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Politique : la polémique sur l'utilisation douteuse du fonds Marianne embarrasse le gouvernement

Des révélations au sujet de l'utilisation douteuse du fonds Marianne créent la polémique. Cette enveloppe de deux millions d'euros, créée après l'assassinat de Samuel Paty à l'initiative de Marlène Schiappa, soutient les initiatives contre la radicalisation islamiste sur internet. Une association en particulier est dans le viseur des enquêteurs.
Article rédigé par Stéphane Pair
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Marlène Schiappa à l'Assemblée Nationale, en novembre 2022. (THOMAS SAMSON / AFP)

La famille de Samuel Paty réclame des explications sur les révélations au sujet du fonds Marianne. Lancé le 20 avril 2021 par Marlène Schiappa, alors ministre déléguée chargée de la Citoyenneté auprès du ministre de l'Intérieur, le fonds Marianne vise à soutenir la lutte contre la radicalisation islamiste sur internet. Il est notamment créé en réaction à l'assassinat de Samuel Paty, dont le nom circulait sur Internet après que l'enseignant a montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Mais une enquête conjointement menée par L'Œil du 20 heures de France 2 et le magazine Marianne, sortie fin mars, révèle que certaines utilisations douteuses de l'enveloppe de près de deux millions d'euros alloués au fonds.

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Cette affaire vise en particulier une des 17 associations, l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation au service militaire (USEPPM). Choisie par le Comité de prévention de la radicalisation au printemps 2021, elle encaisse une subvention publique de 266 000 euros, d'après ses anciens dirigeants, contre l’engagement de produire un contre-discours républicain en ligne face à la propagande islamiste, via la plateforme numérique iLaïc. 

Mais d'après l'enquête de France Télévisions et de Marianne, l'examen des comptes bancaires de l'association montre que les deux dirigeants de l’USEPPM, son président et son administrateur, se sont rémunérés frauduleusement sur ce fonds, à hauteur de 120 000 euros, et que la réalité de leur travail n’est pas établie. Plusieurs membres du bureau de l’association soupçonnent un détournement et ils ont décidé de saisir la justice, avec leur avocat Cyril Fergon. "Personne, au sein de l'association, n'avait jamais entendu parler de cette demande et de l'octroi de cette subvention", explique-t-il. "Quant au travail accompli en contrepartie de ces rémunérations, on n'a rien : c'est ce vide qui est préoccupant." Ces soupçons font désormais l’objet d’une enquête de l’Inspection générale de l’administration et d’un signalement au Parquet de Paris.

"J'ai signé un contrat conformément à la loi"

L'un des deux dirigeants de l'association mis en cause, Mohamed Sifaoui, a choisi franceinfo pour s'exprimer et contester en bloc ces accusations. Ancien administrateur et caution intellectuelle de l’USEPPM, il est connu pour ses prises de positions contre l'islamisme et bénéficie d'une protection policière. Il produit toute une série de documents, comme la convention avec l’Etat, son contrat avec l’association, ses fiches de salaires. "Tout est à la disposition de la justice", affirme-t-il à franceinfo. “J’ai touché 39 000 euros net pour onze mois d’un travail bien réel. J'ai été conseiller éditorial sur ce projet, j'ai produit des notes. A chaque fois qu'il fallait donner une orientation sur le type de tweet ou de message sur Facebook, je l'ai fait. J'ai signé un contrat conformément à la loi."

"J'ai 35 ans d'engagement contre l'islam politique, je suis sous protection policière depuis 20 ans, je risque ma vie tous les jours. Donc c'est totalement indécent de laisser croire un instant que je serais motivé par un quelconque attrait financier."

Mohamed Sifaoui

à franceinfo

L'affaire embarrasse le gouvernement : dans un communiqué publié le 7 avril, Marlène Schiappa réfute tout copinage, tout favoritisme dans cette affaire. Mais pour Virginie Leroy, l’avocate de la famille de Samuel Paty, la ministre doit surtout justifier du suivi de l’utilisation de ces fonds publics, en particulier sur des sujets aussi sensibles : "Faire des chèques en blanc pour derrière ne pas surveiller ce qu'il se passe, ne pas vérifier si ce qui est effectivement produit est adapté à l'objet de la mission qui est confiée, est efficace, cela ne rime à rien et ce n'est pas à la hauteur de ce qui est arrivé à Samuel Paty."

Selon Marlène Schiappa, des contrôles ont bien eu lieu auprès des 17 associations qui ont bénéficié du fonds Marianne. Une seule association, l'USEPPM, serait dans le viseur de l’Inspection générale de l’administration.

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