"Parents défaillants" : le psychiatre Serge Hefez préfère le "soutien" aux familles "plutôt que surveiller et punir"

Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, a dévoilé dimanche dans "La Tribune Dimanche" son plan pour responsabiliser les parents d'enfants délinquants.
Article rédigé par franceinfo
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Le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez à La Sorbonne en 2014. (TIBOUL  / MAXPPP)

"On va aller dans le sens du soutien" des "familles en difficulté plutôt que dans le sens de surveiller et punir", a affirmé dimanche 10 décembre sur franceinfo, Serge Hefez. Le psychiatre et psychanalyste à l'hôpital de La Salpêtrière de Paris coprésidera, avec la spécialiste de la jeunesse Hélène Roques, la "commission scientifique" mise en place par le gouvernement pour aider à la restaurer l'autorité parentale. Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, a dévoilé dans La Tribune Dimanche son plan pour responsabiliser les parents d'enfants délinquants.

La ministre a annoncé notamment la mise en place de travaux d'intérêt général pour les "parents défaillants". Cette proposition s'éloigne de la démarche de Serge Hefez : "Sauf si on peut élargir cette notion à des systèmes d'information qui aident les parents à restaurer les processus d'autorité", dit-il. La commission scientifique sera chargée, après six mois de travaux, de faire des "propositions concrètes" pour "relever les défis de la parentalité", explique Aurore Bergé. Serge Hefez suggère le rétablissement de lieux, sous le modèle des Maisons vertes de Françoise Dolto créées en 1979, pour apporter "des aides un petit peu naturelles de soutien à la parentalité quand les parents sont dépassés par la situation".

franceinfo : Cette commission sera composée de quelles personnalités ?

Serge Hefez : Je la présiderai avec Hélène Roques. Elle va réunir à peu près 25 personnes, des démographes, des sociologues, des philosophes, des psychiatres, des représentants d'associations, d'institutions... Des personnes animées par le désir de faire des propositions qui vont aller dans le sens du soutien et de l'aide aux familles en difficulté plutôt que dans ce qu'on entend dans ses premières annonces, qui va plutôt dans le sens de surveiller et punir.

Aurore Bergé semble penser que le principal des défis de la parentalité aujourd'hui, c'est de restaurer l'autorité parentale. Vous êtes d'accord ?

Oui, si on prend la notion d'autorité pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un mécanisme de protection. L'autorité, ce n'est pas la coercition, l'autorité c'est ce qui permet aux parents de protéger leur enfant. Or, pour des tas de raisons qu'on va bien sûr étudier dans cette commission, ces processus d'autorité sont souvent mis à mal aujourd'hui. Ça tient à l'époque qu'on vit, aux différentes crises successives qu'on est en train de traverser. Ça tient aussi aux transformations de la famille, aux recompositions, à la monoparentalité. Toutes ces situations demandent à être étudiées et à ce que, en amont des crises, des décompensations, en amont du judiciaire, on puisse proposer un certain nombre d'initiatives qui vont être plutôt préventives.

La proposition de travaux d'intérêt général pour les parents défaillants n'est pas l'alpha et l'oméga de votre démarche ?

Non, sauf si on peut élargir cette notion peut-être à des systèmes d'information qui aident les parents à restaurer les processus d'autorité. Je travaille depuis l'aube de ma carrière avec les familles sur la thérapie familiale. J'ai l'habitude d'être confronté à des familles qui sont en difficulté. Des parents qui, pour des tas de raisons, n'arrivent plus à encadrer leur famille. Ça fait plusieurs années que je suis confronté également à des jeunes qui sont dans la radicalisation islamiste, des choses assez graves et assez sévères. J'ai pu constater qu'en faisant un travail auprès des familles de ces jeunes qui sont souvent dépassés, qui ne comprennent pas ce qui se passe, on arrive très nettement à améliorer la situation.

De quelle manière ?

Il s'agit d'offrir aux familles des lieux de médiation, où elles vont pouvoir trouver de l'aide, du soutien en amont de tout ce qui est le judiciaire, le psychiatrique et le social. Je suis peut-être un peu utopiste en disant ça, mais j'aimerais que l'on constitue un peu le village, c'est-à-dire que l'on trouve dans la communauté des aides un petit peu naturelles de soutien à la parentalité quand les parents sont dépassés par la situation. Il y a quelques années, j'avais participé à ce qui s'appelait les Maisons vertes, à l'initiative de Françoise Dolto, où des parents pouvaient venir à n'importe quelle heure du jour, rencontrer d'autres parents, mais aussi des éducateurs, des psychologues. Ça fait partie des soutiens qui peuvent être tout à fait adaptés à d'autres âges de la vie et dans d'autres circonstances.

Il y a un délitement de l'autorité parentale ces dernières années ?

Il y a toujours eu des familles en difficulté, mais je crois qu'on vit une période qui est particulièrement anxiogène, particulièrement stressante, particulièrement angoissante pour les parents et les familles. Cette succession de crises, de crises sanitaires, de peur pour l'avenir, de crise écologique, de crise économique, les familles le vivent très durement et les jeunes encore plus. Tous les chiffres sont multipliés par deux en ce qui concerne la pathologie des adolescents, les tentatives de suicide, les scarifications, les recours aux médicaments, les recours au dispositif spécialisé qui est totalement saturé. Évidemment, les familles sont en difficulté aujourd'hui. Il ne s'agit pas de les stigmatiser, mais au contraire de trouver des ressources, encore une fois en amont du dispositif spécialisé.

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