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Présidentielle : vote blanc, abstention, Macron, Le Pen... Le casse-tête des électeurs de Mélenchon

Les adhérents de la France insoumise sont consultés depuis mardi sur la plateforme en ligne du mouvement. Objectif : déterminer une orientation pour le second tour, alors que Jean-Luc Mélenchon a refusé de donner une consigne de vote. Le résultat est attendu le 2 mai.

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Des soutiens de Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting du candidat de la France insoumise à Lyon, le 5 février 2017. (MAXPPP)

“Je n’ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m’exprimer à leur place pour la suite.” Depuis que Jean-Luc Mélenchon a refusé de donner toute consigne de vote, le soir du 23 avril, pour le second tour de l'élection présidentielle, qui oppose Marine Le Pen à Emmanuel Macron, nombre de ses électeurs font face à un dilemme.

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Face à cette impasse, les adhérents sont appelés à débattre depuis mardi 25 avril sur le site jlm2017.fr, afin de déterminer une position commune, via une consultation en ligne. "Chacun sera ensuite libre de la suivre ou pas", prévient l'un d'entre eux. Dans le détail, les "insoumis" ont le choix entre trois options : voter pour Emmanuel Macron (afin de faire barrage au FN), voter blanc ou bien s'abstenir. La possibilité de voter en faveur de la candidate du Front national est exclue de la consultation, ce que ne font pas forcément tous ceux qui ont voté pour celui qui est arrivé quatrième du premier tour avec 19,58% des voix.

Ce vote est accessible aux seuls signataires de La France insoumise "enregistrés avant le dimanche 23 avril à 22 heures" et la consultation court jusqu'au mardi 2 mai à midi. "Ce choix est secret. Nous n'en publierons que le résultat et la liste des participants sera détruite", précise aussi le mouvement dans un communiqué. Sur franceinfo mercredi matin, Eric Coquerel , coordinateur politique du Parti de gauche et soutien de Jean-Luc Mélenchon, a promis que les résultats seraient connus "le 2 mai". "On veut le temps que la consultation se fasse de la manière la plus grande possible", a-t-il précisé.

Franceinfo a interrogé cinq électeurs de Jean-Luc Mélenchon et tous racontent leur difficulté à trouver une place pour ce second tour. 

"Je m'abstiendrai pour que cette élection soit la moins représentative possible"

Lorsque Jean-Luc Mélenchon a pris la parole, dimanche soir, Tatou a trouvé le candidat de la France insoumise très digne. "C'est normal qu'il ne donne pas de consigne de vote, parce qu'on est un mouvement et pas un parti", explique cette ancienne institutrice de 59 ans, coordinatrice des "insoumis" de Périgueux. "Il faut qu'on laisse tomber la rage et la colère maintenant. On va se consulter et voir ce qu'il en ressort, faire un état des lieux."

Pendant plusieurs mois, Tatou a porté la candidature de Jean-Luc Mélenchon sur les routes de Dordogne, à la rencontre "des jeunes et des vieux" des villes et des campagnes. "Vous n'imaginez pas l'ampleur de la mobilisation, on a vraiment ouvert une brèche", raconte-t-elle. Aujourd'hui, face à ce second tour de l'"horreur", la militante a eu du mal à se décider.

J'ai d'abord été tentée de mettre un bulletin Mélenchon dans l'urne. On en a pris plein dans nos poches dimanche, on était sûrs d'être au second tour.

Tatou, 59 ans, institutrice retraitée

à franceinfo

Malgré la loi du 21 février 2014 (sur Légifrance.fr) mettre un bulletin nul ou voter blanc à un scrutin, n'a toujours pas d'incidence sur le nombre de suffrages exprimés. Alors Tatou s'est résignée.

Elle penche désormais sur l'abstention, le seul "parti" qui sera relayé, selon elle. Au premier tour, elle s'élevait à 22,7% d'après une estimation Ipsos/Sopra Steria."Il faut que cette élection soit faite sur la base du plus petit pourcentage de gens, qu'elle soit la moins représentative possible", affirme-t-elle. En attendant les résultats, Tatou se concentre sur les législatives. "On ne va pas s'arrêter là, la dynamique est encore meilleure qu'en 2012. A nous de nous emparer de cette force."

"Je ne me prostitue pas en votant Macron"

Jean-Michel fait partie de ces électeurs qui refusent de laisser une quelconque chance à Marine Le Pen d'être élue. "Je fais peut-être partie de ce plafond de verre", explique cet agriculteur de 59 ans, habitant du Pas-de-Calais. "J'ai voté Xavier Bertrand (LR) aux élections régionales pour faire barrage au FN. Je ferai pareil pour la présidentielle en votant Macron."

Jean-Michel ne ressent aucune affinité avec le candidat d'En marche ! et assure même n'être "certainement pas représentatif de la position des 'insoumis'", mais son parcours "l'empêche de faire autrement."

Ancien porte-parole régional du syndicat la Confédération paysanne, électeur de gauche "depuis toujours", ce producteur en agriculture biologique a toujours orienté ses choix politiques pour "une société plus juste.J'ai eu la chance de pouvoir aller à l'école, de faire des études, de voir qu'il n'y avait pas de fatalité et qu'on pouvait agir, raconte-t-il.

Dans ma famille, tout le monde vote Mélenchon et tout le monde hésite.

Jean-Michel, 59 ans, agriculteur

à franceinfo

En octobre 2016, Jean-Michel a rejoint la France insoumise, qui ne "ferme pas les frontières" et remet en cause le productivisme. Après la déception du premier tour, le producteur de légumes a rencontré d'autres "insoumis" pour mûrir sa réflexion : ça sera Macron. "Je ne me prostitue pas en votant Macron", affirme-t-il. Et puis, "on ne change pas la société avec un président de la République, mais en construisant au plus près du terrain."

"Ça m'écœure de voter FN, mais stratégiquement c'est la seule chose à faire"

Sur le chat des "insoumis", mardi, Jo, qui se présente comme un électeur de Jean-Luc Mélenchon, est l'un des rares à défendre un vote pour Marine Le Pen au second tour. "Je n'ai jamais voté à droite, mais je ne détermine pas mon vote par rapport à la couleur politique, explique-t-il. Je vote avant tout pour un projet et jusqu'ici, j'ai adhéré à ceux des candidats de gauche." 

Ancien chauffeur-livreur en Lozère, Jo est sans emploi et envisage de monter son entreprise. Pour lui, hors de question de porter Emmanuel Macron au pouvoir. 

Il est ultralibéral, veut radier les demandeurs d'emploi qui refusent deux postes, c'est la continuité de Hollande et Sarkozy.

Jo, 40 ans, ancien chauffeur-livreur

à franceinfo

En conséquence, il ne voit qu'une possibilité : voter Marine Le Pen pour mieux la combattre. "Si elle est élue, on pourra la bloquer dans les urnes et dans la rue, détaille-t-il, Macron, il mettra tout en place par ordonnances ou 49.3. On ne pourra rien faire." Dans une interview au JDD, le 9 avril 2017, le candidat d'En marche ! a indiqué qu'il comptait réformer le Code du travail par ordonnances. 

Jo garde aussi en tête l'échéance des législatives. "Macron, on ne pourra pas l'empêcher de gouverner, parce que le PS et Les Républicains vont le soutenir pour exister dans le jeu politique, affirme-t-il, Marine Le Pen aura plus de mal à faire des alliances." 

"On ne peut pas être pour le ni-ni"

Vincent n'aurait jamais imaginé qu'après avoir glissé un bulletin pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour, il jurerait de ne plus jamais voter pour lui après le 23 avril. "Qu'il ne donne aucune consigne, ce n'est pas digne d'un républicain. Il n'avait pas fait ça en 2002", déclare cet architecte de 37 ans, habitant de l'Ain. En 2002, alors ministre délégué à l'Enseignement professionnel, Jean-Luc Mélenchon avait appelé à voter Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen, note Le Monde.

"Peu importe le candidat face à Le Pen, il faut voter 'utile' et lui barrer la route." Un positionnement qui tranche avec de nombreux "insoumis", qui en appellent pour beaucoup à l'abstention ou au vote blanc via le hashtag #SansMoiLe7Mai sur les réseaux sociaux. "On ne peut pas se barrer et laisser les autres décider de l'élection. On ne peut pas être pour le 'ni-ni'. C'est la politique d'il y a cinquante ans."

Même si Fillon était face à Le Pen, j'aurais voté pour lui.

Vincent, 37 ans, architecte

à franceinfo

Pour sonder ses acolytes "insoumis", Vincent s'est rendu sur leur chat : "Ça m'a clairement conforté dans mon choix. Beaucoup ne font aucune distinction entre Le Pen et Macron, un candidat républicain ou pas", dénonce-t-il. Si l'architecte assure avoir été convaincu par le programme de Jean-Luc Mélenchon, "fin, intelligent", il estime que le candidat doit être sanctionné après son refus de se positionner. "On ne fait plus de politique, on fait du cynisme", soupire-t-il.

"Le vote blanc est un acte citoyen fort"

Pour Pavel, 29 ans, le temps court. "Je n'ai plus que deux semaines pour faire mon choix", raconte cet électeur de Jean-Luc Mélenchon, rencontré sur le chat des "insoumis". "Je refuse les idées fascistes que prône Marine Le Pen ainsi que sa vision du monde et de la France. Mais je refuse également la vision du monde et de la France de Macron, qui prône le libéralisme", détaille-t-il. 

Nous avons des convictions de gauche face à des candidats de droite. Difficile de trouver sa place.

Pavel, 29 ans

à franceinfo

Si Pavel a bien pensé à l'abstention, il déplore qu'elle soit perçue comme un désintérêt de la politique. "Je souhaite participer à la vie publique, par les urnes notamment." Ni Macron, ni Le Pen, ni l'abstention ? "Je pense donc plutôt voter blanc. Je suis convaincu que le vote est le moyen le plus démocratique pour s'exprimer, tout comme le référendum, estime cet habitant des Hauts-de-France. C'est un acte citoyen fort. On montre que les candidats ne correspondent pas à notre vision de la société."

Même si le vote blanc n'est pas comptabilisé dans le scrutin, Pavel assure qu'il "invite au moins à la réflexion. (...) Une personne qui se lève un dimanche matin pour faire la queue et déposer une enveloppe vide, ça pose question. Ne rien faire, moins."

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