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Accusations d'antisémitisme à l'Assemblée : on vous explique la polémique entre Eric Dupond-Moretti et les députés LFI

Lors d'une séance de questions au gouvernement mardi 2 août, le garde des Sceaux a provoqué un incident avec les députés de la Nupes. Au centre de cet affrontement : une proposition de loi pour qualifier "d'apartheid" le régime d'Israël. On vous résume la polémique en quatre actes.

Article rédigé par franceinfo - Salomé Boulet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Mathilde Panot, présidente du groupe La France Insoumise à l'Assemblée nationale, quitte l'hémicycle, mardi 2 août.  (PH LAVIEILLE / MAXPPP)

Coup de tonnerre dans l'hémicycle. À l'occasion, mardi 2 août, des dernières questions au gouvernement avant la pause estivale, la quasi-totalité des députés de la Nupes ont quitté la séance, tournant le dos au ministre de la Justice en pleine prise de parole. Sans les nommer, Eric Dupond-Moretti venait d'accuser les députés La France Insoumise d'antisémitisme. Que s'est-il passé ? Sur quoi le garde des Sceaux se base-t-il ? 

Acte 1 : la question du député LR Meyer Habib

Tout part d'une question du député Les Républicains Meyer Habib sur les suites judiciaires de l'attentat de la rue des Rosiers, qui a fait six morts dans un quartier juif historique de Paris en 1982. Dans sa prise de parole, l'élu déclare que "le nouvel antisémitisme est toujours présent en France, notamment à gauche de cet hémicycle avec les islamo-gauchistes". Meyer Habib poursuit en qualifiant d'"immonde" une proposition de résolution portée par une quarantaine de députés de gauche. Le texte, signé fin juillet, condamme le "régime d'apartheid institutionnalisé" par Israël face aux Palestiniens. Cette proposition utillise le terme d'"apartheid", associé historiquement au régime mis en place en Afrique du Sud jusqu'en 1991, pour qualifier la politique menée par l’État d’Israël à l’encontre des Palestiniens à Gaza. 

Acte 2 : la réponse et les accusations du garde des Sceaux

En réponse au député LR, Eric Dupond-Moretti apporte des précisions sur le dossier judiciaire en cours, avant d'adresser un "petit mot à l'extrême gauche" : "Corbyn, l'apartheid, les mots que vous avez choisis pour commenter le discours du président de la République, ces mots-là vous collent à la peau". La mention de Jeremy Corbyn fait allusion à une ancienne polémique : le soutien de l'ancien leader de la gauche britannique, souvent critiqué pour ses propos complaisants avec l'antisémitisme, à deux candidates LFI durant la campagne des législatives à Paris.

Eric Dupond-Moretti reprend également le terme "apartheid", précédemment critiqué par Meyer Habib. Le député communiste à l'initaitive de cette propostion, Jean-Paul Lecoq, avait pourtant nié tout antisémitisme sur ce point, se référant à un vocabulaire utilisé par plusieurs ONG. La phrase du ministre de la Justice fait enfin écho à un tweet de Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, publié le jour de la commération des 80 ans de la rafle du Vel d'Hiv.

En qualifiant Emmanuel Macron de président "qui rend honneur à Pétain", la députée LFI faisait référence aux propos tenus par le président de la République en 2018. À cette occasion, Emmanuel Macron avait rendu hommage au maréchal pour son rôle pendant la Première Guerre mondiale, tout en affirmant qu'il avait "conduit à des choix funestes" pendant la Seconde Guerre mondiale.

Acte 3 : les députés de gauche quittent l'hémicycle 

À peine le nom de Jeremy Corbyn prononcé, les députés de la Nupes commencent à se redresser. Entre sifflements et applaudissements, les élus quittent un à un l'hémicycle. À la fin de la prise de parole du garde des Sceaux, leurs bancs sont quasiment vides. Au bout de quelques minutes, les députés reviennent progressivement à leur place. De retour, Boris Vallaud, le chef du groupe socialiste, a jugé "malvenue" cette sortie de la part d'un ministre et a rappelé le soutien de son parti dans la lutte contre l'antisémitisme. Remerciant le député pour sa "clarification", Elisabeth Borne a déclaré : "Je pense que personne au sein de mon gouvernement n’a mis en doute la position du groupe socialiste, du groupe communiste ou du groupe Europe Ecologie-Les Verts sur ces sujets." Tollé du côté de LFI, que la Première ministre a pris soin d'exclure de sa déclaration.

Acte 4 : réactions en chaîne à gauche 

"Extrême gravité", "inacceptable", "indigne"... Les propos tenus par les membres du gouvernement déclenchent la colère des députés de la Nupes dans les heures suivent. Sur Twitter, Adrien Quatennens fait partie des nombreux élus LFI à avoir réagi. Le député du Nord va jusqu'à utiliser le terme "ordurier" pour qualifier cette séance à l'Assemblée nationale. 

Au micro de France Inter, mercredi 3 août, la députée écologiste Sandrine Rousseau appelle "la majorité à reprendre le sens commun, reprendre le sens de la République car une frontière a été franchie hier"

Interrogé à la sortie de la séance de questions au gouvernement, Olivier Faure a rappelé que jouer avec l'antisémitisme est "un crime". Pour le Premier secrétaire du Parti socialiste, "ce qui est effrayant avec ce nouveau gouvernement, c'est cette volonté en permanence de dédiaboliser l'extrême droite pour venir diaboliser la gauche"

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