En cas de contentieux, les preuves illicites ou déloyales ne sont plus systématiquement écartées par les conseils des prud’hommes

Est-il possible d’enregistrer clandestinement son salarié ou son employeur, et de produire cette preuve illicite et déloyale lors d’un procès aux prud’hommes ?
Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Face à une preuve déloyale, le juge doit déterminer si elle est indispensable, c’est-à-dire s’il n’existe pas d’autres moyens pour prouver les faits dénoncés. (Illustration) (ROBERT MICHAEL / ZB / DPA PICTURE ALLIANCE VIA MAXPPP)

En cas de contentieux entre un salarié et son employeur, il est désormais possible de produire des preuves illicites ou déloyales. Les conseils des prud'hommes ne les écartent plus systématiquement. Les précisions de Sarah Lemoine. 

franceinfo : La jurisprudence a récemment changé en la matière ?

Sarah Lemoine : Auparavant, quand un salarié et un employeur s’affrontaient aux prud’hommes, pour un licenciement ou pour des faits de harcèlement, par exemple, le juge écartait systématiquement les preuves obtenues par des moyens illicites et déloyaux. Typiquement, une discussion enregistrée en catimini sur un smartphone.

Mais depuis le 22 décembre 2023, la donne a changé. Désormais, la Cour de cassation admet que la preuve déloyale ou illicite, qui était déjà recevable au pénal, peut l’être aussi au civil, donc aux Prud’hommes, mais sous strictes conditions.  

Quels sont les garde-fous ?

Face à une preuve déloyale, le juge doit déterminer si elle est indispensable, c’est-à-dire s’il n’existe pas d’autres moyens pour prouver les faits dénoncés. Un document écrit, par exemple, ou un témoin direct. Si c’est le cas, elle ne sera pas retenue.

Le juge doit aussi apprécier que l’atteinte portée à la personne mise en cause – notamment sa vie privée – est proportionnée par rapport au but poursuivi, résume Me François Hubert, au cabinet Voltaire Avocats.

Est-ce que cela vaut aussi pour la vidéosurveillance illicite ?

Le 14 février dernier, la Cour de cassation a continué dans cette même logique. L’affaire concernait une salariée de pharmacie, licenciée après avoir été filmée en délit de vol par la vidéosurveillance de l’entreprise.

La salariée contestait son licenciement, au motif que l’employeur n’avait pas informé les salariés ou les représentants du personnel qu’ils étaient filmés, ce qui est illicite. "La Cour de cassation a validé cette preuve, en considérant, notamment, que l’employeur n’avait pas d’autre moyen de prouver que la salariée avait volé".

Avec cette nouvelle jurisprudence, est-ce qu’on n’entre pas dans une ère de suspicion généralisée ?  

"Cela va compliquer les échanges entre salariés et employeurs, créer du trouble dans les relations de travail", estime l’avocate Diane Buisson, associée au cabinet Redlink. D’autant qu’il n’existe pas vraiment de solutions juridiques pour se prémunir d’un enregistrement clandestin.

Installer un brouilleur d’ondes, c’est passible de 6 mois de prison, rappelle son collègue François Hubert. Qui se demande aussi si d’autres preuves déloyales vont être admises à l’avenir, devant les prud’hommes. La filature, par exemple, pour vérifier si un salarié en arrêt maladie travaille chez un autre employeur.  

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