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"Ali Juppé" : comment la fachosphère s'est infiltrée dans la primaire de la droite

Le maire de Bordeaux est la cible d'une campagne de déstabilisation sur les réseaux sociaux depuis plusieurs mois. Le message principal : une supposée complaisance du maire de Bordeaux envers l'islam politique.

Article rédigé par franceinfo - Axel Roux
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Alain Juppé et l'imam Tareq Oubrou, lors des commémorations après les attentats du 13-Novembre, le 20 novembre 2015, à Bordeaux. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

Le bruit de fond l'aura accompagné durant toute sa campagne. Depuis des mois sur les réseaux sociaux et sur certains sites de la "fachosphère", Alain Juppé est la cible d'une campagne de désinformation. Le message principal : une supposée complaisance du maire de Bordeaux envers l'islam politique. Son objectif : troubler les électeurs en martelant que le challenger de François Fillon à la primaire de la droite est faible vis-à-vis des islamistes.

Sur Internet, le candidat de "l'identité heureuse" est grimé en complice des Frères musulmans et du communautarisme. Un avatar islamique a même été conçu spécialement  pour le dénigrer : "Ali Juppé". Franceinfo revient sur la polémique en trois questions clefs.

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D'où viennent ces accusations ?

Pour comprendre ces attaques, il faut remonter au milieu des années 2000, indique Libération. Elles apparaissent à la suite d'un projet de centre culturel et cultuel musulman lancé par la Fédération musulmane de la Gironde (FMG). Elu à la tête de la ville en 2006, Alain Juppé se déclarera favorable à sa réalisation en 2008 et s'attirera les premières foudres de militants identitaires. 

Relayée par le Front national, la polémique ne cessera d'enfler au fur et à mesure des années. Alain Juppé est ainsi faussement accusé par le FN de vouloir financer le lieu de culte, rapporte Libération. Selon sa première adjointe, Virginie Calmels, interrogée par le quotidien, Alain Juppé aurait exigé d'interdire le recours au financement étranger pour sa construction. Cette mosquée n'est d'ailleurs toujours pas sortie de terre.

Autre reproche en lien avec ce projet, les liens entre Alain Juppé et l'imam de Bordeaux Tareq Oubrou, probable recteur du futur lieu de culte. Membre de l'Union des organisations islamiques en France, la vitrine française des Frères musulmans, Tareq Oubrou fait figure d'épouvantail pour une partie de l'extrême droite, qui l'accuse de dissimuler un fondamentalisme musulman derrière sa position de héraut de l'islam libéral

Confinée jusque-là à une échelle locale et régionale, cette campagne de désinformation a pris une ampleur toute nouvelle avec la primaire de la droite.

Comment sont-elles relayées ?

Les intox sont principalement relayées sur des nouveaux médias hyper-militants, consommateurs de sujets que les théoriciens de l'extrême droite nomment la "réinformation". Parmi eux, le site xénophobe et anti-islam Riposte laïque est l'un des plus prolixes. "Tareq Oubrou serait-il le Premier ministre d'Ali Juppé ?", s'interrogeait-il en juillet. Des articles à charge répétés encore très récemment, comme au lendemain du premier tour de la primaire de la droite.

Des thèses relayées à quelques jours des résultats finaux du scrutin. Propulsé dans les sujets les plus commentés, mardi 22 novembre, le hashtag #JeVoteFillon a, par exemple, fait office de défouloir pour les adeptes de ces théories. 

Enfin, si la plupart des attaques circulent aujourd'hui sur les réseaux sociaux, les images caricaturant le maire de Bordeaux en salafiste pourraient bien provenir d'un forum américain bien connu de la fachosphère : Reddit. C'est en tout cas ce qu'affirme à franceinfo un des modérateurs du subreddit "/r/Le_Pen", une excroissance française de l'alt-right pro-Trump. Des caricatures encore loin du niveau de la campagne américaine, insiste en revanche ce dernier : "Juppé est à peine victime de deux ou trois vieux montages avec une barbe l'appelant Ali Juppé, et il commence déjà à paniquer".

Comment réagit le candidat ?

Longtemps discret sur le sujet, de peur de leur donner de l'importance, le maire de Bordeaux a récemment décidé de passer à l'offensive. Au micro d'Europe 1, mardi 22 novembre, il a notamment dénoncé des "attaques franchement dégueulasses". Le lendemain, sur RTL, il a dénoncé le silence de ses concurrents à droite sur le sujet. "Qui a protesté contre l'odieuse campagne dont j'ai été l'objet pendant des mois ?", s'est insurgé Alain Juppé.

"Cette histoire de mosquée, ça le met dans une colère noire", témoigne un de ses conseillers dans Libération. Pour reprendre la main, le maire de Bordeaux a donc décidé d'aborder le sujet frontalement, quitte à impliquer ses rivaux. Une méthode pour éviter de brasser du vent. "C'est très compliqué d'établir une bonne stratégie, reconnaît Aurore Bergé, responsable de sa campagne numérique et interrogée dans Libération. On peut tenter d'opposer des arguments, mais clairement, ces attaques ne parlent pas à la rationalité des gens." 

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