Présidentielle : peut-on voter pour Emmanuel Macron quand on est un électeur de Jean-Luc Mélenchon ?
Dans cet entre-deux-tours, Emmanuel Macron tente de récupérer l'électorat de Jean-Luc Mélenchon. Mais son programme est-il compatible avec les "insoumis" ? Franceinfo y répond en quatre points.
Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon se laisseront-ils tenter par Emmanuel Macron ? Alors que le leader de la France insoumise n'a donné aucune consigne de vote explicite, les deux prétendants à l'Elysée se disputent les 19,58% de celui qui est arrivé en 4e position au premier tour. Comme cet appel du pied évident, jeudi 27 avril, d'Emmanuel Macron :
Aux électeurs de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon : mon projet apporte des réponses en termes de pouvoir d'achat, d'écologie. #Élysée2017 pic.twitter.com/Idk3IHKWkS
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 27 avril 2017
Selon un sondage Ipsos-Sopra-Steria* réalisé après le premier tour de l'élection présidentielle, 62% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon prévoient de reporter leur voix sur Emmanuel Macron. Mais les mélenchonistes peuvent-ils se retrouver dans le programme du favori ?
Oui, ils partagent une même vision de la société
En terme de droits des femmes, d’éducation ou d’accueil des réfugiés, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron partagent de nombreuses valeurs. Tous les deux défendent l’accès à l’IVG et veulent étendre la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, qu’elles soient seules ou en couple homosexuel.
En ce qui concerne l’accueil des réfugiés, leurs positions convergent également. "Tout étranger persécuté dans son pays peut trouver asile en France", indiquait Jean-Luc Mélenchon dans son programme. Une vision qui trouve écho chez Emmanuel Macron, puisqu’il souligne que l’accueil des "demandeurs d'asile qui obtiennent le statut de réfugié politique" est un "devoir", rapporte Le Parisien. Les deux hommes sont également en faveur du maintien du droit du sol, tandis que Marine Le Pen veut le supprimer.
Cette proximité n'a pas échappé à certains "insoumis". "Je ne me prostitue pas en votant Macron", déclare Jean-Michel à franceinfo. Pour d'autres, la victoire d'Emmanuel Macron serait un cadre plus propice pour continuer à défendre leurs propres idées. Comme pour la militante féministe Caroline De Haas. Cette dernière dit s’être posé la question suivante : "Quelles seront les meilleures conditions pour continuer la lutte féministe, anti-raciste, écologiste, le 8 mai au matin ?". La réponse de cette "insoumise", qu’elle décrit dans un billet publié sur Mediapart, est claire : la victoire d’Emmanuel Macron au second tour.
Voter, ou ne pas voter pour Emmanuel Macron quand on est de gauche ? Extrait de notre débat, avec @carolinedehaas https://t.co/M7PU9fMw0E pic.twitter.com/yD5nfIMaUw
— MediapartLive (@MediapartLive) 27 avril 2017
Oui, ils représentent tous les deux une "alternative" aux partis traditionnels
Leur ombre a pesé sur la campagne du Parti socialiste dans cette élection présidentielle. Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron ont refusé de participer à la primaire de la gauche et se sont lancés dans la course avec leurs propres mouvements : la France insoumise et En marche !.
Pendant sa campagne, Jean-Luc Mélenchon a célébré le "dégagisme", comme il le nommait sur son blog après la défaite de Manuel Valls à la primaire de la gauche. Face à "la rage et [au] dégoût qui labourent la profondeur de la société", dit-il, il s'est présenté en garant du renouveau de la classe politique avec sa VIe République. "Nous voulons en finir avec la confiscation du pouvoir politique par une minorité, expliquait-il dans son programme. Il est temps de faire confiance aux citoyens et de permettre le débat et l’expression de la souveraineté populaire en toutes circonstances."
Emmanuel Macron aussi se pose en candidat du "renouveau" politique. Dès le début d'En marche !, il a annoncé un mouvement "ni de droite ni de gauche", car pour lui "les clivages sont devenus obsolètes à beaucoup d'égards". Depuis, il a tenu tête aux ténors des partis plus traditionnels. "Il n'y aura aucun accord d'appareil avec quelque parti que ce soit", défendait-il en janvier, alors qu'il annonçait que la moitié des candidats d'En marche ! seraient issus de la société civile, choisis sous le critère premier du renouvellement. Il a aussi affirmé qu'il présenterait 577 candidats aux législatives.
Non, ils ne s'entendent pas (du tout) en matière d'économie
"Entre la pensée économique de Macron et la mienne, il y a une telle différence… ce serait clownesque" de nous rassembler. Ces mots sont prononcés par Jean-Luc Mélenchon en janvier, dans Marianne. Emmanuel Macron, "c'est un putsch du CAC 40", juge un électeur de la France insoumise dans L'Obs.
En économie, en effet, tout les oppose. Dans son programme, L'Avenir en commun, Jean-Luc Mélenchon défend un renforcement de l'ISF : la tranche supérieure à "vingt fois le revenu médian" sera imposée à 100%, propose-t-il. Le programme du candidat de la France insoumise est "d'un irréalisme qui n'a rien d'angélique", taclait ainsi Emmanuel Macron dans La Voix du Nord, en avril. De son côté, l'ancien locataire de Bercy prône une transformation de l'ISF, pour que le patrimoine financier n'y soit plus assujetti.
Et en terme de travail, mêmes conclusions. Si Emmanuel Macron trouve que la loi El Khomri n'est pas allée "assez loin", comme le rapportent Les Echos, Jean-Luc Mélenchon prévoyait de l'abroger en cas d'élection. Ce dernier souhaitait également revaloriser les allocations chômage, abaisser l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans, interdire les licenciements boursiers ou encore augmenter le smic.
Emmanuel Macron, lui, envisage de suspendre le versement des allocations chômage après le refus de plus de deux offres d'emploi "décentes", de maintenir le départ à la retraite à 62 ans et le montant du smic. "Nous instaurerons un plafond et un plancher pour les indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse", précise enfin le programme d'En marche !, pour "lever les freins à l'embauche" pour les entreprises. En bref, ils ne s'entendent sur aucun point.
Non, ils n'ont pas les mêmes ambitions à l'international
"Mon premier contact avec un chef d'Etat étranger sera avec la chancelière allemande", a annoncé Emmanuel Macron, jeudi 27 avril dans l'émission "Elysée 2017" sur TF1. Une phrase que n'aurait certainement pas prononcée Jean-Luc Mélenchon s'il était parvenu au second tour. Le candidat de la France insoumise est en effet eurosceptique. Dans son programme figurait sa volonté de "retirer la France de l'Europe de la défense" et de "sortir des traités européens".
A l'international, l'Europe n'est pas le seul point de discorde entre les deux hommes. "Emmanuel Macron est le seul candidat à la présidentielle ouvertement favorable au Ceta", le traité de libre commerce instituant des règles d’échanges privilégiés entre acteurs et marchés canadien et européen, indiquait par exemple Le Monde avant le premier tour. Jean-Luc Mélenchon est, lui, plus frileux sur les traités internationaux. Son programme le clame : il veut "refuser les traités de libre-échange", avec en ligne de mire "le traité transatlantique Tafta entre l'UE et les Etats-Unis, Ceta avec le Canada et le traité Tisa de libéralisation des services".
Seule exception faite, pour l'ancien candidat à la présidence : l'Alliance bolivarienne pour les Amériques. De quoi faire rire Emmanuel Macron. Début avril, le candidat d'En marche ! a moqué la "fascination" de son ancien adversaire pour cette organisation, raillant, comme l'indique BFMTV, le moment "où le pays pourrait se relever dans l'alliance bolivarienne".
*Enquête réalisée par Ipsos/Sopra Steria le 23 avril après 20h15 auprès de 2 024 personnes inscrites sur les listes électorales, constituant un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas.
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