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Fonds Marianne : pourquoi Marlène Schiappa, auditionnée ce matin par le Sénat, est-elle mise en cause dans cette affaire ?

La secrétaire d'Etat chargée de l'Economie sociale et solidaire doit répondre aux questions des sénateurs, qui cherchent à faire la lumière sur les dérives d'un dispositif lancé quelques mois après l'assassinat de Samuel Paty.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec, franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 4 min
Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Économie sociale et solidaire, à la sortie de l'Elysée, à Paris, le 4 juillet 2022. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Elle est sommée de s'expliquer. Marlène Schiappa est auditionnée par la commission d'enquête sénatoriale sur le fonds Marianne, lancé en avril 2021 après l'assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Dès 10 heures, mercredi 14 juin, la secrétaire d'Etat, qui est à l'initiative de cette structure destinée à lutter contre le séparatisme, répondra aux questions des sénateurs sur son rôle dans l'attribution des subventions. Si le fonds Marianne a été créé pour financer des associations promouvant les valeurs de la République, plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé des éléments troublants concernant l'utilisation des 2,5 millions d'euros dont il était doté.

A la suite de ces révélations, le Parquet national financier a ouvert une enquête pour "détournement de fonds publics, détournement de fonds publics par négligence, abus de confiance et prise illégale d'intérêts", dans laquelle Marlène Schiappa n'est pas visée à ce jour. L'enquête judiciaire vient toutefois percuter le calendrier de la commission sénatoriale : plusieurs perquisitions se sont déroulées mardi, empêchant notamment l'audition de Mohamed Sifaoui, qui dirige l'association ayant reçu le plus de subventions.

Marlène Schiappa est-elle personnellement intervenue dans l'attribution de subventions ? Quelle était sa responsabilité dans le pilotage discuté du fonds Marianne ? Franceinfo revient sur les raisons pour lesquelles la secrétaire d'Etat, qui nie toute implication, est pointée du doigt dans cette affaire.

Parce qu'elle aurait précipité la création du fonds Marianne

Il est d'abord reproché à celle qui était alors secrétaire d'Etat à la Citoyenneté d'avoir précipité la création de ce fonds Marianne, dans le sillage du choc provoqué par la décapitation de Samuel Paty, à l'automne 2020. Mi-mai, Christian Gravel a été interrogé par la commission d'enquête en tant que préfet responsable du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Le haut fonctionnaire, dont la structure devait gérer le nouveau fonds Marianne, a déclaré que la création du fonds répondait à une "commande politique, issue de la ministre concernée" et que le calendrier de mise en place de cette structure avait été fortement accéléré.

Parce qu'elle aurait refusé d'accorder une subvention à SOS Racisme

Marlène Schiappa est surtout accusée d'avoir refusé une subvention à SOS Racisme en 2021. Sébastien Jallet, ancien directeur de cabinet de la ministre, a reconnu le 7 juin devant la commission d'enquête sénatoriale qu'elle était directement intervenue dans le processus de sélection du fonds Marianne.

Elle aurait ainsi dit non à une association concernant une aide de 100 000 euros, "en raison d'un historique de relations assez ancien", selon Sébastien Jallet. De son côté, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, a confirmé à Mediapart que l'organisme avait "quelques contentieux" avec Marlène Schiappa, "liés à sa façon de procéder et d'utiliser la question de la lutte contre les discriminations de façon totalement légère pour sa communication personnelle"

Cependant, "l'ensemble des témoignages recueillis indique que la ministre déléguée s'est effacée du processus une fois passé le lancement officiel", du fonds Marianne, selon un récent rapport de l'Inspection générale de l'administration. Le même document précise en revanche que le comité de sélection des bénéficiaires du fonds, dont la composition exacte reste floue, comprenait au moins deux conseillers de Marlène Schiappa et Sébastien Jallet.

Parce qu'elle aurait favorisé l'association de Mohamed Sifaoui

A l'inverse, il est reproché à la secrétaire d'Etat d'avoir favorisé l'octroi d'une subvention de 355 000 euros à l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM) codirigée par Mohamed Sifaoui, en raison de sa proximité avec l'ancien journaliste. Ce dernier a souligné en avril, sur Twitter, qu'il avait été encouragé à postuler au fonds Marianne "par les membres du cabinet de Marlène Schiappa et par elle-même". Il affirme aussi avoir été reçu plusieurs fois au cabinet de la ministre, au cours du premier semestre 2021. 

Lors de son audition, Christian Gravel a par ailleurs raconté avoir "appris que l'USEPPM pourrait bénéficier du fonds Marianne lors d'un appel téléphonique de Mohamed Sifaoui : il me dit sortir d'un rendez-vous avec la ministre", en mars 2021, avant même le lancement officiel du fonds. Cela accréditerait la thèse d'une proximité de fait entre la membre du gouvernement et l'ancien journaliste.

Critiquée, Marlène Schiappa a récusé tout favoritisme. "Je n'ai pas choisi les associations, a-t-elle balayé le 27 avril sur Public Sénat. Et je veux aussi démentir ce qui a été dit, notamment par certains responsables LFI, qui ont dit que j'avais donné de l'argent à mes amis, qu'il y avait du copinage ou du favoritisme."

Fragilisée, la secrétaire d'Etat peut toujours compter sur le soutien d'Elisabeth Borne. Sur France 3, dimanche, la Première ministre a estimé qu'il n'était "pas nécessaire" de se séparer de la médiatique membre de son gouvernement.

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