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Devoir de réserve et liberté d'expression : les salariés du privé et les fonctionnaires ne sont pas logés à la même enseigne

L'ambassadrice des pôles Ségolène Royal est dans le collimateur du gouvernement. On lui reproche de trop critiquer la politique menée, de sortir de son devoir de réserve. Il est vrai qu'en politique comme en entreprise, on n'a pas le droit de tout dire.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Ségolène Royal, ambassadrice des pôles entourée d'une nuée de journalistes. (MAXPPP)

Ségolène Royal sera bientôt démise de ses fonctions d'ambassadrice des pôles pour ne pas avoir respecté son devoir de réserve en mettant en cause la politique du gouvernement. Quand on est salarié, du public ou du privé, quelles sont les limites à la critique ? Les limites sont floues et elles imposent la prudence.

Parlons du secteur privé tout d'abord. Comme souvent en droit, il y a un principe et des limites à ce principe. La règle, c'est la liberté d'opinion et surtout la liberté d'expression. Les opinions que les salariés émettent dans l'exercice de leur liberté d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. C'est le droit du travail. Mais il y a une limite : la critique est acceptable tant qu’elle n’est pas abusive, excessive. On parle d’abus en cas d'injure ou de diffamation par exemple. Attention, les limites de ces abus ne seront pas les mêmes selon que l’on se trouve sur un chantier ou dans les bureaux feutrés d'une banque. Mais si les limites sont dépassées, alors il pourra y avoir licenciement. Évidemment, depuis quelques années, avec l'avènement des réseaux sociaux, tout a changé. Et la jurisprudence, les décisions des juges, tente de suivre les évolutions de la société.

Sur les réseaux sociaux, on dit tout et n'importe quoi

Cela dépend du caractère public de ce qui est dit. La Cour de cassation a par exemple dit que ce n'est pas parce qu'une salariée avait traité sa directrice de "chieuse" que son licenciement était justifié. Pourquoi ? Parce que le propos avait été tenu sur un groupe fermé de 14 personnes sur Facebook. En revanche si les injures sont publiques, que les amis de vos amis peuvent y avoir accès, alors là oui, la sanction sera justifiée. A fortiori si vous vous répandez dans les médias.

Pour les fonctionnaires, le devoir de réserve est une notion floue. Etablie par le Conseil d'Etat, mais surtout construite peu à peu par les tribunaux. Les fonctionnaires sont tenus à une obligation de neutralité. Ils doivent faire preuve de retenue dans l'expression de leurs opinions, notamment politiques, sous peine de sanctions disciplinaires. Emmanuel Aubin, professeur de droit à l'université de Poitiers, note dans Le Monde que depuis quelques années, il y a de plus en plus de contentieux. Les fonctionnaires contestent les sanctions qui leur sont appliquées. Ils n'ont pas conscience de leur devoir de réserve, notamment sur les réseaux sociaux. Et les sanctions, selon ce juriste, sont de plus en plus sévères. Plus l'agent public sera situé haut dans la hiérarchie, plus il devra être discret. Dans l'affaire Ségolène Royal, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a jugé qu'elle n'avait pas honoré ce devoir de réserve en estimant notamment qu'Emmanuel Macron était responsable de la crise actuelle et en dénonçant la brutalité de la réforme des retraites.

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