Ce qu'il faut retenir de l'interview de Nicolas Sarkozy sur France 2
L'ancien président était l'invité du journal de France 2 pour détailler les raisons de son retour en politique.
Grand oral pour Nicolas Sarkozy. Après sa déclaration de candidature à la présidence de l'UMP dans un message Facebook, l'ancien président a assuré le service après-vente de cette annonce sur le plateau de France 2, dimanche 21 septembre. Francetv info résume ce qu'il faut retenir de cette interview.
Sa stratégie : dresser un tableau apocalyptique du pays
Tout au long de l'interview, Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse de dépeindre une France "en colère", "sans espoir", souffrant d'une "absence de perspective". "Chômage", "violence", "défiance", il a cherché à justifier la nécessité de son retour par la gravité de la situation. D'autant que cette déperdition, Nicolas Sarkozy en attribue la responsabilité au pouvoir socialiste en place : "Depuis que [François Hollande] est au pouvoir, il y a un demi-million de chômeurs en plus. C'est lui le président, ce n'est plus moi."
Cette stratégie du tableau apocalyptique n'a qu'un objectif : lui permettre d'apparaître comme le seul recours possible aux problèmes de la France. Tout en affirmant ne pas croire en "l'homme providentiel", il fait tout pour apparaître comme tel. Il se présente ainsi comme le seul à pouvoir faire barrage au Front national : "Je ne veux pas que mon pays soit condamné à n'avoir comme choix que le spectacle un peu humiliant d'aujourd'hui, et l'isolement qu'est la perspective du FN."
Se poser en recours, mais sur quelle ligne politique ? S'il n'a pas encore détaillé son programme, Nicolas Sarkozy a esquissé un début de vision. Tout en refusant l'expression "thérapie de choc" employée par François Fillon, l'ancien président a exprimé le besoin de réformes du pays : "Notre modèle doit être complètement refondé." Sans grande originalité, il a évoqué une baisse des cotisations pour les entreprises financée par des économies sur le budget de l'Etat et s'est ému de voir des jeunes Français partir à l'étranger.
Sa méthode : créer les conditions du rassemblement
A plusieurs reprises, l'ancien président a affirmé sa volonté de rassembler autant sa famille politique que les Français. Après deux ans de guerres intestines au sein de l'UMP, il a voulu envoyer un message clair à son camp : "Je dois travailler et parler avec tous les membres de ma famille politique. (…) J'aurai besoin de tout le monde." Soutien à Jean-François Copé, "admiration" pour son "ami" Alain Juppé, souvenir de sa supposée bonne entente avec François Fillon, il a cherché à se mettre les ténors de l'UMP dans la poche. Pour rallier les siens autour de son nom, il propose de créer un nouveau parti avec un nouveau projet et un nouveau mode de fonctionnement. Tout est nouveau donc, sauf le chef.
Nicolas Sarkozy joue également la carte du rassemblement au-delà de son parti. Souhaitant se placer au-dessus des divisions partisanes, il affirme ne pas se situer "sur un axe gauche-droite". Une posture qui lui permet de parler à tous les Français, les déçus du hollandisme à qui il tend la main, mais aussi les électeurs de Marine Le Pen : "J'ai envie d'aller les reconquérir. (…) Je veux aller les chercher un par un." Sans stigmatiser les Français dont le choix se porte sur la flamme frontiste, il cherche à montrer son empathie : "Je crois qu'ils ont peur, qu'ils souffrent, que nous les avons déçus."
Son style : du pur Sarkozy
Essayant de prouver qu'il avait changé, Nicolas Sarkozy a commencé son face-à-face avec Laurent Delahousse avec un calme et une sérénité digne d'un moine bouddhiste. Il a effectué un début d'autocritique sur son bilan à l'Elysée, évoquant notamment sa "tentation de tout vouloir faire" seul, sa "difficulté à déléguer". Il a justifié ses erreurs en lâchant : "Je suis un être humain." Loin de l'image du "casse-toi pov' con", il s'est défini comme "courtois", "bien élevé", et a affirmé sa volonté "d'apaiser la France".
Mais dans la deuxième partie de l'interview, l'ex-chef de l'Etat a laissé le naturel refaire surface. Il s'est montré offensif envers Laurent Delahousse, quand celui-ci insistait trop sur les échecs de son bilan : "Il y a eu la crise de 2008. Vous êtes peut-être tellement drogué à l'actualité quotidienne que vous avez tout oublié." Il s'est énervé sur le rejet de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel, s'est exaspéré de l'acharnement judiciaire dont il serait selon lui victime et s'est emporté sur la polémique du "mur des cons" du Syndicat de la magistrature. Bref, les téléspectateurs ont retrouvé un Nicolas Sarkozy nerveux et combatif. Une phrase dans l'interview symbolise ce changement de ton : "Est-ce que vous me prêtez deux neurones d'intelligence ?"
Sa botte secrète : l'art de l'esquive
Sur plusieurs dossiers, Nicolas Sarkozy n'a pas répondu franchement aux questions. Sur les affaires, sans répondre aux différentes accusations de la justice, il a estimé que son retour prouvait en soi qu'il n'avait rien à se reprocher : "Est-ce que vous croyez que si j'avais quelque chose à me reprocher, je viendrais m'exposer dans un retour à la politique ? (...) Si j'avais peur, est-ce que je reviendrais ? Je n'ai pas peur." Préférant la position de la victime, il a d'ailleurs immédiatement contre-attaqué en amenant l'idée de la manipulation politique : "Qui me rendra mon honneur ? Est-ce que vous ne croyez pas que tout ceci ne sert pas certains desseins ?"
Si certains militants UMP désiraient connaître la position de Nicolas Sarkozy au sujet de la loi sur le mariage pour tous, ils risquent d'être déçus. L'ancien président a d'abord considéré que ce n'était pas "le problème essentiel" des Français, avant de se contenter de fustiger la méthode de François Hollande sur ce dossier. Il a ensuite assuré qu'il étudierait les choses sérieusement, avant de glisser, sans plus de précisions : "Croyez-moi, le manque de courage, c'est pas là où j'ai le plus changé."
Enfin, sur la question de la nécessité de garantir une primaire ouverte à droite, comme le réclament ses concurrents dans son parti, il n'a pas non plus répondu de manière claire. Il s'est contenté d'affirmer qu'il n'avait pas besoin de "rassurer Alain Juppé" sur ce point. Il a terminé la séquence en posant un acte discret de candidature, dans un sourire : "C'est une richesse d'avoir Alain Juppé, François Fillon, beaucoup d'autres. Et peut-être même Nicolas Sarkozy."
Son punching-ball : François Hollande
S'il assure ne pas vouloir "polémiquer avec Monsieur Hollande", Nicolas Sarkozy a traité son rival lors de l'élection présidentielle de 2012 avec beaucoup de mépris. "Je ne pense rien du tout de lui", a-t-il lâché, considérant ainsi l'actuel pensionnaire de l'Elysée comme quantité négligeable.
L'ancien président a affirmé ne pas vouloir utiliser le temps de son interview "pour critiquer [son] successeur". Il a pourtant quand même pris quelques minutes pour asséner des coups à son adversaire socialiste : "Que reste-t-il de la longue série d'anaphores, vous savez, 'Moi Président' ? Une longue litanie de mensonges."
Il a également attaqué le chef de l'Etat sur sa politique économique et sur sa stature internationale. Il a accusé François Hollande d'avoir des positions floues ("Je ne sais toujours pas ce qu'est notre politique européenne"), avant de le taxer d'inaction dans sa gestion du dossier ukrainien : "François Hollande aurait pu prendre son téléphone et dire à Poutine qu'il n'était pas d'accord avec lui." Nicolas Sarkozy est revenu. Et il veut sa revanche.
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