je suis le château de Balmoral, immense et majestueux, un écosystème à moi tout seul en Écosse. Mon domaine couvre 200 kilomètres carrés. Tous les étés, la reine venait s’installer ici avec le prince Philip, les enfants, les petits-enfants. Elle abandonnait ses tailleurs colorés pour une parka foncée, un foulard et des bottes en caoutchouc. Tellement méconnaissable que l’été dernier, deux touristes américains, ne l’ayant pas reconnu, lui avaient demandé si elle avait déjà croisé… la reine !
J’aurais tellement des souvenirs à vous raconter : les piques-niques, les parties de chasse, les balades à cheval… Ici, la reine échappait aux photographes et à ses obligations. Pas étonnant que l'on dise de moi que j’étais son château préféré. Peut-être aussi parce que, contrairement à Buckingham qui appartient à la nation britannique, j’étais sa propriété privée, héritée de son père adoré. Chez moi, elle était vraiment chez elle.
Témoin des drames royaux
Mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Ça n’avait pas collé avec Margaret Thatcher. J’étais, parait-il, son "purgatoire". Depuis, j’en ai vu passer des Premiers ministres, jusqu’à la dernière en date venue pour la première fois il y a trois jours. Je suis aussi connu pour avoir abrité la lune de miel de Charles et Diana, Diana qui avait dit de moi que j’étais l’un des meilleurs endroits au monde. En réalité, elle ne m’appréciait pas vraiment. Trop isolé, trop pluvieux, trop de mauvais souvenirs... C’est d'ailleurs ici que ses fils William et Harry avaient appris son décès dans un accident de la circulation à Paris. Vous voyez, ce n’est pas la première fois que je suis témoin d’un drame royal.
Hier, il n’était plus question de château ni de famille royale mais d’une famille, d’enfants, de petits-enfants, alertés par des médecins à propos d’un état de santé "préoccupant". Des médecins préoccupés, on sait ce que ça veut dire… Charles, Anne, Andrew, Edward, William, Harry… Ils sont tous arrivés ici, les uns avec ou après les autres. Et, comme toujours dans ces moment-là, il a fallu oublier, l’espace d’une journée, les bagarres, les accusations et les coups bas pour dire au revoir à une mère, une grand-mère, déterminée jusqu’au bout et partie dans son château préféré.
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