Jusqu’où va la liberté d’expression en entreprise ?
Un(e) salarié(e) peut-il (elle) s'exprimer en totale liberté au sein de son entreprise sans encourir de poursuites ? Voici une affaire qui rappelle les règles principales. Les détails avec Sarah Lemoine.
franceinfo : Un salarié peut-il exprimer franchement son opinion sur des sujets professionnels ?
Sarah Lemoine : Oui, à condition de ne pas être injurieux, diffamatoire ou excessif. C’est ce qu’a rappelé récemment la Cour de cassation, en s’appuyant sur une affaire précise. Elle concerne Mme Y, salariée dans une entreprise industrielle. Un jour, son employeur la licencie pour cause réelle et sérieuse, estimant qu’elle a abusé de sa liberté d’expression.
Quelle faute était reprochée à cette personne ?
Le litige concernait le report de congés payés. Mme Y est en désaccord avec la convention d’entreprise sur le sujet. Elle l’exprime avec insistance dans des e-mails et des courriers envoyés à sa direction. Elle réclame de pouvoir prendre un reliquat de congés après la date limite. Elle pose des ultimatums. Elle prend à partie le président en lui posant des questions sur sa vie privée. S’il lui refuse sa demande, "c’est certainement parce que sa femme ne travaille pas" écrit-elle. Pour l’entreprise, Mme Y dépasse les bornes. Elle est licenciée.
La salariée porte donc l’affaire en justice ?
Elle va en effet aux prud'hommes, mais n'obtient pas gain de cause. Elle saisit la cour d'appel : cette dernière juge le licenciement justifié, au motif que Mme Y a abusé de sa liberté d'expression. Mais cela signifie quoi "abuser de sa liberté d'expression" en entreprise ? À quel moment un salarié outrepasse-t-il ses droits ? La jurisprudence définit trois bornes à ne pas dépasser. Ce sont les propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
L’affaire arrive jusqu'en cassation. Quel arrêt est, cette fois-ci, rendu ?
La cour de cassation annule l’arrêt de la cour d’appel. Non pas sur le fond, car ce n'est pas son rôle, mais sur sa légalité parce que la cour d'appel n'a pas motivé sa décision. Elle n'a pas caractérisé en quoi les propos étaient injurieux, diffamatoires ou excessifs. Ce n'est pas conforme au droit. Résultat, l'affaire va devoir être rejugée, sur le fond, devant une nouvelle cour d'appel.
La cour de cassation ne fait que rappeler la jurisprudence. Un salarié qui exprime son opinion sans détour à son employeur n’est pas fautif. Tant qu’il s’agit de sujets professionnels et qu’il ne dépasse pas certaines limites.
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