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Pourquoi Emmanuel Macron et Edouard Philippe ne peuvent pas lâcher François Bayrou (pour l'instant)

L'affaire des assistants parlementaires du MoDem, qui éclabousse le ministre de la Justice, embarrasse aussi l'exécutif, déjà encombré par l'affaire Richard Ferrand. Pourtant, François Bayrou semble, pour l'instant, épargné.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le ministre de la Justice François Bayrou serrant la main du Premier ministre, Edouard Philippe, le 14 juin 2017, dans la cour de l'Elysée à Paris, après le Conseil des ministres. (PATRICK KOVARIK / AFP)

La mise en scène ne pouvait échapper aux journalistes présents dans la cour de l'Elysée, mercredi 14 juin. A l'issue d'un Conseil des ministres inhabituellement long – plus de trois heures –, le Premier ministre, Edouard Philippe, et son ministre de la Justice, François Bayrou, ont descendu ensemble les marches du perron élyséen et échangé une longue poignée de mains avant de quitter le palais présidentiel.

Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a ensuite mis des mots sur ces images, lors de son compte rendu. "Personne n'est lâché, à commencer par le garde des Sceaux", a-t-il insisté. L'affaire des assistants parlementaires du MoDem a beau rendre la position du ministre de la Justice difficilement tenable et provoquer une première crise d'autorité au sein du jeune gouvernement, franceinfo vous explique pourquoi l'exécutif ne peut pas se permettre de lâcher son ministre centriste. En tout cas, pas maintenant...

Parce qu'il n'est pas mis en examen

Le porte-parole du gouvernement a rappelé la règle édictée par le nouvel exécutif. "Le jour où le garde des Sceaux serait mis en examen, s'il devait être mis en examen, il démissionnera immédiatement, c'est la règle qu'a fixée Edouard Philippe et nous la tiendrons", a-t-il assuré sur BFMTV, mercredi. Tant que le couperet judiciaire ne tombe pas, François Bayrou conserve donc son maroquin ministériel.

Le gouvernement affiche là sa constance. Christophe Castaner avait assuré que la même consigne s'appliquerait à un autre ministre, Richard Ferrand, visé par une enquête préliminaire portant sur ses activités passées à la tête des Mutuelles de Bretagne. "Si Richard Ferrand est mis en examen, il sera immédiatement démis de ses fonctions", avait-il déclaré sur LCI, le 1er juin.

Parce qu'il porte le premier projet phare du quinquennat

François Bayrou est en charge du premier grand chantier législatif du quinquennat : le projet de loi de moralisation de la vie publique, qu'il a justement présenté mercredi en Conseil des ministres. Suppression de la réserve parlementaire, interdiction pour les parlementaires de recruter un membre de leur famille, mise en place d'un système de remboursement en frais réels sur présentation de factures, vérification de la situation fiscale... Autant de mesures-chocs "visant à rétablir la relation de confiance entre les Français et leurs élus", rappelle le Premier ministre dans un entretien aux quotidiens du groupe Ebra, cité par Ouest-Francejeudi.

Le Premier ministre a assuré, vendredi 9 juin, que son garde des Sceaux était "crédible" pour faire adopter la loi, malgré l'enquête ouverte sur les assistants parlementaires européens du MoDem. Cette loi était d'ailleurs l'une des principales exigences du centriste, qui ne s'est jamais privé de pourfendre les transgressions à la morale des politiques, pour s'allier au candidat Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Le ministre de la Justice François Bayrou, le 1er juin 2017, lors d'une conférence de presse pour présenter sa loi de moralisation de la vie publique. (JACQUES WITT / SIPA)

Parce que c'est un poids lourd de la future majorité

Pendant la présidentielle, l'alliance conclue entre François Bayrou et Emmanuel Macron a été déterminante. "Quand je lui ai apporté mon soutien, il était à 18%", relevait François Bayrou dans L'Obs, ajoutant, triomphal : "Nous l'avons fait élire."

"Il a contribué à sa place à la victoire d'Emmanuel Macron, il est un partenaire politique. (...) Ce qu'il représente est important", a reconnu mercredi Christophe Castaner, précisant toutefois : "Ensuite, il doit jouer collectif." "François Bayrou et le MoDem jouent un rôle clé dans le rassemblement voulu par le président de la République", confirme jeudi Edouard Philippe, dans une interview relayée par Ouest-France. 

Le maire de Pau a négocié ferme son soutien à Emmanuel Macron. Il a obtenu le prestigieux ministère de la Justice, avec le rang de ministre d'Etat. Numéro 4 du gouvernement, le centriste bénéficie d'une solide expérience politique, contrairement à nombre de ses collègues : un atout donc pour l'exécutif et une stature politique qui protège François Bayrou.

"Il n'y a pas l'ombre d'une interrogation sur sa présence au gouvernement. C'est un ministre d'Etat, un des poids lourds du gouvernement et il porte des textes de loi extrêmement importants. La question [d'une mise à l'écart] ne se pose donc même pas", tranche l'entourage d'Edouard Philippe, interrogé par Le Parisien jeudi.

Parce que le moment est mal choisi

La campagne des législatives bat son plein. Et dans cette bataille, La République en marche et le MoDem sont alliés. François Bayrou avait d'ailleurs dû se fâcher afin d'obtenir de LREM les investitures qu'il souhaitait pour ce scrutin. Quelque 69 candidats MoDem ont franchi l'obstacle du premier tour et plusieurs seront certainement élus à l'issue du second tour, dimanche soir. 

"Il va y avoir un groupe important, c'est la résurgence d'un mouvement très important dans l'histoire politique de la France", s'est réjoui François Bayrou mercredi. Et d'ajouter, dans un lapsus forcément révélateur : "Je ne cherche pas à être latéral dans la majorité, je cherche à être central dans la majorité, enfin je veux dire le MoDem cherche à être central dans la majorité."

Si l'on en croit les projections en sièges des instituts de sondage, La République en marche devrait dépasser la majorité absolue des 289 sièges à l'Assemblée, dimanche, sans l'appoint du MoDem. Ce raz-de-marée annoncé rendra le futur poids politique du MoDem tout relatif. Une fois la vague passée, François Bayrou et ses élus centristes pèseront bien peu dans la balance. En attendant, écarter le premier des centristes et se brouiller avec ses troupes si près du but serait contre-productif.

Le ministre de la Justice, François Bayrou, le 13 juin 2017 à Béthune (Pas-de-Calais), lors d'une visite de soutien à la candidate La République en marche aux législatives, Marguerite Deprez-Audebert. (DENIS CHARLET / AFP)

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