Elections sénatoriales : "trop vieux", "trop payés", "cumulards"… On a passé au crible six clichés sur les sénateurs
"Le Sénat n'est qu'une maison de retraite pour privilégiés de la politique !" Caricatural, Noël Mamère ? L'ancien député écologiste livrait le fond de sa pensée dès 1999, dans son livre Ma République. Un constat partagé par certains Français, si l'on en croit les sondages. Selon l'Ifop en 2015, 57% des personnes interrogées souhaitaient que le Sénat soit réformé en profondeur et 21% voulaient sa suppression.
En 1998 déjà, alors que Lionel Jospin devait composer avec un Sénat de droite, le Premier ministre de cohabitation qualifiait la chambre haute d'"anomalie parmi les démocraties". Pas assez moderne, pas assez représentatif de la population, pas assez paritaire ou trop coûteux, selon les Français… Les reproches fusent. A la veille des élections sénatoriales, dimanche 24 septembre, qui vont renouveler 170 sièges sur 348, franceinfo s'est penché sur les idées reçues les plus fréquentes à l'égard des sénateurs.
1"Les sénateurs sont vieux" : vrai
Avec une moyenne d'âge de 60 ans au moment du scrutin en 2020, les sénateurs sont les élus les plus âgés de la Ve République. Trois ans après les dernières élections sénatoriales qui avaient remis en jeu 178 sièges, la moyenne d'âge s'élève aujourd'hui à 63 ans. Bien loin des 48,5 ans des 577 députés élus lors des législatives de 2022. Dans le détail, 149 des 348 sénateurs actuels ont entre 60 et 69 ans. Ils sont 84 à avoir entre 70 et 79 ans, selon les calculs réalisés par franceinfo. Le doyen du Sénat est Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur du Pas-de-Calais. Il a 84 ans.
Cette moyenne d'âge avancée s'explique d'abord par le mode de scrutin. Les sénateurs sont élus par un collège d'élus de leur circonscription. Un ancrage local durable est donc nécessaire pour convaincre ces grands électeurs. Selon le politologue Olivier Rouquan, dans 20 Minutes, "il faut souvent avoir fait ses preuves en tant qu'élu, avoir une légitimité de notable".
Par ailleurs, à la création de la Chambre haute en 1795, il fallait avoir au moins 40 ans pour y être admis, d'où son nom d'alors, le Conseil des Anciens, rappelle le site du Sénat. Depuis, des efforts ont été déployés pour attirer du sang neuf. En 2011, l'âge minimal pour se présenter est passé de 30 à 24 ans. Le plus jeune sénateur est Rémi Cardon (Somme), 29 ans. Malgré tout, l'âge moyen des sénateurs diminue peu. Ils avaient, au moment du scrutin, 62 ans en 2004 et 61 ans en 2014.
2"Les sénateurs occupent leur siège pendant des décennies" : plutôt faux
En 1919, le sénateur du Rhône Edouard Herriot quittait le palais du Luxembourg, non sans moquer la longévité de ses collègues : "Le Sénat est une assemblée d'hommes à idées fixes, heureusement corrigée par une abondante mortalité." Plus de cent ans plus tard, relativement peu de sénateurs possèdent plus de deux mandats à leur actif. Ils sont en effet 47 à exercer leur troisième ou quatrième mandat, selon notre décompte. A l'inverse, 56,6% des sénateurs exercent ou terminent leur premier mandat. A titre de comparaison, aux élections législatives de 2022, l'Assemblée, plus jeune, ne comptait que 52% de primo-députés.
3 "Il y a très peu de femmes au Sénat" : plutôt vrai
Le Sénat accuse un retard sur la parité. Cependant, le nombre de sénatrices ne cesse d'augmenter ces dernières années. Elles sont 122 en poste à la veille des élections, soit 35,1% de la Chambre haute. Un chiffre encore loin de l'équilibre, mais qui a été multiplié par dix entre 1989 et 2017. Finalement, le Sénat n'est pas beaucoup plus masculin que l'Assemblée nationale et ses 37,26% de députées. Par ailleurs, sur les huit postes de vice-présidents du Sénat en 2023, quatre sont occupés par des femmes. Mais jamais une sénatrice n'a encore présidé l'hémicycle du palais du Luxembourg.
4"Les sénateurs sont tous des cadres" : plutôt vrai
Si 28% des sénateurs sont salariés, 16% issus des professions judiciaires et libérales et 14% fonctionnaires, leur répartition par catégorie socioprofessionnelle est très homogène. D'après les estimations de franceinfo, plus de 65% d'entre eux appartiennent à la catégorie des "cadres et professions intellectuelles supérieures", 10,1% sont issus de la catégorie "professions intermédiaires" et 9,2% sont artisans, commerçants et chefs d'entreprise. Mais, sur les 348 élus, aucun n'est ouvrier depuis le départ de Martial Bourquin en 2020. Une situation qu'il regrettait à la fin de son mandat auprès de Public Sénat : "Il y a cinq, six millions d'ouvriers en France et être le seul au Sénat qui a travaillé en chaîne pendant des années, ça pose un vrai problème."
Le même constat se pose à l'Assemblée nationale. Après les législatives de 2022, les députés étaient à 58,4% cadres tandis qu'on en compte seulement 18,4% dans la population active. C'est l'inverse pour les ouvriers, qui sont sous-représentés au Palais-Bourbon : 0,9% des députés sont ouvriers alors même que ces derniers constituent près de 20% de la population active.
5"Les sénateurs cumulent les mandats" : à relativiser
En 2012, 77% des sénateurs assuraient au moins un autre mandat électif, selon le site Vie publique. Parallèlement à leur poste au Parlement, ils étaient maires (ou adjoints), présidents (ou vice-présidents) d'un conseil régional ou d'une intercommunalité. Les lois du 14 février 2014 ont supprimé le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local. Depuis l'entrée en application de la réforme lors des sénatoriales de 2017, plus aucun sénateur ne cumule son mandat et un autre mandat exécutif. Par ailleurs, un sénateur n'a pas le droit de faire partie du gouvernement, ni d'être député européen. Si une situation de cumul se présente, il a trente jours pour choisir l'un des postes.
Néanmoins, pour conserver un ancrage local, les sénateurs peuvent assurer des mandats locaux non exécutifs. Ils peuvent par exemple être conseillers municipaux, départementaux ou régionaux. C'est le cas de 230 sénateurs actuellement, selon les calculs de franceinfo. Soit les deux tiers du Sénat.
6"Les sénateurs coûtent cher" : à relativiser
Un sénateur gagne en moyenne 7 605,70 euros brut par mois, auxquels s'ajoute une indemnité pour tout sénateur exerçant une fonction particulière, allant de 745,36 à 4 426,52 euros. Il dispose également d'une avance de frais de mandat mensuelle de 5 900 euros pour couvrir les dépenses liées à l'exercice de ses fonctions. L'année dernière, le Sénat a dépensé 315 millions d'euros de charges de fonctionnement contre 567 millions à l'Assemblée. Ce coût représentait 0,001% du budget de l'Etat en 2018, selon France Inter.
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