Diffusion des images des attaques du Hamas à l'Assemblée : une projection plutôt réservée à "l'enceinte judiciaire", selon un historien
La projection à l'Assemblée nationale des images des massacres commis par le Hamas était organisée mardi 14 novembre à 17h30 au Palais Bourbon. Une diffusion à l'initiative de Mathieu Lefèvre, député Renaissance et président du groupe d'amitié France-Israël. Ce dernier a convié les 120 députés membres de ce groupe d'amitié. Une projection qui interroge Christian Delage, historien et réalisateur, auteur de Filmer, juger. De la Seconde Guerre mondiale à l’invasion de l’Ukraine, invité de franceinfo mardi 14 novembre. Il rappelle que ce genre de vidéos est généralement projetée dans des "enceintes judiciaires", comme à Nuremberg en 1945.
franceinfo : Quel regard portez-vous sur la projection de ces images à l'Assemblée nationale aujourd'hui ?
Christian Delage : Je me suis un peu étonné sur le fait que cette projection ait lieu à l'Assemblée nationale, probablement sans débat après cette projection. On peut se demander quel est le but : est-ce qu'il s'agit de se convaincre que l’événement a eu lieu ? Je pense qu'il y a déjà eu beaucoup d'images qui ont été montrées sur les médias, et d'articles qui ont été faits. Est-ce que les députés ont besoin d’avoir une sorte d’épreuve commune, d’être ensemble pour visionner ces images ? Est-ce qu'ils craignent qu'il y ait une négation de l'événement et donc qu'ils attestent, par cette projection, de la vérité du crime ? On peut s'interroger.
Le débat existe au sein même des députés : certains ont dit qu'ils n'assisteraient pas à la diffusion, notamment pour ne pas en sortir uniquement avec un sentiment de haine, de vengeance ?
Je ne sais pas si c'est le premier sentiment que les spectateurs vont éprouver. Il y a déjà eu des projections dans beaucoup de pays, devant la presse internationale : on sait qu'il y a des gens qui sont sortis avant la fin, les gens n'ont pas supporté de voir ces images. Elles sont insoutenables, parce que vous y voyez des gens en train de se faire tuer, des enfants blessés ; mais ensuite parce que plus de 50 % de ces images, d'après la description faite par le journal Libération, ont été faites par les criminels eux-mêmes, comme accompagnant le geste de cette criminalité.
"Mettre les spectateurs, à l'Assemblée nationale ou ailleurs, dans cette position du criminel en train d’effectuer son crime, ça me paraît extrêmement difficile"
Christian Delage, historienà franceinfo
Y a-t-il des précédents historiques, d'autres événements comparables à ce débat-là ?
Oui, il y a une jurisprudence concernant le fait de montrer des images liées à des crimes commis, mais cette jurisprudence se situe dans l'enceinte judiciaire. C'est ce qui s'est passé à Nuremberg en 1945, quand les images des camps nazis ont été montrées pour la première fois, tout au début du procès, le 29 novembre. Mais ces images ont été montrées dans un cadre très contraint : les juges les avaient déjà vues auparavant, et elles avaient pour fonction de jauger la réaction des accusés, et surtout de les confronter à leurs crimes.
Il y a eu aussi ces débats depuis le procès Merah : concernant les images tournées avec une caméra GoPro par Mohamed Merah, le président de la cour d'assises n’avait pas voulu les montrer, disant que cela n'ajoutait que de l'horreur à l'horreur. En ce qui concerne les attentats de janvier 2015 et du 13-Novembre, c'est un peu différent car ce sont les parties civiles qui avaient demandé à ce que les images soient montrées. Certaines parties civiles voulaient, par le fait de montrer ces images de quelques minutes de long, une sorte d’attestation du fait que le crime ait été commis. Et que, pour les parents qui ont perdu un enfant, cela soit une manière de contribuer au deuil de ces parents.
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