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C'est dans ma tête. Policiers agressés

Les agressions répétées de policiers suscitent l'émotion. Des manifestations ont eu lieu cette semaine à l'appel des syndicats de police. La psychanalyste Claude Halmos analyse les causes de cette violence. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des policiers et proches de policiers manifestent au Trocadéro à Paris, le 2 janvier 2018, après l'agression de deux agents à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) le 31 décembre. (JULIEN MATTIA / AFP)

Les agressions de policiers se multiplient et suscitent beaucoup d’émotion. Des syndicats de police ont d’ailleurs appelé, en début de semaine, à des manifestations.

Comment peut-on expliquer ce type de violences ? À quoi seraient-elles dues ?  

Elles sont certainement dues à plusieurs facteurs. Il faut se souvenir d’abord que la violence agie est, le plus souvent, la conséquence de violences subies : être violenté, cela rend violent. Et on peut être violenté par des personnes mais on peut l’être aussi par la société elle-même.

Or les agresseurs de policiers sont souvent issus de milieux qui subissent, depuis plusieurs générations, des violences sociales : une situation économique très difficile et sans perspective d’avenir, par exemple, ou l’absence de mixité sociale dans les quartiers, que ceux qui y habitent ressentent comme un rejet, une exclusion. Tout cela atteint profondément dès leur enfance les individus, sur le plan psychologique, et on ne le sait pas assez.    

Et cela pourrait expliquer cette violence contre les forces de l’ordre ?  

C’est un facteur important. Parce que ces conditions de vie, qu’ils ressentent comme  injustes, conduisent ceux qui les subissent à considérer toutes les institutions sociales et ceux qui en relèvent, comme des ennemis (même les pompiers sont attaqués..). Mais ce n’est pas le seul facteur. Ces agressions témoignent aussi de carences éducatives majeures.

Ces agresseurs fonctionnent dans la sauvagerie (et ils doivent être très fermement sanctionnés pour cela). Ils ont envie de frapper, ils frappent, avec la jouissance que cela implique. Une jouissance qui est amplifiée par le fait qu’ils peuvent filmer ces agressions et s’en glorifier. Mais il y a aussi des causes que l’on peut dire culturelles.    

Que voulez-vous dire par "causes culturelles" ? 

L’école n’a manifestement pas donné à ces agresseurs un accès à la culture, qui aurait pu les ouvrir à des valeurs que leurs familles ne leur avaient pas enseignées. Et l’école aurait d’ailleurs pu leur donner aussi une capacité à penser leurs difficultés sociales, et à ne plus y répondre sur le mode primaire du "œil pour œil", "dent pour dent" ("Les institutions nous violentent, on violente les représentants des institutions"). Mais en élaborant des actions, non plus individuelles et violentes, mais collectives et sans violence.    

Vous pensez que ces agressions ne sont pas des actes collectifs ?  

Elles sont faites à plusieurs, mais elles ne sont pas véritablement collectives. Parce qu’elles ne sont qu’une sorte d’addition de jouissances individuelles, sans aucun principe fédérateur. Et elles sont d’autant plus graves qu’elles témoignent d’une incompréhension du système symbolique indispensable au fonctionnement de toute société. Ces agresseurs ne contestent pas, par exemple, l’institution police et son fonctionnement, ce qui, dans une démocratie, est possible. Ils s’attaquent à des individus policiers. Comme si la société n’était pour eux qu’un conglomérat d’individus dont les plus forts gagnent. C’est-à-dire une sorte de jungle sans loi. C’est, du point de vue du fonctionnement social, un recul très important et très inquiétant.    

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