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C'est dans ma tête. L'ère du complot ?

Masques, vaccins, Covid-19, autant de sujets qui alimentent les théories dites "complotistes". Le film documentaire "Hold-Up" qui entend dénoncer la face cachée du coronavirus, a été vu et partagé plus de trois millions de fois. Comment expliquer le succès de ces thèses "complotistes" ? Décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos. 

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une manifestante et sa pancarte lors de la marche des libertés, à Paris, le 28 novembre 2020. (MARTIN NODA / HANS LUCAS VIA AFP)

Beaucoup de gens attendent l’arrivée, maintenant imminente, des vaccins, mais ils suscitent déjà beaucoup d’oppositions chez les anti-vaccins. D’autres courants, par ailleurs, s’opposent aux masques, et l’ensemble se retrouve dans le documentaire Hold-Up, dont on sait l’audience qu’il a rencontrée.

franceinfo :  Peut-on revenir sur ces mécanismes psychologiques qui peuvent expliquer l’adhésion à ces théories "complotistes" ? 

Claude Halmos : Le documentaire Hold-Up est représentatif de ces théories : il explique que le Covid-19 n’est qu’une petite grippe, et que sa gravité a été inventée par des élites corrompues, pour manipuler les citoyens. Il dit donc à des gens confrontés à un virus qui les effraie, ce dont ils rêveraient : que ce virus ne soit pas grave ; et il annule la dimension d’inconnu, elle aussi angoissante, liée à son origine, en le prétendant fabriqué.

Ce documentaire leur donne, en posant la science comme une supercherie, l’illusion confortable que l’on pourrait, sans avoir eu besoin d’apprendre, en savoir plus que les scientifiques. Et bien sûr, il dénonce – c’est classique – des manipulations, pour mieux cacher celle dont lui-même participe.

Vous pouvez nous expliquer cela ?

Les "complotistes" procèdent comme tous les manipulateurs pervers. Ils s’appuient sur la détresse de leurs victimes. En l’occurrence, là, des gens malmenés par la société, et dont on continue à méconnaître les souffrances psychologiques, alors qu’ils auraient un besoin vital qu’on les reconnaisse (les "Gilets jaunes" l’ont montré). Ils les isolent, en se prétendant les seuls à comprendre leurs souffrances, et en leur en désignant des responsables, supposés, eux, les mépriser.

Et ils utilisent évidemment, pour se rendre crédibles, les manquements des politiques, dont leurs victimes attendraient de l’aide (les scandales des masques, de certains médicaments, etc..), et surtout leurs mensonges. Ils suscitent donc, chez leurs victimes, une envie de se battre, mais en même temps, ils la dévoient. Et c’est très dangereux.

Pourquoi est-ce très dangereux ?

Se battre, collectivement, contre le système responsable de leurs difficultés, est une démarche positive pour les individus (parce qu’elle les aide à sortir de l’isolement, et de la dépression, liée au sentiment d’impuissance). Et positive aussi, pour la société parce qu’elle permet que les combats restent dans le cadre de la démocratie.

Mais en croire responsables, des individualités, ou des groupes occultes, supposés tout-puissants, conduit à une haine, qui ne permet pas aux individus d’avancer, parce qu’elle les ronge. Et qui est dangereuse pour la société parce qu’elle est génératrice d’extrémismes, et de passages à l’acte.

La lutte contre les "complotistes" passe donc par l’éducation, mais elle nécessite aussi de leur retirer leurs points d‘appui : les mensonges des politiques, et leur méconnaissance de la détresse psychologique, de plus en plus grande aujourd’hui, des victimes de la crise.

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