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Travaux d'intérêt général pour les parents "défaillants" : comment la proposition d'Aurore Bergé est jugée par les politiques et les professionnels

La ministre des Solidarités et des Familles a annoncé cette mesure, dimanche, sans en définir les contours précis.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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La ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, à l'Elysée, à Paris, le 6 décembre 2023. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Six mois après les violences provoquées par la mort de Nahel à Nanterre (Hauts-de-Seine) et le rappel à l'ordre des parents d'émeutiers par le ministre de la Justice, le gouvernement veut aller plus loin. La ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, a annoncé dans La Tribune dimanche, le 10 décembre, la mise en place de "travaux d'intérêt général pour les parents défaillants". Dans son interview, la ministre n'a pas détaillé ce qu'elle entendait par "parents défaillants", ni en quoi consisteraient ces "travaux d'intérêt général".

En règle générale, un travail d'intérêt général (TIG) est une condamnation à effectuer un travail gratuit au bénéfice de la collectivité, qui peut être prononcée par un tribunal pour un délit passible d'une peine de prison inférieure à dix ans ou pour une contravention de 5e classe. En juillet, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, avait rappelé aux procureurs la possibilité de poursuivre les parents des émeutiers au titre de l'article 227-17 du Code pénal : le père ou la mère qui se soustrait à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur encourt deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.

Malgré le flou qui l'entoure, les premières réactions à l'initiative de la ministre sont plutôt mitigées. Tour d'horizon.

Les présidents de la commission sur la parentalité "pas sur cette approche"

Dans son entretien à La Tribune dimanche, Aurore Bergé a annoncé la création d'une commission qui fera des "propositions concrètes" pour "relever les défis de la parentalité". Cette instance sera présidée par le pédopsychiatre Serge Hefez et Hélène Roques, fondatrice de Notre Avenir pour tous, une structure spécialisée dans les questions de jeunesse.

Malheureusement pour la ministre, tous les deux ont pris leurs distances avec cette mesure sur "les parents défaillants". "Cela mettrait ces parents en situation vis-à-vis de leurs enfants d'être eux-mêmes – entre guillemets – des délinquants", a souligné Hélène Roques sur franceinfo. Les membres de cette commission "sont animés par le désir de soutenir la parentalité, explique-t-elle. Notre angle, c'est la prévention : agir en amont des crises de notre société." 

"Je ne sais pas très bien ce que ce sont des parents défaillants. Nous sommes peut-être nombreux à nous reconnaître dans le fait que nous ne sommes pas forcément des parents parfaits."

Hélène Roques, président de Notre Avenir pour tous

sur franceinfo

"On va aller dans le sens du soutien" des "familles en difficulté plutôt que dans le sens de surveiller et punir", a de son côté affirmé dimanche sur franceinfo Serge Hefez. Ces TIG pour "parents défaillants" s'éloignent de sa démarche de pédopsychiatre, "sauf si on peut élargir cette notion, peut-être, à des systèmes d'information qui aident les parents à restaurer les processus d'autorité". "J'ai l'habitude d'être confronté à des familles qui sont en difficulté. (…) J'ai pu constater qu'en faisant un travail" auprès d'elles, "on arrive très nettement à améliorer la situation", souligne le médecin, qui exerce à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Des membres de cette commission ont d'ores et déjà annoncé leur démission, dès la première réunion organisée lundi. Le sociologue spécialiste de la parentalité Claude Martin, la directrice de recherche au CNRS Agnès Martial et la sociologue de la famille Irène Théry ont expliqué au Monde regretter "que les travaux à venir soient placés sous l'égide de méthodes répressives"

La gauche dénonce une idée "indigne" et stigmatisante 

Plusieurs personnalités de gauche ont également critiqué cette mesure. "C'est une idée indigne, qui vise à culpabiliser ou à rendre responsables des parents qui, pour l'immense majorité d'entre eux, veulent le meilleur pour leurs enfants", a notamment déploré Manuel Bompard, le coordinateur politique de La France insoumise, sur France 2. Pour le député, "on renforcera l'autorité des parents quand on leur permettra aussi d'avoir des conditions de vie (…) acceptables, en leur permettant d'avoir un salaire qui leur permet de vivre de leur travail, qui leur permet aussi d'être un exemple pour leurs enfants".

"On va stigmatiser toujours la même chose, c'est-à-dire les parents pauvres."

Manuel Bompard, coordinateur politique de La France insoumise

sur France 2

Même ton critique chez l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, pour qui "le vrai problème, c'est la pauvreté d'un certain nombre de familles". "Quand on constate que la pauvreté explose, ce qu'on doit faire, c'est non pas pénaliser et réprimer encore un peu plus les parents, mais venir à leur aide, à leur soutien", a-t-elle fait valoir au micro de Sud Radio.

Les "mamans" seront les premières victimes de cette mesure, déplore le collectif Les Gilets roses 

Fatimata Sy, fondatrice du collectif de mères Les Gilets roses, a fustigé ces annonces. "Les papas, vous n'allez pas les trouver : ce sont les mamans que vous allez condamner, a-t-elle regretté sur BFMTV. Et si vous condamnez une maman, les jeunes ne vont pas aimer ça. Ça va [davantage] aggraver la situation qu'autre chose."

Sur ce point, Aurore Bergé a rappelé que "60%" des "émeutiers mineurs" avaient "grandi dans une famille monoparentale". La ministre a reconnu que "la société a fini par s'accommoder du fait que les femmes assument seules certaines missions auprès des enfants". "Les pères ne peuvent pas se résumer à une pension alimentaire", a appuyé la ministre dans La Tribune dimanche.  

La droite salue "une palette supplémentaire de mesures"

Renaud Muselier, président Les Républicains (LR) du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, a de son côté salué la "bonne idée" de la ministre Aurore Bergé. "Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Le premier travail qui est à faire, c'est de pénaliser [les parents] qui ne s'occupent pas [des enfants] lorsque le système familial fonctionne", a-t-il développé sur le plateau du "Grand Jury" de RTL. Renaud Muselier a toutefois insisté sur la nécessité d'"aider les mères célibataires"

"Vous avez des mères célibataires qui souffrent et vous avez des parents défaillants. Ce n'est pas tout à fait la même chose."

Renaud Muselier, président LR du conseil régional de Paca

sur le plateau du "Grand Jury"

A Asnières (Hauts-de-Seine), le plan d'Aurore Bergé pour les "parents défaillants" est plutôt accueilli d'un bon œil. Le maire LR, Manuel Aeschlimann, estime auprès de franceinfo que l'initiative permettrait "de trouver encore une palette supplémentaire de mesures pour essayer de solutionner ces problématiques d'autorité parentale". Pour preuve, l'élu prend l'exemple de factures d'eau envoyées par la mairie après la destruction de bouches à incendie : "Non seulement les familles concernées ont dû s'acquitter de cela petit à petit, mais surtout, cela a fait écho dans tous les quartiers concernés, et on n'a jamais plus eu ce genre de problème."

Des annonces "particulièrement timides", dénonce le Rassemblement national

Edwige Diaz, députée du Rassemblement national, a pour sa part jugé insuffisantes les annonces d'Aurore Bergé. "On se réjouit qu'enfin le gouvernement prenne conscience qu'il y a une forme de laxisme judiciaire insupportable dans notre pays", mais "ce sont des annonces particulièrement timides", a fustigé l'élue, dimanche au micro de franceinfo.

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