Témoigner, mais à quel prix ?

Écrite et dessinée d'après le témoignage du photoreporter kurde irakien Ali Arkady, "L'homme qui en a trop vu", la bande dessinée de Simon Rochepeau et Isaac Wens, parle de reportage en zone de guerre, de courage et de peur, d'éthique, de complicité avec les bourreaux et de l'impérieuse nécessité de témoigner pour rendre aux victimes leur dignité.
Article rédigé par Jean-Christophe Ogier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Une BD sur un photoreporter, Kurde d’Irak, réfugié en France. (ISAAC WENS, FUTUROPOLIS)

Ali Arkady est irakien. Kurde d’Irak, plus précisément. Et photoreporter. En 2017, il reçoit le prestigieux prix Bayeux des correspondants de guerre. Présent dans la salle, le scénariste de bande dessinée Simon Rochepeau s’étonne de l’accueil, pour le moins réservé, que lui accordent ses confrères.

Quelques secondes pour choisir, deux mois pour témoigner 

Intrigué autant qu’époustouflé par la force des photographies terrifiantes exposées à cette occasion, et qui ne cache rien du traitement violent et dégradant, imposé à des suspects et prisonniers, Rochepeau se rapproche du photographe. Il veut connaître et comprendre le parcours de cet homme timide, "à l’allure fragile et vulnérable", dit-il, au regard doux, sombre et déterminé.

L’Homme qui en a trop vu raconte les deux mois pendant lesquels la vie d’Ali Arkady a basculé, lorsqu’en octobre et novembre 2016, il a accompagné les forces irakiennes qui libèrent les zones contrôlées par l’Etat islamique. Il travaille en toute confiance avec ces hommes, jusqu’au jour où il se rend compte qu’eux aussi commettent des exactions – violentes – torturent et tuent.

Menacé de mort à son tour, et autant pour sauver sa peau que pour continuer à témoigner, Arkady se rend complice des horreurs qu’il photographie et filme. 

"Il veut rendre leur dignité aux victimes. Mais pour cela, il joue pendant quelques semaines une forme de double-jeu. Complice des bourreaux, il franchit la ligne rouge de la déontologie et c’est cela qui lui sera reproché après."

Le scénariste Simon Rochepeau,

à franceinfo

Dans leur bande dessinée, dans laquelle le photoreporter affirme s’être retrouvé, Simon Rochepeau et le dessinateur Isaac Wens ont choisi de ne pas montrer les photos d’Ali Arkady. Pour autant, malgré la distance du dessin, rien ne nous est épargné de l’horreur et de la tension permanente d’un monde en folie. Victimes et bourreaux sont désignés par leurs prénoms et noms ; ils existent. Les dialogues sont parfois insoutenables ; les couleurs, glacées ; le récit, impressionnant.

L’Homme qui en a trop vu, aux éditions Futuropolis.

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